Appel à communication : « Peinture et document : David Diao »

diao05Premier colloque international consacré au travail du peintre new-yorkais David Diao. Le colloque proposera des points de vues variés sur le travail de David Diao. Il s’agit d’engager des analyses ciblées sur certains aspects de son travail, mais aussi de proposer des mises en relation entre Diao et d’autres artistes, d’analyser le parcours et l’œuvre de Diao en le situant dans un contexte global de l’art contemporain depuis 1970 jusqu’à aujourd’hui. L’objectif est de contribuer à créer aujourd’hui un ambitieux travail théorique sur le travail de l’artiste.

Colloque international 27-28-29 mars 2014, Strasbourg, Musée d’art moderne et contemporain, et Aubette 1928

Colloque co-organisé par

  • l’équipe de recherche en arts EA 3402 Approches Contemporaines de la Création et de la Recherche Artistique (ACCRA) de l’Université de Strasbourg
  • et le laboratoire Architecture, Morphologie/Morphogenèse Urbaine et Projet (AMUP – EA 7309), ENSAS-INSA de Strasbourg
  • Les Musées de la Ville de Strasbourg sont partenaires du colloque

Argumentaire

Le colloque prend part à un ensemble de projets avec David Diao en 2014 à Strasbourg :

– une résidence d’artiste avec un workshop en mars réunissant des étudiants de l’Université de Strasbourg (art, design, critique-essais) de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg et de l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, sur le thème de l’Aubette, créée en 1928 par Theo van Dœsburg, Hans Arp et Sophie Taeuber-Arp, avec vernissage le samedi 29;

– la production d’une œuvre inédite de l’artiste sur le thème de l’Aubette, qui sera présentée au public à l’ouverture du colloque le jeudi 27 dans les salles de l’Aubette;

– un ouvrage collectif bilingue (Fr-Eng), à paraître en 2014.

Le colloque proposera des points de vues variés sur le travail de David Diao. Il s’agit d’engager des analyses ciblées sur certains aspects de son travail, mais aussi de proposer des mises en relation entre Diao et d’autres artistes, d’analyser le parcours et l’œuvre de Diao en le situant dans un contexte global de l’art contemporain depuis 1970 jusqu’à aujourd’hui. L’objectif est de contribuer à créer aujourd’hui un ambitieux travail théorique sur le travail de l’artiste.

La peinture du new-yorkais David Diao (né en 1943) s’apparente à une exploration de l’histoire de l’art moderne ainsi que de certains enjeux sociaux liés à sa propre biographie. Il mène cette exploration à partir de matériaux essentiellement documentaires (photographies, plans, cartes, listes, diagrammes…), ou bien en citant les œuvres d’autres artistes (Malevitch, Newman, Palermo ou Richter…). De la même manière, apparemment, que bien des artistes « postmodernes », il assume la copie, la reprise, et la mise en relation d’éléments existants. Diao construit des images à propos de l’art, des peintures critiques, minutieusement et patiemment élaborées, couche après couche, au chromatisme recherché, souvent de grand format.

Autour de 1970, David Diao est d’abord un peintre apparemment très marqué par les théories modernistes de Clement Greenberg. Dans sa peinture, il se concentre sur la forme, sur le medium, avec souvent des processus qui questionnent le rôle des outils mêmes : il utilise des matériaux de construction (dalles de plâtre, enduits…), il place sous la toile des briques avant de peindre afin de marquer la trace peinte de quelque chose de concret et d’abrupt. Il utilise de très grand rouleaux de carton dur pour étaler la peinture sur toute la toile. Plus tard, sa peinture se fait plus géométrique et par ce biais il rejoint les préoccupations des artistes des avant-gardes européennes abstraites : Malevitch, Lissitzky, Van Dœsburg…

Ces questionnements essentiellement formels finissent par lui poser problème : comment faire une peinture qui articule un discours plus critique ? Comment faire une peinture qui « porte à conséquence » (Michael Corris, 2005), à un  niveau théorique, social, historique ? Comment revenir au « contenu » ?

