Sport/corps/culture
Regards croisés sur le sport comme objet culturel et culture du corps
Appel à communication
Colloque international – 10, 11 et 12 avril 2025
Institut catholique de Paris
Prenant prétexte des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris, la Faculté d’Éducation et de Formation (FacEF) et la Faculté des Lettres (FdL) de l’Institut catholique de Paris (ICP) souhaitent engager une réflexion commune sur le sport, au prisme des disciplines au cœur de leurs recherches et de leurs enseignements. Considérant l’impact culturel et social de l’événement parisien avec le bénéfice d’une année de recul, les discussions interdisciplinaires de ce colloque permettront de tisser des liens entre les différentes branches qui composent les sciences humaines et sociales. Elles souhaitent en outre montrer comment le sport s’est imposé comme paradigme conduisant à repenser conceptuellement et méthodologiquement nos disciplines.
e sport est ici envisagé comme une pratique culturelle, répondant à l’acception de la culture comme style de vie des individus et des groupes. Cette approche ouvre un large champ d’études sur le sport en tant qu’objet culturel, dans la mesure où, comme l’explique Yves Jeanneret, les objets et les représentations acquièrent leur dimension culturelle à travers leur circulation et leur transformation au sein des espaces sociaux [1]. En outre, le sport devient, « référence potentiellement commune, partageable comme identifiant les appartenances et repérable comme composant élémentaire du sens commun dans la civilisation [2] ». Cette perspective dialogue avec les travaux de Michel de Certeau sur les pratiques ordinaires, où le sport peut être interprété comme une « pratique d’appropriation » des espaces et des normes sociales [3].
Comme pratique plus ou moins réglée, le sport fait écho aux réalités historiques et sociales de ceux qui s’y adonnent et, de fait, devient le réceptacle et le miroir d’une société, s’appropriant ses structures relationnelles et ses systèmes de valeurs pour mieux les refléter. Chez les sociologues et anthropologues, le sport a ainsi été étudié comme « phénomène de notre temps [4] », pour reprendre l’expression employée par Alfred Wahl pour le football. De même, l’écrivain-sociologue Norbert Elias « voit dans le sport un laboratoire privilégié pour réfléchir sur les rapports sociaux et leur évolution [5] », comme le précise la quatrième de couverture d’une des éditions françaises de 1994 de Sport et civilisation. La violence maîtrisée, qu’il a co-écrit avec Éric Dunning.
Dans son étude historique, voire socio-historique, le sport peut également s’entendre plus généralement comme activité physique, aussi bien « de loisir que de santé et d’hygiène », dont on retrouve les traces dans de nombreuses cultures et civilisations, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours [6]. Conçu comme « compétition institutionnalisée », il s’inscrit toutefois plus précisément dans la modernité occidentale, se développant depuis la fin du XIXe siècle sous des formes réglementées. Aux enjeux variables – du simple défi ludique aux rencontres internationales les plus en vue –, le sport exacerbe alors les principes de l’activité physique et du rapport individuel et social au corps. Ce dernier devient d’ailleurs objet d’attentions multiples : éducation physique et, par extension, intellectuelle, instrument de ritualisation, formes d’expressions culturelles. Et, de la même manière, il se fait sujet de représentations : simple étude, directe ou mise en scène, recherche d’idéal, esthétique du geste.
Dans un cadre médiatique toujours plus étendu, le sport se présente comme vecteur superlatif des systèmes de valeurs d’une société et de leurs évolutions. S’il peut s’afficher comme divertissement et spectacle, il devient révélateur des enjeux contradictoires de l’époque contemporaine : idéaux pacifistes et luttes géopolitiques, oppositions sociales et disparition ponctuelle des différences de classe, quête d’excellence et plaisir simple du jeu, forme d’accomplissement et obsession du dépassement de soi, catégorisation et inclusivité. Loin de n’être qu’un reflet exacerbé de son temps, le sport est enfin outil de transformation, notamment par l’espace scénique qu’il propose d’investir et dans lequel le corps est mis en lumière. C’est l’agentivité du sport, sa capacité à agir sur le monde et à imposer des modèles de société, que certains chercheurs mettent aujourd’hui en avant [7].
Dès lors, appréhendé comme activité humaine globale et style de vie, le sport et la place qu’il laisse au corps constituent un terrain d’analyse et d’expérimentation fertile pour les sciences humaines. C’est la direction prise depuis quelques années – et surtout en 2024 – par nombres d’événements scientifiques – expositions, symposiums et journées d’études, publications [8] – et dans la lignée desquels ce colloque veut se positionner. Les relations entre le sport comme pratique culturelle et les sciences humaines, entre le corps et son appréhension sociale, invitent à de nombreux questionnements dont nous souhaitons ici faire un état des lieux. Il s’agit également d’initier une réflexion réciproque sur la manière dont le sport amène à reconsidérer méthodologiquement et conceptuellement les sciences humaines et comment, à l’inverse, ces dernières conduisent aussi à le redéfinir.
