Appel à communication : « Permanence et continuité dans l’art du Moyen Âge » (Paris, INHA, et Université de Lille, IRHiS, 24-25 novembre 2025)
«La continuité n’est pas niable, les premiers maîtres d’œuvre ou architectes gothiques ont été élevés dans le monde roman. Ils y puisent naturellement leur inspiration mais cette continuité est une continuité vivante et dynamique ; elle est semblable à celle de la vie même où l’hérédité, l’éducation, le passé pèsent sur chacun sans compromettre le jaillissement de la liberté ». Jacques Henriet1
En posant la question de la continuité et de son intentionnalité dans la production médiévale, Jacques Henriet met en lumière un processus largement observé mais dont les paramètres ont rarement été interrogés. En effet, l’histoire de l’art analyse souvent son objet par le prisme de l’innovation. Ce biais épistémologique a eu pour conséquence de marginaliser dans l’historiographie les enjeux de permanence dans la production artistique du Moyen Âge, pourtant essentiels à la compréhension de cette période.
L’étude de ce thème souffre par ailleurs d’une attention portée presque exclusivement au legs antique dans l’art médiéval2. Cette question, bien qu’essentielle, limite notre perception générale des formes et pratiques conservatrices. Cet intérêt, qui pouvait paraître original il y a une vingtaine d’années, semble occuper aujourd’hui l’actualité de la médiévistique3.
Les présentes journées d’étude auront pour objectif de traiter du rapport à la permanence et à la continuité dans l’emploi des modèles et des formes propres à la culture médiévale. Cet angle d’observation vise plus particulièrement à interroger l’existence d’un véritable conservatisme esthétique, entendu comme un ressort artistique fécond. Nous aborderons ces notions à travers le rapport à l’innovation, les canaux de diffusion, le contexte de création et les différents processus intellectuels à l’œuvre.
Axe 1 : Permanence, continuité et innovation
Durant cette période, la création a pu être élaborée et justifiée par les clercs selon un principe de continuité — on rappellera à ce titre l’expression « des nains hissés sur les épaules de géants », que Jean de Salisbury attribue à son maître, Bernard de Chartres, et qu’il revendique comme étant le seul cheminement digne de la création intellectuelle. Dès lors, il conviendra d’interroger la part d’originalité des œuvres médiévales à travers la notion d’emprunt à des formules plus ou moins anciennes et à l’aune de la réactualisation de modèles passés. Ce rapport singulier à la temporalité pourra notamment être évoqué à travers le processus de fabrication de l’œuvre, complément d’un livre illustré ou reprise d’une création monumentale par exemple. Cette approche vise à porter un regard critique sur la singularité de certaines permanences, à l’image du style franco-insulaire de la Seconde Bible de Charles le Chauve (BnF, latin 2, v. 871-877), qui peuvent appeler les notions d’archaïsme, de conservatisme, voire d’historicisme ou de réaction, dont il conviendra d’interroger la pertinence pour le Moyen Âge.
Axe 2 : Réseaux et acteurs de la diffusion
La compréhension des phénomènes de continuité passe par l’analyse du contexte culturel de ces productions artistiques. Ils peuvent s’exprimer par une permanence au sein de la réalisation d’un programme artistique dans un temps long, à l’image de chantiers homogènes traversant les décennies. Une autre approche consiste à interroger la notion de tradition, qu’elle soit liée à une pratique artistique spécifique, à un espace délimité ou à un milieu. Celle-ci peut aussi s’inscrire dans le cadre d’un réseau d’acteurs, notamment institutionnel, qui favorise la diffusion de modèles, à l’instar de répertoires de formes au sein d’un ordre monastique comme les carnets de modèles diffusés dans le cadre cistercien. Aussi, on s’interrogera sur les voies de transmission et de circulation des modèles et des savoir-faire, notamment par le biais de l’apprentissage, entre ces différents acteurs.
Axe 3 : Modalités de réception
Ces phénomènes, qui apparaissent comme saillants pour les historiens de l’art de notre époque, l’ont-ils été également dans la perception des contemporains ? Ce dernier axe de réflexion posera la question de l’intentionnalité du recours à des formes ou procédés perçus comme représentatifs d’une période de création antérieure. Il interrogera la place de l’héritage, entendu comme la reproduction inconsciente d’un savoir obtenu par l’éducation, et de la tradition, entendue comme une citation délibérée d’une forme ancienne et seulement compréhensible dans un contexte donné, comme le projet mémoriel de Saint-Louis de Poissy (v. 1297-1331), par exemple. Cette part d’intentionnalité nous invitera à préciser la définition d’un goût propre à la période médiévale qui considère ce qui appartient au passé comme une esthétique en soi.
Modalités et calendrier de soumission
Ces journées d’étude ont pour ambition d’explorer ces voies de transmission à la lumière d’études de cas inédites. Notre intention est de réunir des communications portant sur tous les médiums de la période médiévale (Ve – XVe siècles). Les communications devront respecter une durée de 20 à 25 min. Publication envisagée.
Les propositions de contributions au colloque pourront se faire en français ou en anglais. Elles prendront la forme d’un résumé (environ 300 mots), d’un titre et devront être accompagnées d’une courte biographie.
Elles seront à envoyer à l’adresse jepl.medieval@gmail.com avant le 15 avril 2025. Retours auprès des auteurs pour le 30 juin 2025.
Comité d’organisation
Hugo Dehongher, Doctorant en histoire de l’art médiéval, UMR 8529 IRHiS, Université de Lille.
Angèle Desmenez, Doctorante en histoire de l’art médiéval, UMR 8529 IRHiS, Université de Lille.
Max Hello, Doctorant HiCSA, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Pierre Moyat, Doctorant en histoire de l’art médiéval, UR 4100 HiCSA, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Conseil scientifique
Mathieu Beaud, Maître de conférences d’histoire de l’art médiéval, UMR 8529 IRHiS, Université de Lille
Étienne Hamon, Professeur d’histoire de l’art médiéval, UMR 8529 IRHiS, Université de Lille
Anne-Orange Poilpré, Professeure d’histoire de l’art médiéval, UR 4100 HiCSA, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ambre Vilain, Maîtresse de conférences d’histoire de l’art médiéval, UMR 6566 CReAAH, laboratoire LARA, Nantes Université
- Jacques Henriet, « Les grands chantiers », dans À l’aube de l’architecture gothique, Besançon, 2005 [fragments de textes inédits rédigés en 1981-1982], p. 22.
- Un exemple révélateur en la matière est sans doute celui du colloque international organisé en 2003 à Parme sur cette question, dont le titre évocateur, « Medioevo : il tempo degli antichi » semblait vouloir orienter la discussion autour de l’Antiquité, même si la richesse des débats et des différentes propositions des intervenants a permis d’esquisser de nouvelles pistes de réflexion.
- En témoigne la programmation du colloque international intitulé Le passé du Moyen Âge (Sorbonne Nouvelle / CERAM) qui s’est tenu à Paris du 28 au 30 novembre 2024. Bien que celle-ci ait inclus des communications d’historiens de l’art, les discussions se sont néanmoins essentiellement concentrées sur le sujet de la littérature médiévale.
Source : GRIM-IMAGO.
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