Après une période de quelques années durant lesquelles il abandonne toute pratique artistique, il reprend la peinture en 1984 en partant de là où une certaine abstraction a commencé : en Europe, avec le Suprématisme. Diao se tourne vers l’image que l’on trouve dans n’importe quel ouvrage sur l’histoire de l’abstraction, peut-être la plus reproduite : la photographie de l’exposition de Malevitch, 0.10 à Saint-Petersbourg en 1915. Cette photographie incontournable que l’on ne regarde plus vraiment, Diao va entreprendre de lui donner à nouveau du contenu. Il isole les formes présentes dans les tableaux, réduit l’image au noir et blanc contrasté, fait flotter ces formes géométriques dans un vide en supprimant toute indication du lieu d’exposition à part une chaise posée dans un coin…

À cette période, David Diao est associé au courant citationniste, typique d’une certaine postmodernité… En France, il participe notamment à l’exposition Tableaux Abstraits de la Villa Arson en 1986 aux côtés de Knoebel, Palermo, Richter, Frize, Lavier, Mosset, Polke, Federle, Halley et d’autres.

Le travail de David Diao reste encore mal connu en France et en Europe en général, bien qu’il fasse partie des premiers peintres contemporains que l’on peut qualifier de conceptuels. Il participe à l’exposition Conceptual Abstraction en 1991 (Sidney Janis Gallery, NY), exposition par ailleurs « rejouée » en 2012 (avec un nouvel argument, lié à l’évolution des pratiques des mêmes artistes).

David Diao : remake, citation, recyclage des formes ?

Diao se situe davantage du côté du contenu, du savoir. Ainsi quand Nicolas Bourriaud écrit : « il s’agit désormais de donner une valeur positive au remake, d’articuler des images, de mettre en relation des formes, en lieu et place de la quête héroïque de l’inédit et du sublime qui caractérisaient le modernisme (…) » (Postproduction, 2003) on peut y discerner des problématiques proches de celles de Diao.

Pourtant le travail de Diao ne peut pas se limiter au remake, ou plutôt, il s’agit de définir en quoi la citation est un outil de commentaire et non pas uniquement de reprise (comme la reprise d’un standard). Car le débat des années quatre-vingt sur le postmodernisme s’est souvent situé dans l’affrontement entre un art responsable et un art qualifié d’irresponsable, c’est-à-dire vide de contenu, uniquement opportuniste et commercial. Pratique résumée ainsi par Yve-Alain Bois : « étant libérés de l’histoire, nous pouvons y avoir recours comme à une sorte de divertissement, la traiter comme un espace de pure irresponsabilité : tout a désormais pour nous la même signification, la même valeur. » (« Historisation ou intention : le retour d’un vieux débat », 1987)

Ironique et souvent irrévérencieux, Diao agit pourtant en artiste responsable, c’est-à-dire responsable des contenus qu’il utilise. Car il ne cite pas simplement des « formes creuses amputées de leur signification », tirées d’une grande « poubelle » (Bourriaud). Il ne s’agit pas d’éclectisme, comme Jean-François Lyotard le reproche à ce que l’on a appelé l’art postmoderne, où « tout est bon à consommer » (Le Postmoderne expliqué aux enfants, 1988). Au contraire, Diao cible, choisit, pointe, et vise juste. Dès 1984, Diao a su, comme l’écrira plus tard Bourriaud, « faire fonctionner les signes », « réécrire la modernité » et produire avec la citation des « liens avec un original ». Diao repense la question du sujet de l’abstraction, entre « pureté » et « narration » : « En adressant des sujets restreints mais plus précis, je tente d’échapper aux grandes revendications d’universalisme de la peinture abstraite. » (cité par Corris, 2005)

La question de l’histoire et des histoires

Cette dimension conceptuelle et narrative, liée au contenu de la peinture, notamment abstraite, est l’un des aspects de ses recherches qui concernent principalement les questions d’histoire et de destin des œuvres et des artistes. David Diao fait partie des premiers artistes contemporains à s’être tourné (en 1984) vers l’histoire du premier modernisme européen (avec sa série sur Malevitch) pour le commenter en peinture.

On peut alors affirmer, avec Danto, que l’art contemporain ne s’oppose pas au modernisme, mais devient un art « post-historique », qui fait de l’histoire son sujet. Danto questionne surtout la notion d’unicité stylistique, liée au modernisme en général (« Apprendre à vivre avec le pluralisme », 1991). Un style en exclut un autre, à commencer par le principe moderne de la table rase… Pour l’éclectisme apparu dans les années soixante, on peut préférer l’idée d’un pluralisme critique(Terry Smith, « Pour une histoire de l’art contemporain », 2007). L’art en tant qu’activité inscrite dans un monde concret est contingent : les œuvres plastiques existent au sein d’infrastructures économiques, sociales, sémantiques complexes. L’art est indissociable de ces infrastructures dynamiques, interconnectées et mouvantes. Il n’est pas autonome, dans un monde pour l’art, distinct du monde « réel ».

