Appel à communication : Les résidences d’artistes – outils de recherche et d’expérimentation artistique ou dispositifs de démocratisation culturelle ?(Paris, 11 avril 2023)

Les résidences d’artistes se sont multipliées ces trente dernières années. Loin des colonies d’artistes du 19esiècle qui permettaient de se retrouver en communauté dans des lieux inspirants, elles se situent aujourd’hui au carrefour de plusieurs projets : celui de l’artiste, de la structure qui l’accueille, des collectivités territoriales et de l’État. Elles se distinguent ainsi selon les lieux qu’elles occupent, selon leur durée, mais aussi, et surtout, selon les objectifs qu’elles se donnent : recherche et expérimentation, production ou éducation artistique.

Les réseaux professionnels, comme Resartis, s’accordent à penser qu’il est nécessaire de conserver une définition fluide de ce qu’est une résidence. Pour Arts en résidence, les résidences s’affirment comme « un moyen de soutenir la création contemporaine et s’engagent à fournir aux résident·e·s les moyens techniques, humains et financiers de travailler dans de bonnes conditions ». Elles suivent donc un objectif qualitatif de travail, offrant un cadre et un contexte de création permettant de s’extraire d’éventuelles difficultés matérielles. Idéalement, les résidences de création et de recherche doivent permettre aux artistes de trouver un temps de réflexion ou d’expérimentation en dehors des contingences habituelles, sans nécessairement que ces dernier·e·s soient astreint·e·s à un résultat. De plus en plus de résidences se donnent toutefois la mission de résoudre des problèmes politiques, sociaux ou écologiques et encouragent les artistes à travailler sur des thématiques particulières qui engagent la communauté dans une collaboration ou une interaction sociale, suivant en cela le tournant social de l’art identifié notamment par Claire Bishop (2006). Les pratiques artistiques en résidence s’effectuent rarement en cercle fermé, elles ont même souvent pour caractéristique de constituer des lieux d’effervescence en s’appuyant sur les dynamiques d’un territoire donné.

Les pouvoirs publics trouvent également intéressant de renforcer la présence des artistes sur le territoire, « de manière à favoriser la rencontre avec les populations » selon l’un des objectifs soulignés dans la circulaire du 8 juin 2016 relative au soutien d’artistes et d’équipes artistiques dans le cadre de résidences. Permettant la création d’alliances temporaires entre des habitants et des artistes, la résidence est donc un dispositif unique dans sa double mission de démocratisation culturelle et de soutien aux artistes. Les politiques publiques y trouvent un moyen efficace d’amener la culture dans des endroits qui en sont moins dotés, voire dépourvus. Elles espèrent ainsi créer du lien social, voire le réparer. On attend donc des artistes qu’ils utilisent le temps qui leur est donné pour développer leurs recherches artistiques dans un contexte de travail favorable, mais aussi qu’ils/elles rencontrent la population suivant un curseur qui se déplacera, au grès des résidences, vers davantage d’interventions avec le public ou vers une liberté totale laissée à l’artiste qui pourra, s’il le souhaite, s’enfermer dans un atelier.

N’est-il pas paradoxal de vouloir faire converger un objectif de professionnalisation et de soutien aux artistes avec une volonté de démocratisation culturelle ? Le dispositif est censé pouvoir profiter à la fois au public et aux artistes. Les moments avec les publics sont généralement prévus sur un temps partagé, contractualisé, une sorte de donnant-donnant contre l’espace et le temps fourni par la résidence pour la création artistique. Quelles expérimentations artistiques sont-elles alors indirectement favorisées ou encouragées ? La transformation des résidences en outils d’action culturelle ne risque-t-elle pas de faire de la participation de la population une forme de remplissage des espaces laissés vides par le pouvoir, comme le souligne Rancière (2004) ?

Force est de constater a contrario que le collaboratif et la nécessité d’une émancipation collective sont devenus des leitmotivs dans les pratiques curatoriales et artistiques aujourd’hui (Zhong Mengual, 2019). À ce titre, certaines résidences, par les recherches qui y sont menées, se révèlent être des dispositifs particulièrement adaptés au développement de ces pratiques. Elles semblent pouvoir constituer un espace de l’art privilégié permettant de répondre artistiquement aux besoins de communautés dans lesquels les artistes ont un rôle politique à jouer, élargissant ainsi le rôle de l’art dans la société.

Cet appel à contribution souhaite rassembler des propositions de communication issues de toute discipline permettant de mieux définir les points d’articulation entre les besoins des artistes et les demandes sociales, politiques et culturelles.

