Appel à communication : « Les arts et la diaspora basque (XIXe-XXIe siècles) » (Bayonne, 25-26 février 2016)

« Bakardade » (Solitude), Monument aux bergers basques, par Nestor Basterretxea, 1989, Reno (Nevada)

Ce colloque international est organisé par la Société d’Etudes Basques (Eusko Ikaskuntza, Bayonne) et la plateforme de projets culturels Ezmugak basée à Irun, dans le cadre des célébrations de Donostia-San Sebastián 2016, Capitale Européenne de la Culture, et de l’Eurorégion Aquitaine-Euskadi. Il bénéficie du soutien de diverses institutions et mécènes privés, parmi lesquelles l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Il constitue l’axe scientifique du projet culturel « Les arts et la diaspora basque » qui se compose en outre d’une exposition-concours de création d’art actuel, présentée dans les sept provinces du Pays basque (à Bayonne, Saint-Jean-Pied-de-Port, Mauléon, San Sebastián, Vitoria, Pampelune, Bilbao), ainsi que d’un cycle de projection de films et documentaires.

La diaspora basque

Outre la force de leur identité et l’exception de leur langue, les Basques sont connus pour être d’infatigables voyageurs. Leur activité de pêche à la baleine les mena vers les côtes du continent nord-américain dès le Moyen Age, bien avant les expéditions de Christophe Colomb et après les navigateurs vikings. Malgré leur tradition maritime séculaire, la fin du XVIIIe siècle inaugura une importante ère d’exode en raison d’une forte instabilité politique en France et en Espagne, souvent défavorable à leur condition, leur culture et leur identité singulière. Les guerres napoléoniennes, les conflits carlistes, l’industrialisation, le chômage, la guerre franco-prussienne furent autant de motifs de départ au XIXe siècle.

Dans les décennies suivantes, ce sont les conscriptions et les deux guerres mondiales, ainsi que la dictature franquiste, qui les motivèrent à se réfugier et rechercher un avenir meilleur aux quatre coins du monde. D’autant que certains états développaient alors une politique d’attractivité afin de peupler leurs terres, comme ce fut le cas, par exemple, de l’Argentine ou des Etats-Unis avec leurs appels aux bergers. Aujourd’hui encore, pour des raisons socioéconomiques ou par goût du voyage, nombre de natifs du Pays basque émigrent en quête d’un El Dorado.

Ainsi en deux siècles, s’est constitué ce qui a été baptisé la « huitième province », « la diaspora basque », composée d’une pluralité d’individus, aussi hétérogène que la diversité de leurs terres de refuge, mais réunies sous l’égide de leurs racines communes plus vieilles que l’Europe. Huitième province, car le Pays basque se compose de sept provinces ; trois sur le territoire français – le Labourd, la Basse-Navarre et la Soule -, que l’on nomme Iparralde (côté nord), et quatre sur le territoire espagnol – la Biscaye, le Guipúzcoa, l’Alava et la Navarre -, que l’on appelle Hegoalde (côté sud). Malgré l’éloignement de leurs terres d’origine, les Basques d’ailleurs ont su faire perdurer leur culture, fortement ancrée dans les traditions et le patrimoine immatériel par le biais d’innombrables festivals folkloriques ou du réseau des Maisons Basques (Euskal Etxea).

Les arts et la diaspora basque

D’un point de vue anthropologique, linguistique et historique, la diaspora basque est au cœur des préoccupations scientifiques depuis de nombreuses années, que ce soit avec les travaux, entre autres, des laboratoires IKER et ITEM de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), de la Universidad del País Vasco (UPV), de la Universidad Pública de Navarra ou bien, aux Etats-Unis, avec le Center for Basque Studies de l’Université de Reno dans le Nevada. Le folklore, les problématiques identitaires, la transmission ou encore la littérature, entre autres thèmes, font l’objet de nombreuses études.