David Diao assume pleinement cette dimension historique, contingente et impliquéede l’art. Cette contingence qui est complètement liée au parcours de Diao comme artiste, mais aussi comme sujet, comme personne aux prises avec l’histoire.

Pour en savoir plus sur la peinture de David Diao

Son travail est présent notamment dans les collections suivantes

MoMA, NY ; Whitney Museum of American Art, NY ; Brooklyn Museum, NY ; High Museum, Atlanta ; Albright-Knox Art Gallery, Buffalo ; Akron Museum, Akron ; SFMOMA, San Francisco ; Blanton Museum, University of Texas, Austin ; Musée d’Art Moderne, St. Etienne ; FRAC Bretagne et Bourgogne ; FNAC France ; Consortium de Dijon ; Ontario Art Gallery, Toronto ; Vancouver Art Gallery

Bibliographie / catalogues

– Catalogue David Diao: Works 1968-2005, texte de Michael Corris, Beijing et New York, TimeZone8 Books, Ltd., 2005

– Catalog Vendus, texte de Heinz Peter Schwerfel, Dijon, Ecole Nationale des Beaux Arts, 1992

– Catalogue David Diao, texte de Bruce Ferguson, Saint-Etienne, Musée d’art moderne, 1989

Articles

De nombreux articles et interview archivés sur les sites des galeries qui présentent son travail :

Les galeries Postmaster (NY), Tanya Leighton (Berlin), Marta Cervera (Madrid), Office Baroque (Anvers).

http://www.postmastersart.com/index.html

http://www.tanyaleighton.com/index.php?pageId=117&l=en

http://www.officebaroque.com/artists/8

http://www.galeriamartacervera.com/DIAO01.htm

http://www.paulacoopergallery.com/exhibitions/523

Axes de réflexion proposés

À partir des différents éléments ci-dessus  liés à la pratique de David Diao et à son contexte dans l’art contemporain depuis les années 1970, nous proposons aux intervenants les axes de réflexion suivants. Les approches transversales sont évidemment les bienvenues.

1- Art et référence(s) : Diao et le modernisme européen, Diao et le contexte américain.

Bien des œuvres contemporaines questionnent le statut même de ce que l’on appelle « modernisme ». Des expositions comme I Moderni (2003, Castello di Rivoli, Torino, commissaire Carolyn Christov-Bakargiev) ou Modernologies (2009, MACBA, Barcelona, commissaire Sabine Breitwieser) ont montré l’intérêt des artistes contemporains pour les idées et les pratiques liées au modernisme. David Diao se situe dans une veine critique. Son regard sur le premier modernisme européen mais aussi sur le modernisme à l’américaine fait de Diao un précurseur et d’une manière singulière.

2- Art et archive. Art, histoire, savoir, pédagogie.

Pour Diao, l’archive est à l’origine de toute œuvre. Mais quelle est la posture de l’artiste ? Celui « qui sait » et qui « éclaire » ? Celui qui propose des mises en relation, qui peuvent parfois sembler anecdotiques ? Diao revendique même le fait de partir des « annexes », de parvenir à l’art par certains détours. Détours nécessaires ? (conférence de David Diao, Dia Fondation New York, 2013)

La notion d’atlas, face à celle d’archive, se présente comme un autre modèle de structuration des œuvres et des recherches en art (Didi-Huberman, Atlas, 2011). Le tableau (et la peinture ?) serait-il en contradiction avec l’idée d’un montage généralisé des données ? David Diao semble réconcilier l’idée du tableau avec l’atlas. Le tableau n’est pas « unité de la belle figure enclose dans son cadre », mais comme l’atlas, « introduit dans le savoir la dimension sensible, le divers, le caractère lacunaire de chaque image. » (Didi-Huberman) Diao réalise avec un sens de la série, des reprises, des mises à jours et des versions successives, une redéfinition du tableau comme entité ouverte, issue d’un contexte, d’histoires complexes et interdépendantes.

Enfin, un rapport singulier au savoir se dessine ici. Diao a non seulement longtemps enseigné dans le programme du Whitney Museum à New York, dans les universités américaines, il a eu de plus une influence certaine sur toute une génération d’artistes. Surtout chaque série de Diao agit comme cycle de recherches sur un courant, un autre artiste, une situation historique…

3- Art et architecture, art et design.

