Appel à communications : « le musée en scène » (Paris, 23-24 avril 2020)

Le musée en scène : regards critiques sur la muséographie 1969-2019

The museum on show: a critical history of display, 1969-2019

Paris, Ecole du Louvre/Louvre, 23-24.4.2020

Date limite d’envoi des propositions : 16 décembre 2019.

 

Problématique générale

Depuis une bonne cinquantaine d’années, la présentation des collections muséales est devenue une question centrale tant au niveau pratique que théorique, aussi bien dans le cadre muséal qu’universitaire. Plusieurs musées ont promu des muséographies expérimentales ou proposé la restitution plus ou moins fidèle d’anciens dispositifs d’exposition temporaire : de l’évocation à l’Orangerie, en 2006, de l’exposition de Paul Jamot et Charles Sterling, Les peintres de la réalité (1934), à la reconstitution par Germano Celant, Thomas Demand et Rem Koolhaas en 2013, à Venise, de l’exposition de Harald Szeemann à Berne en 1969, When attitudes become form. D’autres musées ont privilégié un regard réflexif sur les collections permanentes, par exemple l’évocation du cabinet de curiosités au musée Joseph Denais de Beaufort-en-Vallée (réaménagé en 2011) ou l’intégration des aménagements brutalistes de 1970 dans la rénovation du musée des beaux-arts et d’archéologie de Besançon (en 2018) pour ne citer que des exemples français. Toutes ces reconstructions ont recueilli un grand succès auprès du public. Plusieurs projets de recherche examinent les enjeux précis des dispositifs anciens dans l’histoire de la contemplation muséale, ou proposent une histoire des paradigmes qui ont présidé au développement de la muséographie au cours de l’histoire. Les débats des années 1970 entre muséologie « officielle » et muséologie contestataire se sont également ouverts à la dimension sociale des sciences humaines, avec la sociologie, la sémiologie et le courant des Visual Studies ; de nos jours cette ouverture englobe également les témoignages issus des neurosciences ainsi que les expériences virtuelles.

Le musée du Louvre n’a cessé de produire des événements sur le sujet pour accompagner ses grands travaux depuis l’ouverture de la pyramide en 1989. En France, depuis lors, le ministère de la Culture a promu une architecture muséale ambitieuse, qui ne se réduit plus à un simple équipement, mais qui est propre à mettre en scène le rapport entre l’art et le grand public. Ces changements institutionnels ont favorisé le rôle croissant de l’architecte et/ou du scénographe dans l’élaboration d’un dispositif muséographique. Aujourd’hui, un bilan s’impose, pour prendre la mesure des grandes transformations intervenues durant les cinquante dernières années dans ce domaine, et pour réfléchir aux perspectives nouvelles qui se dessinent au XXIe siècle.

Il s’agira donc de discuter des enjeux muséographiques soulevés par l’exposition de l’objet de musée, en veillant à diversifier les spécialités et les continents (musées d’archéologie, d’art ancien, d’art moderne, des arts extra-européens, de civilisation, d’histoire naturelle…). L’art moderne et l’art contemporain ont radicalement transformé la nature de la muséographie. Il serait intéressant d’analyser comment la création artistique la plus récente a induit de nouveaux modes d’« expographie », et comment elle a modifié jusqu’à notre rapport à l’objet, et notre expérience de la visite au musée.

En partant de l’exemple de musées internationaux et nationaux, d’institutions à vocation expérimentale, et même de collections privées ouvertes au public, on dégagera les lignes de forces qui ont permis d’élargir notre horizon de réflexion depuis la fin du XXe siècle. Ainsi, le rapport entre éphémère et permanent au musée est un enjeu important. Le caractère temporaire des présentations oriente dans bien des cas les choix de dispositifs. D’autres éléments d’ordre non plus artistique mais économique, technique ou sécuritaire peuvent interférer dans la création d’une muséographie et représenter des contraintes auxquelles maître d’ouvrage et maître d’œuvre doivent faire face.