Bergers basques par Enrique Lezada, peinture murale, années 2000, Center of Basque studies (University of Reno)

Bergers basques par Enrique Lezada, peinture murale, années 2000, Center of Basque studies (University of Reno)

Pour autant, il faut constater que l’histoire de l’art semble délaissée par les chercheurs bascophiles dans le contexte de la diaspora basque. Du moins n’a-t-elle pas encore fait l’objet d’une réflexion globale et problématisée, malgré des études ponctuelles. Les arts plastiques et visuels ne sont cependant pas en reste dans cette histoire culturelle, faisant écho au mouvement régionaliste largement répandu en Europe à partir de la seconde moitié du XIXe siècle et dont le Pays basque ne fait évidemment pas exception. D’où la nécessité, désormais, d’une étude fondamentale sur le patrimoine matériel, artistique et culturel, basque « délocalisé » ou lié aux mouvements migratoires, qui soit inscrite dans l’histoire des deux derniers siècles.

Car, en effet, la présence basque se lit dans tous les domaines de la production artistique liée à son émigration. Un recensement encore superficiel laisse présager d’un patrimoine aussi vaste que le monde que le peuple basque s’est approprié. Depuis les émouvants arboglyphes des forêts du Nevada, la sculpture, avec notamment l’emblématique Monument aux Bergers basques érigé par Nestor Basterretxea dans le Nevada, à la peinture, avec le succès de nombreux artistes d’origine basque tels que le surréaliste Roberto Matta ou l’argentin Sergio de Castro, il s’agit d’une réalité factuelle encore méconnue.

Maison Curutchet, par Le Corbusier, La Plata (Argentine), 1949

Maison Curutchet, par Le Corbusier, La Plata (Argentine), 1949

Il en va de même en architecture où nombre de maîtres d’œuvre latino-américains, tels que Ordorika, Tomás et Legoreta au Mexique ou Noel en Argentine, sont issus de l’émigration basque. Outre l’architecture vernaculaire basque présente de manière insolite dans le delta argentin du Paraná, par exemple, les migrants basques fut en outre commanditaires de demeures remarquables comme la villa Curutchet édifiée par Le Corbusier à La Plata et classée « monumento nacional » ou le palais Estrugamou à Buenos Aires. La relation entre l’art et la diaspora basque s’exprime également à travers la mobilité des artistes d’Europe vers la scène américaine, notamment au cours de leur exil franquiste, ce qu’illustrent les parcours de Zumeta, Chillida, Oteiza, Arrue, Nagel, Tillac et tant d’autres. Le cinéma n’est pas en reste, comme le démontrent la carrière du réalisateur mexicain Iñarritu ou le festival de cinéma basque de Montevideo.

En tant qu’objet de représentation, le peuple basque est par ailleurs valorisé de manière muséographique au sein d’institutions patrimoniales comme le Parc de l’Aventure Basque en Amérique, au Canada, ou bien The Bask Block, situé dans la ville de Boise (Idaho). Mais il fait également l’objet de productions  photographiques et  cinématographiques,  parfois anthropologiques, avec les clichés de Ojanguren en Argentine, ou, au contraire, stéréotypées voire pittoresques, comme l’illustre la drôle et caricaturale Caravane vers le Soleil, western réalisé en 1959 par Russel Rouse. Il est même figuré dans les très contemporaines et populaires peintures murales du street art qui parsèment l’Ouest américain, de l’Oregon à la Californie. Enfin, pour certains, la réussite engendra le retour aux sources ; après avoir fait fortune, ils s’en retournèrent au pays, comme les Légasse, les Lesca, les Signoret, les Beistegui, en Iparralde, véhiculant avec plus ou moins de force le souvenir de l’ancienne terre promise.

