Appel à communication : « Trouble dans le patrimoine ? Héritages LGBTQIA+ et narrations queer : quel rôle pour les institutions patrimoniales ? » (Paris, 30 avril 2024)

Dans le cadre de leur formation à l’Institut national du patrimoine (Inp), les élèves conservatrices et conservateurs de la promotion Magdeleine Hours (2023-2024), membres de l’association ECSPat (Élèves Conservatrices et Conservateurs Stagiaires du Patrimoine), organisent une journée d’étude qui se tiendra à Paris le mardi 30 avril 2024. Portant sur les «patrimoines LGBTQIA+», cette journée a pour objectif d’en clarifier les différentes acceptions et d’en explorer les multiples enjeux. Une attention particulière sera portée au rôle des institutions patrimoniales dans leur conservation, valorisation et diffusion.

Employé historiquement en anglais comme une insulte, le terme «queer» (en français «bizarre», «hors-norme») fait l’objet depuis plusieurs décennies de réappropriations par les minorités sexuelles et de genre, et a gagné ces dernières années en visibilité dans l’espace médiatique et universitaire. Dans le champ culturel, cet intérêt s’est traduit par la multiplication d’initiatives (expositions, colloques, etc.) inspirées des réflexions contemporaines sur la sexualité, le genre, l’intersectionnalité et la mise en récit des cultures communautaires. À travers cette journée d’étude, nous souhaitons interroger la capacité des acteurs institutionnels du patrimoine à enrichir ou valoriser ces réflexions, et à intégrer ces sujets à leurs pratiques professionnelles. Cette journée, pensée comme un espace de partage, de formation et d’échange, a pour originalité de poser ces questions pour l’ensemble des spécialités patrimoniales — archéologie, archives, inventaire, musées, monuments historiques et patrimoine scientifique technique et naturel — et de valoriser des initiatives institutionnelles et associatives, aussi bien territoriales que nationales et internationales.

Queer studies et patrimoines LGBTQIA+

Désignant à l’origine un ensemble de revendications politiques (Isabelle Alfonsi, 2019), le queer devient à partir des années 1990 un objet de réflexion visant par des «déplacements narratifs» (Damien Delille, 2020) à élargir le spectre des représentations esthétiques et politiques de l’identité, enrichi par les travaux de Teresa de Lauretis et Judith Butler (Trouble dans le Genre, 1990), et par l’intégration de perspectives intersectionnelles. L’application de ces nouveaux prismes au domaine patrimonial, survenue plus tardivement en France, est passée par le renouvellement de la critique esthétique et de l’historiographie de l’art (Lebovici, 2010). La notion de patrimoines LGBTQIA+, ne peut manquer d’interroger : s’agit-il, en effet, de caractériser les seuls objets issus des communautés LGBTQIA+, ou bien d’enrichir par des approches nouvelles notre appréhension de l’ensemble des sources, œuvres et matériaux patrimoniaux ayant un lien avec les minorités de genre et de sexualité ?

Vie et institutionnalisation des patrimoines LGBTQIA+

Aborder la question du queer sous un angle patrimonial, c’est aussi se confronter à une contradiction apparente : les expressions culturelles minoritaires — comme celles des communautés LGBTQIA+ — s’envisagent comme des modalités de résistance à la norme, et s’expriment en dehors des institutions officielles ; or, «le patrimoine» est défini par l’État, les collectivités territoriales et les personnes travaillant dans le domaine, comme un bien commun à valeur universelle, régi par un système de normes. Les processus de patrimonialisation et de valorisation de ces productions auprès de publics plus larges peuvent remettre en cause leur identité et leur caractère subversif. Face à cette tension, il nous semble intéressant de questionner les modalités de partage de la parole au sein des institutions patrimoniales, et de chercher à élaborer de nouveaux discours et récits plus inclusifs, prenant en compte le point de vue des personnes concernées et des collectifs minoritaires.