 

Les organisateurs du colloque proposent quatre axes de réflexion :

 

  1. Objets et discours : le rôle du dispositif

Qu’est-ce qu’un dispositif ? Le terme revêt une signification différente selon qu’on le considère comme résultant d’un ensemble de paramètres (programmation, études…) destinés à produire une présentation d’œuvres/objets sur un thème donné, ou partie prenante d’un processus conceptuel tendant à classer voire hiérarchiser la pensée de celui qui conçoit. Qu’elle soit incidente ou prédéterminée, la question de la narration (Storytelling) occupe le cœur de la notion de dispositif. Comment la narration investit-elle les modalités de présentation ? Quels choix induit-elle ? Autant de questions qui mettent en jeu, à part égale, la question du display – la terminologie anglo-saxonne reflète ici le pragmatisme du concept de monstration de l’objet.

  1. La question des métiers et des pratiques muséographiques

Depuis une trentaine d’années, la question du « qui fait quoi ? » au musée se pose avec de plus en plus d’acuité. Sans revenir sur les nombreuses formations spécialisées qui se sont ouvertes aux pratiques muséales, il parait utile d’investiguer certaines évolutions de caractère institutionnel. La place du commissaire/curateur versus conservateur, celle de l’architecte/muséographe versus scénographe est cruciale à cet égard. Les disparités restent profondes entre les différentes manières d’interroger la signification et les finalités des différentes missions. Les métiers de la médiation comme de la conservation ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre d’un projet muséographique.

  1. Au-delà de la terminologie : exposer, présenter, mettre en scène

Quel sens donner aux différentes façons de présenter l’objet/l’œuvre dans des contextes qui peuvent être d’une grande hétérogénéité ? Jusqu’à quel point le musée est-il prêt à s’interroger sur les fondements de ces actions de présentation, et plus généralement sur la manière dont il est amené à les interpréter aujourd’hui ? La variété des médiums semble infinie, mais on ne peut faire l’économie des contraintes spécifiques à tel ou tel type d’objet, à la manière de le mettre en espace dans un lieu donné, dans une temporalité donnée. Des limites précises cadrent le rapport entre l’objet et la démonstration scientifique qu’il est censé représenter, présenter, identifier, interpréter, évoquer…

  1. Les dispositifs muséographiques face aux conditions d’exploitation

La transformation accélérée des espaces muséographiques, la fréquence de leur utilisation sont de plus en plus le fait de contraintes d’ordre économique et organisationnel qui affectent radicalement la pratique muséale. Le rapport des espaces d’accueil et de services à l’espace muséographique est devenu une constante à prendre en compte dans tout dispositif. Les impératifs de gestion de la fréquentation mais aussi ceux liés à la sécurité des biens comme des personnes ont des incidences non négligeables sur les choix opérés dans la présentation. Dans plusieurs établissements, la collection permanente a été rapidement mise en concurrence avec des espaces où domine l’événementiel, générateur de recettes financières. De nouveaux équilibres sont à trouver en prenant en considération un plus grand nombre de paramètres.

Ainsi la quatrième et dernière partie de ce colloque interrogera la pertinence d’une approche plus technique et gestionnaire de la notion de dispositif, destinée à élargir la réflexion.

 

Le but du colloque est de favoriser le renouvellement du discours critique porté sur le musée, sur son rôle public, sur ses contraintes, devenues souvent prégnantes pour ceux qui le dirigent.

Dans la mesure du possible, le comité scientifique du colloque souhaite encourager les échanges entre les professionnels qui représentent l’ensemble des compétences requises pour l’exposition des collections et les théoriciens qui travaillent sur le sujet. Il sera fait appel non seulement à des exposés portant sur des cas concrets, sur des retours d’expériences qui permettent d’éclairer le fonctionnement des binômes architecte/muséographe et conservateur/curateur, mais aussi à des études, recherches ou enquêtes de terrain qui mettent en relief les changements évoqués. Si l’accent sera mis sur la muséographie des cinquante dernières années, des études historiques qui éclaircissent nos pratiques contemporaines seront également prises en considération.

 

Le partenariat entre le musée du Louvre (Centre Dominique-Vivant Denon) et l’École du Louvre (Équipe de recherche) vise également à intéresser des étudiants/tes et jeunes chercheurs/euses qui travaillent sur la question des musées.