Les propositions pourront s’inscrire dans les thématiques suivantes :

Le rôle des résidences dans le parcours de l’artiste

  • L’impact du cadre et du contexte sur la recherche et la création en résidence
  • Les temporalités du travail en résidence
  • Les contraintes et freins à la création en résidence, les attentes pesant sur les artistes en résidence
  • La question de la production ou de la non-production en résidence.
  • Le rôle des résidences dans la professionnalisation des artistes et dans la carrière des artistes émergents
  • L’Histoire des résidences d’artistes. Des colonies d’artistes aux résidences internationales

L’impact des résidences artistiques dans la société

  • Le rôle politique et social des artistes en résidence
  • Les résidences dans le contexte de l’art globalisé : questions éthiques et écologiques
  • Cosmopolitisme et transferts culturels, échanges culturels dans les résidences d’artistes
  • Les attentes des artistes, des institutions, des communautés locales
  • Les résidences d’artistes et l’éthique du care

Les résidences et l’Éducation Artistique et Culturelle

  • L’artiste intervenant, médiateur, co-producteur, co-créateur
  • Fonction éducative de l’artiste en résidence, rôle des artistes en résidences situées en milieu scolaire et universitaire, rôle de l’artiste dans l’éducation artistique et culturelle, rôle de l’artiste en résidence en milieu scolaire dans l’accompagnement au changement
  • Le rôle des artistes en résidences en milieu carcéral, à l’hôpital, en entreprise

Bibliographie indicative

BISENIUS-PENIN, Carole (sld.), Entre création et médiation : les résidences d’écrivains et d’artistes (dossier). Culture et Musées, n° 31, 2018

BISHOP, Claire, Artificial Hells. Participatory Art and the Politics of Spectatorship. Londres ; New York, Verso, 2012

BISHOP, Claire. “The social turn: Collaboration and its discontents”. Artforum, 2005, vol. 44, n° 6.

DE LAJARTE, Isabelle. Du village de peintres à la résidence d’artistes. Paris, L’Harmattan, 1999.

DENOIT, Nicole, DOUZOU, Catherine (sld.). La Résidence d’artiste : enjeux et pratiques. Tours,  Presses Universitaires François-Rabelais, 2016.

ELFVING, Taru, KOKO, Irmeli, GIELEN, Pascal (sld.). Contemporary Artist Residencies – reclaiming Time and space, coll. Antennae-Arts Series. Amsterdam, Valiz, 2019.

FRAC PAYS DE LA LOIRE (sld.). Artistes en résidence : actes du colloque, 4 et 5 octobre 1990. Nantes, FRAC Pays de la Loire, 1990.

LE FALHER, Olivier. Mettre en forme le travail artistique : les ressources de l’incertitude dans l’accueil en résidence d’artistes plasticiens, Thèse de l’université d’Avignon, 2010.

LÜBBREN, Nina. Rural Artists’ Colonies in Europe 1870–1910, Manchester, Manchester University Press, 2001.

MENGER, Pierre-Michel. Métamorphoses du capitalisme, Portrait de l’artiste en travailleur. Paris, Seuil / La République des idées, 2002.

POULIN Céline, PRESTON Marie (sld.). Co-Création, Edition Empire et CAC Brétigny, 2019.

RANCIÈRE Jacques, Aux bords du politique. Paris, Gallimard, 2004.

VILLAGORDO Éric. « Un sociologue en résidence artistique ». Culture & Musées, n°19, 2012. p. 147-168

ZHONG-MENGUAL, Estelle. L’art en commun. Réinventer les formes du collectif en contexte démocratique. Dijon, Les Presses du Réel, 2019.

Modalités de soumission

Les propositions de communications (500 mots) seront accompagnées d’un titre et d’une brève notice biographique. Elles sont à adresser en format Word avant le 25 janvier 2023 aux adresses suivantes : nathalie.desmet02@univ-paris8.fr et isabelle.fabre@ensfea.fr.

Les propositions seront examinées par le comité scientifique. La liste des propositions retenues sera communiquée le 15 février 2023.

La durée des communications sera de 20 minutes (+10 minutes d’interaction avec les auditeur·ices)

Cet appel à communication fait suite à une journée d’étude organisée par le laboratoire Arts des Images et Art Contemporain (Paris 8) et l’Unité Mixte de Recherche Éducation, Formation, Travail, Savoirs (Toulouse – l’École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole) dans le cadre d’un projet de recherche pluridisciplinaire et transdisciplinaire collectif sur les résidences d’artiste (https://residences.hypotheses.org).

La journée d’étude est organisée par Nathalie Desmet (Laboratoire Arts des Images et Art Contemporain, Université Paris 8) et Isabelle Fabre (Unité Mixte de Recherche, Éducation, Formation, Travail, Savoirs, Université de Toulouse / École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole).

Elle se déroulera à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis (Amphithéâtre MR2 Maison de la recherche) le 11 avril 2022.

Comité scientifique

Christiana CHARALAMPOPOULOU, Maîtresse de conférences en Sciences de l’éducation et de de la formation (UMR EFTS, Toulouse 2)

Nathalie DESMET, Maîtresse de conférences en théorie et pratique de l’art contemporain (AIAC, Paris 8)

Isabelle FABRE, Professeure de l’Enseignement supérieur agricole en Sciences de l’information et de la communication (UMR EFTS, École Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole, Toulouse)

Claire FAGNART, Maîtresse de conférences en histoire et théorie de l’art contemporain (AIAC, Paris 8)

Daphné LE SERGENT, artiste, Maîtresse de conférences en arts plastiques (AIAC, Paris 8)

Marie PRESTON, artiste, Maîtresse de conférences au département arts plastiques, (AIAC, Paris 8)

Hortense SOICHET, Artiste photographe indépendante, professeure-associée au département arts plastiques (AIAC, Paris 8)

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