Formation professionnelle et participation des producteurs/publics des patrimoines

Face à l’institutionnalisation de ces patrimoines, le milieu professionnel international est souvent invité à se former auprès de nouveaux partenaires (associations, collectifs…) ou en autonomie. En France, cette évolution des pratiques de formation dans le milieu professionnel est largement à construire et consolider. Comment accompagner ces nouveaux récits sociaux, politiques et esthétiques au sein des institutions ? Quelle place accorder aux personnes qui produisent et étudient ces patrimoines ? Comment mettre en place des politiques plus inclusives aussi bien en matière de fonctionnement interne (cadres et processus de travail) que de communication ? Comment, aussi, accorder une place à la création contemporaine, et faire rentrer, par le biais de l’art, des questionnements relatifs aux identités LGBTQIA+ au sein des institutions ? Dans ces situations de collaboration, quels sont les dialogues qui s’instaurent et quels sont les horizons d’attente respectifs ? Nous souhaitons recenser les concepts, outils méthodologiques, les projets passés et futurs, qui façonnent les pratiques professionnelles liées aux patrimoines LGBTQIA+ et queer.

Les publics : une question centrale

Les publics sont au cœur des missions des institutions patrimoniales. Des initiatives, comme les «LGBTQIA+ Tours» des musées anglo-saxons et d’autres événements, permettent aux communautés de trouver une place dans les discours patrimoniaux portés par les institutions auprès de publics variés. Nous souhaitons donner la parole aux structures non institutionnelles qui ont des pratiques patrimoniales, de conservation et de médiation afin de répondre ensemble à ces questions: comment toucher des publics peu sensibles et/ou familiers de ces questions et avec quels succès et quelles limites ? Des études des publics ont-elles déjà été menées sur ce sujet ? Comment éviter le «rainbow washing», un engagement sans ancrage dans le projet de l’institution ?

 

Afin de créer un espace d’échange et de dialogue interdisciplinaire, le comité d’organisation adresse cet appel de manière large, à des personnes travaillant ou évoluant dans les domaines :

– de la recherche, y compris en parcours d’études, dans les champs de l’histoire de l’art, de l’histoire, de la sociologie, de l’ethnologie, de la philosophie, du droit du patrimoine, etc.,

– des musées, de l’inventaire et des monuments historiques,

– de l’archéologie,

– des archives,

– de la restauration du patrimoine, associatif et collectif, de l’art, du cinéma, de la littérature, etc.

 

Les contributions pourront aborder un ou plusieurs thèmes listés à titre d’exemples tels que :

– L’impact des queer studies et des approches intersectionnelles sur l’étude et la compréhension des patrimoines,

– L’interprétation des sources matérielles des périodes anciennes et modernes (art, archéologie, archives, sciences et techniques) à l’aune de ces enjeux,

– La pertinence et les limites de l’anachronisme,

– La création contemporaine comme objet patrimonial et vecteur de médiation,

– L’institutionnalisation des patrimoines des minorités et groupes marginalisés et les enjeux politiques et éthiques des formes de réappropriation patrimoniale,

– Les patrimoines culturels immatériels (danses, performances, pratiques de transmission orales…) et leur préservation,

– L’évolution des politiques de conservation et d’acquisition,

– La sauvegarde ou la disparition de lieux liés aux communautés minoritaires,

– Les enjeux de mémoire(s),

– L’histoire du goût et le collectionnisme,

– Les conséquences d’une large diffusion de ces expressions culturelles minoritaires,

– Les pratiques patrimoniales non institutionnelles,

– Les enjeux, opportunités et difficultés d’un dialogue entre les associations et personnes concernées par la thématique LGBTQIA+, et les institutions patrimoniales,

– La lutte contre les discriminations au sein de l’environnement professionnel des métiers du patrimoine.

 

Les propositions, d’environ 3 000 signes (espaces compris), devront comprendre le titre de la communication et le résumé de la proposition, ainsi qu’une courte biographie (1 200 caractères), et les coordonnées et civilité/pronoms de la personne qui postule. Elles sont à adresser avant le 14 novembre 2023 (minuit) à ecspat.inp@gmail.com. Les communications seront limitées à 20 minutes afin de permettre des temps d’échange avec la salle. Nous vous adresserons une réponse quant à votre participation entre la fin décembre 2023 et le début du mois de janvier 2024. La journée d’étude se déroulera à Paris (INHA – Auditorium Jacqueline Lichtenstein, accessible PMR) le mardi 30 avril 2024 de 9h à 18h, et sera accessible en ligne en direct. L’association ECSPat prendra en charge les frais de déplacements sur le territoire métropolitain. Un dispositif de visio-conférence sera mis en place afin de favoriser la participation de personnes géographiquement éloignées. N’hésitez pas à nous mentionner toute problématique matérielle et financière pour laquelle nous serions susceptibles de pouvoir vous aider.

Télécharger le PDF de l’appel.

Référence de l’appel.

 

 

 

 

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