 

Date limite:

Les propositions de communication (400 mots maximum) en anglais ou en français peuvent être adressées à:

cecilia.hurley-griener@ecoledulouvre.fr

ou

colloques@ecoledulouvre.fr

avant le 16 décembre 2019.

Les frais de voyage et d’hôtel seront à la charge des organisateurs.

 

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Over the last fifty years, museum professionals and academics have paid increasing attention to the question of display and placement in museums and collections. A number of museums have proposed innovatory displays. Others have turned to the past, offering more or less exact reconstructions of important early temporary exhibitions. In 2006, the Orangerie in Paris recreated Les peintres de la réalité, a show curated by Paul Jamot and Charles Sterling in 1934, while in 2013, Germano Celant, Thomas Demand and Rem Koolhaas revisited in Venice Harald Szeemann’s iconic When attitudes become form (Berne, 1969). Some museums have decided to reconstruct some parts of their earlier presentation of the permanent collections, such as the Musée Joseph Denais de Beaufort-en-Vallée (reorganised in 2011) which includes an evocation of its early curiosity cabinet, or the Musée des Beaux-arts et d’archéologie de Besançon, which decided to include some of the brutalist scenography of the 1970s when it was revamped recently. A number of research projects have analysed how display techniques have influenced viewing practices in the museum; others have tended to concentrate on the history of museum displays over the course of time, identifying the main currents of thought at work. The 1970s were marked by debates opposing ‘traditional’ museology and ‘new’ museology; the advocates of the ‘new’ museology worked closely with concepts drawn from the humanities and the social sciences, more particularly sociology, semiology and Visual studies. Nowadays this has extended to encompass new theories from the field of the neurosciences as well as virtual reality.

The Louvre Museum has contributed to the debate over the years, particularly since the important transformations carried out at the end of last century and the construction of the pyramid in 1989. The French Ministry of Culture has encouraged ambitious architectural schemes for museums during this same period; these schemes aim to provide spaces that facilitate the display of art and artefacts and thereby make them more accessible to the wider public. Accompanying these important changes there has been another significant development – architects and scenographers have become increasingly important partners in exhibition conception and design. New tendencies and theories are constantly emerging. The time has come to step back and take stock of these various debates and discussions of the last fifty years and then to encourage debate and reflexion on new perspectives for museums and collections in the years to come.

The conference will address issues surrounding the display of objects in a variety of museums and collections drawn from many disciplines, traditions and countries, including (but not restricted to) museums of archaeology, fine arts, contemporary art, decorative and industrial arts, natural history, ethnography, civilisations and societies. Modern and contemporary art have radically modified exhibition practices: their role in the development of new styles of presentation will be examined, as will visitors’ changing attitudes towards objects, display, the museum setting, and the museum visit.

By means of several case studies – of national and international museums and collections, ranging from traditional to more experimental institutions – we hope to identify and analyse a number of important theoretical and practical approaches that have influenced thought about and work in museums and collections over the last fifty years. Permanent or temporary? – the question of time is often an important factor when defining display strategies. Other factors – be they economic, technical, spatial or others (for example security) – must also be taken into account by both designers and project managers when planning an exhibition. These and other questions will be addressed during the conference.

 

Communications on one of the four following themes are invited:

 

  1. Objects and discourses: articulating the display.

What do we mean by display? Should we understand it as being no more or less than a series of (aesthetic) strategies that facilitate the exhibition (ostension) of one or more objects? In French the word ‘dispositif’ is often used. How does this relate to the English word ‘display’, and how should we exploit the linguistic differences in order to deepen our understanding of the exhibitionary model? Should we understand the word ‘dispositif’ as signifying the result of a combination of various parameters (in terms of scientific programmes, studies etc.) which are employed in order to present a series of works of art or artefacts on a given theme or subject? Should we rather consider it part of an intellectual process that attempts to classify, organise and establish a hierarchy between objects, according to the theories and conceptual apparatus of the exhibition’s organiser(s)? At the centre of our discussions about display lies the notion of narrative (storytelling). It is always – whether intentional or not – an essential part of the display. But how does narrative invest and occupy display techniques? Which solutions does it impose? Which choices does it imply?