Dans la volonté d’échanges interdisciplinaires qui préside à cet événement, les propositions de communication pourront s’inscrire dans les thématiques suivantes, sinon en initier d’autres :
- définitions et appréhensions du sport par les sciences humaines et sociales,
- définitions et appréhensions des sciences humaines et sociales par le sport,
- représentations visuelles et littéraires du corps et de l’acte sportif,
- le sport comme objet médiatique,
- le sport comme reflet des relations sociales (enjeux de pouvoirs, problématique de domination entre les classes, les genres, etc.),
- le sport comme vecteur de changement social (principes éducatif et inclusif),
- le sport comme éducation du corps et au corps.
Références :
[1] Yves JEANNERET, Penser la trivialité, vol. 1, La vie triviale des êtres culturels, coll. “Hermès Science”, Hermès – Lavoisier, Paris, 2008.
[2] Emmanuel DIET, « L’objet culturel et ses fonctions médiatrices », Connexions, n° 93(1), 2010, p.49.
[3] Michel de CERTEAU, L’invention du quotidien, Gallimard, Paris, 1990.
[4] Alfred WAHL, « Le football, un nouveau territoire de l’historien », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°26, 1990, p. 128.
[5] Éric DUNNING et Norbert ELIAS, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Fayard, Paris, 1994.
[6] Jean-François LOUDCHER, « Représentations et images du corps dans l’émergence du sport moderne (XIXe-XXe siècles) », Apparence(s), n°10, 2021 : « Cultures physiques/cultures visuelles », n. p.
[7] Pour ne citer qu’un exemple : Anaïs BOHUON, Catégorie « dames ». Le test de féminité dans les compétitions sportives, éditions iXe, Donnemarie-Dontilly, 2012.
[8] Pour ne citer que quelques exemples récents : le cycle de journées d’études « Les Enjeux des Jeux » s’étant tenu dans les maisons des sciences de l’homme de plusieurs grandes villes (Montpellier, décembre 2022 ; Lille, Marseille, Saint-Denis, Strasbourg, Tahiti et Toulouse, avril à juin 2024) et qui se poursuivra en 2025, le 148e congrès du Comité des travaux historiques et scientifiques portant sur le thème « Corps, sport et jeux » (Aubervilliers, 21 au 24 avril 2024), ou encore le Festival d’histoire de l’art qui a pris pour thème le sport (Fontainebleau, 31 mai au 2 juin 2024).
Organisation du colloque et conditions de participation
Le colloque se déroulera les 10, 11 et 12 avril 2025, en hybride, sur le campus parisien de l’Institut catholique de Paris et, potentiellement, dans une institution muséale parisienne ou francilienne partenaire.
Toute proposition de communication, tant de chercheur confirmé que de jeune docteur et doctorant, est bienvenue. Étant donné le sujet abordé, les travaux d’intervenants du monde du sport et de l’éducation physique sont également les bienvenues dans la mesure où les présentations correspondent aux attendus de l’appel et qu’elles sont issues d’une spécialité recherche et/ou de pratique.
Chaque intervention devra durer 20-25 minutes environ. En fin de session, une discussion avec les auditeurs et les deux ou trois autres acteurs de la session permettra d’approfondir les thématiques abordées. Les interventions en anglais sont autorisées, mais doivent s’accompagner d’un support visuel présentant, en français, la structure de l’exposé et les concepts-clés traités.
Toute personne intéressée peut envoyer son projet de communication en français ou en anglais (CV réduit/courte biographie + synopsis de 300 mots maximum) en un seul fichier PDF, par voie électronique, à l’adresse suivante : sport.corps.culture@icp.fr, avant le lundi 20 janvier 2025. Merci également d’indiquer les possibles dates auxquelles vous ne pourriez pas être présent.
Les propositions de conférences seront examinées par le comité scientifique et organisateur du colloque :
- Jean-Charles HAMEAU (conservateur du patrimoine, directeur du Musée national Adrien Dubouché, Limoges)
- Fabiola LEONE (maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, ICP, UR « Religion, culture et société » EA7403).
- Marine NEDELEC (docteure en histoire de l’art contemporain, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chargée d’enseignement à l’ICP)
- Séverine PARAYRE (professeure en sciences de l’éducation et de la formation, ICP, Directrice du cycle de Master MEEF, UR « Religion, culture et société » EA7403).
- Pierre-Emmanuel PERRIER de La BÂTHIE (docteur en histoire de l’art contemporain, Université de Poitiers/École du Louvre, chargé d’enseignement à l’ICP).
Outre la qualité scientifique des propositions et des intervenants, nous nous attacherons également à sélectionner des interventions complémentaires au sein de chacune des sessions prévues, afin de créer une dynamique favorable aux échanges.
Les réponses d’acceptation seront envoyées avant le 15 février 2024.
La publication des annales est prévue dans l’année qui suivra la tenue du colloque.
Pour toute autre indication, nous restons à votre écoute par mail : sport.corps.culture@icp.fr.
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