Axes de réflexion

Ainsi, à l’instar de tant de peuples minoritaires en situation d’exil, les Basques ont-ils contribué à la pluralité culturelle de leurs terres d’émigration, en particulier aux Amériques mais également aux quatre coins du monde. De nombreuses problématiques sont impliquées par le patrimoine bâti et artistique matériel de la diaspora basque :

  • Parcours des maîtres d’œuvres et artistes basques issus de l’émigration : qui sont les maîtres d’œuvres et les artistes de la diaspora basque ? Quel est leur parcours ? Quelles sont les motivations de leur exil ? Comment vivent-ils cette émigration ?
  • La survivance ou l’absence de l’identité basque : comment s’y exprime ou non l’identité basque ? Les artistes émigrés clament-ils leur identité basque dans leurs œuvres ou au contraire s’assimilent-ils à leur terre d’accueil au point de délaisser leurs racines ?
  • Les représentations de l’identité et de la diaspora basques : comment l’identité basque est-elle représentée par les artistes basques ou leurs homologues d’ailleurs à travers les arts visuels et l’architecture ? Mais aussi, comment l’iconographie figure-t-elle les thèmes du départ des Basques et de leur vie loin de leur terre d’origine ?
  • L’influence de l’autre sur la création basque de la diaspora : Quelle influence exerce le contact de l’autre et de ces terres promises sur l’art ?
  • La forme et le discours des œuvres : quels types d’œuvres artistiques et architecturales produisent ces Basques d’origine ? Quel est leur rôle, en tant qu’artiste ou maître d’œuvre, dans la société nouvelle qu’ils construisent ?
  • Les productions artistiques et architecturales dues aux émigrés rentrés au pays : qu’en est-il de ceux qui reviennent ? Quels édifices ou quelles œuvres produisent-ils ? Comment l’impact de leur voyage ou de leurs origines se traduit-il dans l’art ?

Compte tenu de l’ampleur du sujet, ces questions ne constituent pas une liste exhaustive. Ce colloque entend enrichir la réflexion sur la diaspora basque, sur l’art contemporain et sur les peuples minoritaires en exil, en s’intéressant aussi bien aux arts plastiques traditionnels tels que la peinture, la sculpture et l’architecture, mais aussi aux arts visuels modernes, comme la photographie et le cinéma, et ce, depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours.

MODALITES

Date et lieux :
25 février 2016 : Musée Basque et d’Histoire de Bayonne
26 février 2016 : Museo San Telmo, Donostia-San Sebastián

Langues : Français, basque, espagnol, anglais

Disciplines concernées : Peinture, sculpture, architecture, arts décoratifs, cinéma, photographie.

Périodes concernées : fin du XVIIIe siècle au XXIe siècle

Envoi des propositions de communication
Les propositions de communication, de 1500 signes (notes et espaces compris) ou 300 mots maximum, accompagnées d’un bref curriculum et d’une liste de publications, sont à envoyer avant le 15 septembre 2015 à l’adresse suivante : viviane_delpech@yahoo.fr

Les communications auront un format de 20-25 minutes. Les actes du colloque feront l’objet d’une publication.

Renseignements : viviane_delpech@yahoo.fr


Coordination et direction scientifique
Viviane Delpech, chercheur associée à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et membre de la Société d’Etudes Basques

Comité scientifique 

  • Oscar Álvarez Gila, professeur d’histoire des Amériques, Universidad del País Vasco
  • Zoe Bray, professeur d’anthropologie et artiste, University of Reno/University of Hebron
  • Viviane Delpech, chercheur associée, Université de Pau et des Pays de l’Adour
  • Dominique Dussol, professeur d’histoire de l’art contemporain, Université de Pau et des Pays de l’Adour
  • Ismael Manterola, professeur d’histoire de l’art contemporain, Universidad del País Vasco
  • Olivier Ribeton, conservateur en chef du musée Basque et d’Histoire de Bayonne

Comité d’organisation 

  • Viviane Delpech, UPPA/Société d’Etudes Basques
  • Maité Ithurbide, Société d’Etudes Basques
  • Jean-Michel Larrasquet, professeur émérite des universités, président de la Société d’Etudes Basques
  • Jean-Claude Larronde, président du musée Basque et d’Histoire de Bayonne, trésorier de la Société d’Etudes Basques
  • Nausica Sánchez, présidente de la plateforme de projets culturels Ezmugak (Irun)
  • Susana Soto, directrice du musée San Telmo (Donostia-San Sebastián)
  • Maialen Zamponi, chef de projet Eusko Diaspora, Sociétés d’Etudes Basques

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