  1. The different actors involved.

Over the last thirty years the question of “who does what in the museum?” has been asked more and more regularly and with ever increasing force. Without attempting to establish a catalogue of all the professions involved, we shall highlight some of the major changes that have occurred over the last half century. Exhibition-makers, curators, architects, museographers and scenographers: the list is long, and clear definitions are not always easy to come by. The role of each professional can vary from one institution to another, from one country to another. Furthermore, museum educators work with the various other professionals throughout the exhibition planning process.

  1. Going beyond words: the art of exhibiting.

How can we understand the different exhibition techniques and strategies that are employed in order to present objects and works of art in a range of different contexts and situations? Does the museum question its work and attempt to understand its exhibitionary model? Although we often believe that there is an infinite variety of permanent or temporary exhibition settings, with subtle differences in the fittings and furnishings employed, the colours used, etc., there are in fact a number of constraints on what we display and how we display it. Precise boundaries frame the relationship between the object and the argument it is supposed to represent, present, identify, interpret, evoke…

  1. The visitor and the show.

Museum spaces have been changing very rapidly over the last few years, and are increasingly in demand, often for economic or organisational reasons, which in turn has an impact on museum practice. The relationship between welcome spaces, spaces used for commercial activities and exhibition spaces has become an essential element in all plans. The need to manage visitor flow, allied with the need to ensure optimal security for visitors and objects have an important role to play in display choices. In several museums, exhibition spaces have to compete with spaces used for commercial purposes or events that generate revenue. A wide range of factors always has to be taken into consideration when planning museum spaces.

 

The organisers’ aim in planning this conference is to encourage the renewal of the critical discourse concerning the museum, its public role and the constraints within which its directors and curators have to work.

As far as possible, the organisers should like to encourage contributions from and debate between professionals who deal with exhibitions and display in the course of their work and theoreticians who are working on the subject. Case studies, analyses of the working relationship between architects and museographers, curators and exhibition makers are welcome, as are studies, research or field reports relating to and analysing the principal issues of the conference’s four main sections. The main period under consideration is the last half-century, but historical studies that shed light on our contemporary practices will also be welcome.

Contributions from students and young researchers interested in museums are encouraged.

 

Deadline:

Please send proposals (400 words max.) for a 20-minute paper in English or French to:

cecilia.hurley-griener@ecoledulouvre.fr or colloques@ecoledulouvre.fr before December 16th 2019.

Travel and hotel costs will be met by the organisers.

 

Comité d’organisation :

 

Cecilia Hurley (Équipe de recherche, École du Louvre / Responsable des Collections spéciales, Université de Neuchâtel)

Françoise Mardrus (Centre Dominique-Vivant Denon, Direction de la recherche et des collections, musée du Louvre)

 

 

Scientific committee:

 

Bruce Altshuler (Directeur du programme en études muséales, New York University)

Laurence Bertrand-Dorléac (professeure d’histoire de l’art, Sciences Po ; professeur, Ecole du Louvre)

Blandine Chavanne (conservatrice générale du patrimoine ; professeur, Ecole du Louvre)

Octave Debary (professeur, université Paris Descartes)

Cécile Debray (conservatrice générale du patrimoine, directrice, Musée de l’Orangerie)

Cécile Degos (scénographe)

Philippe Durey (conservateur général du patrimoine, ancien directeur de l’Ecole du Louvre)

Dominique de Font-Réaulx (conservatrice générale du patrimoine, directrice de la médiation et de la programmation culturelle, musée du Louvre)

Jérôme Glicenstein (professeur, université Paris 8)

Thierry Leviez (directeur scénographie, ENSBA)

François Mairesse (professeur, université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, École du Louvre)

Néguine Mathieux (conservatrice du patrimoine, directrice de la recherche et des collections, musée du Louvre)

Marielle Pic (conservatrice générale du patrimoine, directrice du département des antiquités orientales, musée du Louvre)

 

Visuel : montage de l’exposition Hartung, (c) Cécile Degos.

 

Télécharger l’appel au format PDF.

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