Appel à communication : « Littérature, langues et arts devant le terrorisme » (Amiens, septembre 2016)

Street Art, Paris, novembre 2015:2Le terrorisme frappe à nouveau de nombreux pays depuis quelques années, au nom de causes et de dogmes divers. Les historiens et les politologues en font un objet privilégié. Mais le terrorisme, qui vise l’action, relève aussi de discours préparatoires, encadrants : à sa rhétorique de la violence radicale répondent, comme dans une symétrie inversée, des langages qui ne sont pas que chroniques et critiques des faits. Les arts, en langue française, étrangère, par le biais des médias les plus divers et des positions esthétiques interrogent aussi la nature, les modes, les figures, les conséquences, les impensés du terrorisme.

Les mises en forme du terrorisme, tel qu’il s’est manifesté, et tel qu’il peut se manifester relèvent de pratiques artistiques très diverses (art fondé sur l’histoire, constructions de mondes possibles, genres privilégiés comme l’anticipation, mimèsis et installations déstabilisantes …), que ce colloque se propose d’étudier. Les anarchistes violents qui fascinaient un Dostoïevski ou un Camus ne sont pas ceux qui commettraient l’acte surréaliste imaginé par Breton dans le second Manifeste : « descendre dans la rue et tirer au hasard, tant qu’on veut, dans la foule ». Jean Clair, réagissant contre de tels propos (Du surréalisme considéré dans son rapport au totalitarisme et aux tables tournantes), est-il réactionnaire ou simplement « réaliste », à la lumière de notre actualité ? Les « esthètes radicaux », selon le terme d’Hermann Broch (Le Mal dans les valeurs de l’art) sont-ils aujourd’hui oubliés, alors qu’un moralisme plus ou moins nuancé se fait entendre dans les œuvres comme dans les discours critiques (éthiques de la littérature, théorie du care, engagement verbal et dénonciateur dans les œuvres plastiques). Les littératures et les autres arts traitent-ils de manière différente, selon des rythmes différents, cette question ?

La terreur qui est au cœur du terrorisme est-elle une voie esthétique royale pour relier propos, genre et « manière », et les arts ne sont-ils pas toujours plus ou moins confrontés à elle ? Peut-être pour la circonscrire… Mais quel est alors leur effet sur le public – Les Fleurs de Tarbes ou la Terreur dans les lettres de Paulhan fait-elle sens aujourd’hui ? Quid de la destruction « artistique » de leurs propres œuvres par certains plasticiens ? Un tel effet est-il susceptible d’engager un regard critique sur le phénomène particulier du terrorisme, qui est sans doute à l’opposé du spectacle tragique, par exemple ? On s’interrogera également sur le geste créatif, par lequel les œuvres « représentent » ou « déconstruisent » l’acte terroriste, en faisant usage de matériaux particuliers (ruines, mises en scènes d’archives, reportages spectaculaires…), et de la rhétorique (discours d’enrégimentement, sens d’un art politique…). Après les « romans du bourreau », quels sont les « romans du terroriste » ?

Le terrorisme, dans sa radicalité, se veut-il un moment historique par excellence, ou une réaction contre l’histoire ? Derrida, après les attentats du 11 septembre, expliquait que tout terrorisme se prétendait réponse à une situation terroriste. Comment pareil mécanisme joue-t-il dans les œuvres ? Le terrorisme comme thème interroge à sa manière le rapport du singulier à la communauté. Les théoriciens linguistes et esthéticiens peuvent-ils et doivent-ils passer par l’engagement pour penser cet objet (cf Chomsky, Autopsie des terrorismes) ? Les arts recombinent souvent le rapport du lecteur, du spectateur et de l’artiste à leur temps : cela passe-t-il par des modélisations particulières en matière de terrorisme ? Les dictateurs et les terroristes font des martyrs parmi les artistes, c’est une chose établie : les dessinateurs ou autres « penseurs libres » récemment assassinés rappellent suffisamment que la culture constitue à la fois une cible, une valeur, et un matériau à réponse à ceux-ci. Mais que signifie « culture » aujourd’hui, que signifie « art » ? L’esthétique est-elle définitivement enterrée, et les approches cognitives de la représentation, relayées par la lutte « globale» contre l’essentialisme fournissent-elles des approches neuves de la radicalité terroriste ?

Ce colloque, qui se tiendra les 24, 25 et 26 septembre 2016 à l’Université de Picardie-Jules Verne, à Amiens, entend rappeler que les universitaires spécialisés en lettres, langues et arts ont des paroles importantes à prononcer sur le terrorisme, qui dit la violence du monde. Nous espérons y entendre des collègues étrangers, car le terrorisme est international et les artistes de tous les pays l’ont traité. Le colloque est organisé par le CERR/CERCLL.

Les propositions sont à envoyer très vite, si possible avant le 15 décembre 2015  à Catherine Grall, maître de conférences en littérature générale et comparée à l’UPJV à l’adresse suivante : grallthecat@gmail.com

 

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