Appel à communication : « Le Corps helvétique et la France (1660-1792). Transferts, asymétries et interdépendances entre des partenaires inégaux » (Colloque de la Société Suisse pour l’Étude du XVIIIe Siècle (SSEDS), 28-30 avril 2022)

Appel à communication : « Le Corps helvétique et la France (1660-1792). Transferts, asymétries et interdépendances entre des partenaires inégaux » (Colloque de la Société Suisse pour l’Étude du XVIIIe Siècle (SSEDS), 28-30 avril 2022)

Château de Waldegg, Feldbrunnen-St. Niklaus (canton de Soleure)

28-30 avril 2022

Comité d’organisation : Simona Boscani-Leoni, Claire Gantet, André Holenstein, Timothée Léchot, Bérangère Poulain

Si le Corps helvétique et le royaume de France n’acquirent que dans la seconde moitié du XVIIe siècle une longue frontière commune, les relations politiques, diplomatiques et économiques entre les deux pays inégaux étaient déjà très étroites depuis le début du XVIe siècle. La Paix perpétuelle (1516) et l’alliance régulièrement renouvelée de 1521 à 1777 entre les cantons et le roi de France constituèrent l’épine dorsale des relations extérieures du Corps helvétique jusqu’en 1792. Rien ne manifeste mieux l’éminent intérêt du Roi très chrétien à des relations étroites avec le Corps helvétique que la présence d’un ambassadeur permanent de la France à Soleure (à partir de 1530). L’affirmation de la France en tant que grande puissance continentale sous Louis XIV attisa une discussion de plus en plus controversée sur les relations asymétriques entre ces partenaires inégaux. Tandis que les clients de la France saluaient Louis XIV comme un protecteur bénéfique de la liberté et de l’unité confédérées, le parti antifrançais dans les Cantons helvétiques percevait dans la politique offensive d’expansion (conquête de la Franche Comté en 1668/1674 et de Strasbourg en 1681) et dans la persécution des huguenots un danger imminent pour la Confédération. Contre les intérêts des entrepreneurs de guerre, des pensionnaires et des négociants tournés vers la France, il voulait contrebalancer la forte dépendance envers la France du Corps helvétique en le rapprochant de l’Empire, de l’espace néerlandais et de l’Angleterre. Ces tensions atteignirent un apogée en 1715 lorsque le roi – à l’encontre d’une politique qui traditionnellement visait l’accord entre les partis confessionnels – ne renouvela son alliance qu’avec les cantons catholiques. En 1777 seulement, la diplomatie française parvint à inciter l’ensemble des cantons divisés à renouveler leur alliance avec le roi, en tant que leur « plus vieil ami et allié » – une alliance qui fut unilatéralement résiliée par la France républicaine révolutionnaire en 1792.

 

Proximité et distance, dépendance et retrait : ces traits ne caractérisèrent pas seulement les relations politiques et diplomatiques du Corps helvétique et de la France. Ils caractérisèrent aussi les arts, la littérature, l’architecture et les pratiques culturelles, jusqu’à la mode et la consommation. D’un côté, la France exerça une grande influence sur le Corps helvétique en tant que grande puissance politique mais aussi modèle culturel, comme en témoignent la langue, la littérature, les modes de vie, l’architecture et les intérieurs des élites sociales. De l’autre, la puissance politique et culturelle du voisin provoqua des réactions de défense jusque dans ces domaines. Elles se manifestèrent dans la critique de l’artificialité, de la superficialité et de la frivolité «des Français», et dans l’éloge du «bon sens» anglais (Beat Ludwig von Muralt), dans la stylisation de la simplicité et du naturel républicains en tant que contre-modèles culturels à l’affectation de la société de cour, dans le déploiement d’une littérature suisse francophone distincte qui s’émancipait de la poésie classique française, ou dans une critique de ton de plus en plus national développée par des partisans des Lumières réformatrices à l’encontre du mode de vie aulique cosmopolite des patriciens confédérés, laquelle s’exprima notamment dans le rejet des voyages à l’étranger des jeunes patriciens et dans la revendication d’institutions éducatives en Suisse.

 

Le colloque veut éclairer les relations franco-suisses au XVIIIe siècle compte tenu de ces tensions entre proximité et distance, admiration et rejet, dépendance et émancipation. En élargissant les notions avancées dans la recherche récente de transferts culturels (Michel Espagne, Michael Werner) et de tropisme (Wolfgang Adam, Jean Mondot) – qui analysent les relations franco-allemandes dans une perspective avant tout littéraire et culturelle –, le colloque, conformément à la vocation interdisciplinaire de la Société Suisse pour l’étude du XVIIIe siècle, envisage tant pour sa conception que pour sa thématique le spectre entier des relations franco-suisses dans le siècle et demi qui s’écoula jusqu’à la Révolution française. Il sonde les dynamiques, conjonctures et crises des relations et perceptions réciproques des deux voisins. Cette interrogation ouvre la voie à quantité de thèmes : l’entreprise de guerre et les services étrangers ; les relations diplomatiques ; les relations commerciales et la contrebande ; les mouvements migratoires ; les appropriations, transferts et les critiques des modèles culturels dans les domaines de l’art, de l’architecture, de la littérature, de la consommation et de la mode ; les contacts et relations entre les lettrés ; le vécu et les perceptions des voyageurs ; la formation et les perceptions de la frontière commune ; la constructions d’images de soi et de l’autre notamment.

 

Les communications individuelles seront limitées à 25 minutes, les communications collectives à 40 minutes. Les projets de communications rédigés en français ou en allemand, ou en anglais (avec un maximum de 300 mots) peuvent être adressés jusqu’au 31 mars 2021 à Claire Gantet (claire.gantet@unifr.ch) ou André Holenstein (andre.holenstein@hist.unibe.ch). Le comité scientifique du colloque se prononcera jusqu’au 30 juin 2021.

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