La Glass House de Philipp Johnson, la maison Tugendhat de Ludwig Mies Van Der Rohe, le travail sur les maisons modernistes à New Canaan, Connecticut, et la série plus récente menée sur le souvenir de la maison d’enfance en Chine, son plan, la parcelle, le souvenir des proportions, sont autant d’exemples où l’architecture joue un rôle clé. Avec les photographies, les plans, les cartes, l’architecture agit comme un modèle qui structure l’espace visuel et pictural.

Le design graphique (typographie, monogrammes d’artistes, couvertures de catalogues d’art emblématiques) et le design d’objets sont des références permanentes. La chaise Wassili de Marcel Breuer (Reading, 1999), le canapé Sling Sofa de George Nelson (Dreaming, 2009), les fauteuils et table de la série Barcelonade Mies van der Rohe (Salon 1, 2010) structurent l’iconographie des toiles de Diao.

Quel est le statut de ces icônes du modernisme en architecture et en design ? Comment articuler ces références connues de tous et les références personnelles (la maison d’enfance, disparue) qui constituent une part importante du travail récent de l’artiste ? Quels liens (visuels, critiques, théoriques, historiques…) s’établissent ici entre art, architecture et design ?

4- Actualité de la peinture.

De nombreux artistes dans les années 1970-1980 ont choisi de ne plus peindre pour travailler d’autres techniques plus « actuelles » (art in situ, vidéo, art numérique, performance…). Diao tient fermement à être un « peintre, dans son atelier ».

Quelle peinture pour quel contexte artistique ? Une peinture sans nostalgie ni romantisme ? Une « peinture conséquente » (Corris) contemporaine ?

L’importance des outils, de la couleur, de la texture picturale dont Diao assume l’élaboration lente et répétitive. Quelles articulations entre le contenu (textuel, historique, chronologique, chiffré, économique, (auto-)biographique…) et la réalité (matières, formats, épaisseurs…) du processus pictural ? Peut-on encore parler de « tableaux abstraits » (nous faisons référence à l’exposition de la Villa Arson en 1986) ?

5- Faire « œuvre » ? : le statut du travail de Diao, entre œuvre et document.

Un travail en séries, thèmes récurrents, reprises et variations, caractérise le travail de Diao, parfois à des années d’intervalle. Construction de séries et évolution du travail de l’artiste, reprises de son propre travail (par exemple les reprises actuelles de tableaux géométriques des années 1970 à des formats différents, exposés dans un autre type de lieu, avec un contexte très différent…).

Quelles phases dans l’œuvre de Diao ? Peut-on parler du passage d’une peinture processuelle à une peinture conceptuelle (mais qui ne se défait pas des questions d’atelier, d’outils, de couleur, de surface picturale…).

Avec un travail entre peinture et document, est-on face à une redéfinition conséquente du statut même de l’œuvre et du « tableau » ? Et quels niveaux de lecture pour un travail aux significations multiples selon que l’on adopte une lecture formelle, sociale, politique, économique notamment ?

Modalités de candidature

Support

En format PDF

1- Un projet d’intervention d’une page A4 environ, avec ou sans images d’œuvres (ou autres documents visuels utiles).

2- Un bref CV sur une page A4, avec communications, publications notamment, et vos coordonnées précises et courriel ainsi que votre établissement d’origine (ou équipe de recherche)

À envoyer à Stéphane Mroczkowski : stephane.mroczkowski@espe.unistra.fr

Date limite

Date limite d’envoi : 30 novembre 2013

Réponses : Autour du 5 janiver 2014

Remarques

– L’hébergement à Strasbourg et les repas sont pris en charge, par contre, dans la mesure du possible seule une participation aux frais de déplacement sera assurée

– Le comité scientifique se réserve la possibilité, sur invitation, d’intégrer certaines des meilleures communications dans un ouvrage collectif sur David Diao

Responsables scientifiques

  • Stéphane Mroczkowski
  • Alexandra Pignol

Comité scientifique

  • – Hélène Chouteau-Matikian, critique d’art, Paris
  • – Cristiana Mazzoni, architecte, professseur ENSAS, directrice du laboratoire AMUP- EA 7309
  • – Stéphane Mroczkowski, artiste, maître de conférences, Université de Strasbourg, équipe de recherche en arts EA 3402
  • – Alexandra Pignol, philosophe, enseignante ENSAS, laboratoire AMUP – EA 7309,
  • – Germain Roesz, artiste, professeur, Université de Strasbourg, directeur de l’équipe de recherche en arts EA 3402
  • – Christophe Viart, artiste, professeur, Université Rennes 2, équipe de recherche EA 3208

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