Appel à communications : « Le sens du détail : un autre regard sur la peinture d’histoire et la sculpture monumentale du XIXe siècle à nos jours. » (23 septembre et 1er décembre 2020, Poitiers Tours)

Appel à communications : « Le sens du détail : un autre regard sur la peinture d’histoire et la sculpture monumentale du XIXe siècle à nos jours. » (23 septembre et 1er décembre 2020, Poitiers et Tours)

Deux journées d’études organisées par le CRIHAM de l’université de Poitiers et l’InTru de l’université de Tours (23 septembre et 1er décembre 2020).

Date limite : 15 mars 2020.

Les méthodes d’analyse iconologique et iconographique développées par Aby Warburg et Erwin Panofsky font partie intégrante du répertoire méthodologique de l’historien de l’art. Souvent mises en service de l’analyse stylistique et formelle, elles peuvent aussi ouvrir de nouvelles perspectives théoriques et scientifiques pour renouveler l’expertise sur les œuvres. En 1992, Daniel Arasse avait attiré l’attention des historiens de l’art avec Le détail, pour une histoire rapprochée de la peinture. Dans cet ouvrage fondateur, il nous invitait à changer l’échelle de notre regard sur les chefs-d’œuvre classiques pour les observer au plus près de la toile, pour prendre en considération l’élément isolé, le petit, l’apparemment secondaire et anodin, l’échelle microscopique plutôt que macroscopique. Ce faisant il élaborait une grille d’analyse distinguant plusieurs types de détails, dont le détail comme partie d’un ensemble (une main, un œil comme partie du corps) et le détail-dettaglio désignant le processus de singularisation d’un motif précis. La perception du détail peut alors induire une nouvelle lecture de l’œuvre, ou lui ajouter une nouvelle dimension : la représentation d’instruments de musique peut suggérer la dimension sonore d’une peinture muette par essence, ou l’uniforme militaire d’un soldat dire son appartenance à tel bataillon actif durant telle guerre.

Ces deux journées d’études ont pour objectif d’étudier la question du détail principalement dans l’œuvre de grand format, la peinture d’histoire et la sculpture monumentale. Au fil du XIXe siècle, la représentation de l’histoire et l’hommage sculpté au grand homme ou aux idéaux politiques s’enrichit d’un répertoire de détails et de précisions matérielles (textures, matériaux différents). La peinture d’histoire s’éloigne de plus en plus de ses exigences traditionnelles d’unité de temps et de lieu et de limitation des éléments nécessaires à la narration pour aller vers une peinture plus riche – ou parasitée ? – de détails, d’objets, de costumes destinés à raconter une histoire autant qu’à recréer une atmosphère historique. La sculpture monumentale quant à elle, dans l’hommage au grand homme comme dans le monument commémoratif, intègre de plus en plus l’attribut réaliste comme information biographique et le détail allégorique comme élément discursif. De même, intervient encore ici la notion de rapports d’échelle : comment le grand format, qui impose le regard à distance pour être compris, intègre-t-il le détail, qui impose le regard proche voire intime ? Comment le regard sur la partie peut-il enrichir ou au contraire nuire à la perception visuelle et sonore, à l’expérience physique et émotionnelle de l’art ? Que révèle le détail sur la manière dont l’artiste a pensé sa composition ? Enfin, en termes d’aménagement muséographique, comment le musée intègre-t-il ce paramètre dans l’exposition des œuvres ?

 

Les thématiques suivantes pourront être interrogées, sans être restrictives :

Le détail : véritable apport ou élément parasite pour la narration du fait historique ?

Ce premier thème cherchera à situer la fonction même du détail. En effet, celui-ci peut être autant un moyen de distinction, d’amélioration, de finition ou de complément de l’expérience artistique, qu’un élément qui égare, disperse le regard, minore l’effet narratif ou la force du message. Cet axe vise ainsi à explorer comment la minutie du pinceau ou du burin peut aider ou, au contraire, « parasiter » la compréhension du spectateur face à la scène représentée. De fait, quelle(s) signification(s) peut revêtir ou induire le détail et que révèle son étude approfondie du message ou du discours narratif qu’il sous-tend ?

Nous questionnons ici la perception de l’apport didactique du détail. Deux postures différentes coexistent : celle du spécialiste, avide d’éléments minutieux lui permettant d’étayer son interprétation des représentations, et celle du spectateur pouvant être noyée par des éléments potentiellement perçus comme accessoires.

Le regard « archéologique ».

Le deuxième thème sera dédié à l’usage du détail comme outil de (re)composition dans une perspective archéologique. La seconde moitié du XIXe siècle a manifesté un goût marqué pour la reconstitution historique, notamment par le biais des néo-styles. Comment le détail concourt-il à la vraisemblance de ces reconstitutions peintes et sculptées ? De plus en plus, les artistes procèdent à des recherches poussées en lien avec les découvertes archéologiques de la période. Cette obsession de l’exactitude répond à une exigence pédagogique (à la base même de la peinture d’histoire telle que formulée par Félibien) aussi bien qu’au désir grandissant de spectaculaire du regardant. Son besoin de « voyager dans le temps » ou d’« assister » à l’événement pousse l’artiste à des représentations et à des réinterprétations savamment construites, à perfectionner sans cesse l’illusion. Certaines iconographies s’inscrivent durablement dans l’inconscient et dans l’imaginaire collectifs, précisément parce qu’elles sont construites sur un équilibre entre schématisation et détail frappant (le panache blanc d’Henri IV, les cheveux courts de Jeanne d’Arc…).

La question esthétique.

Ce volet traitera de la réception critique de ces œuvres et de leur perception sur le plan esthétique. En effet, si l’on s’en tient à l’argumentaire baudelairien, le respect de la précision nuit à l’harmonie et au sens de l’ensemble. Cette cacophonie serait contraire à la définition même de l’œuvre d’art. Peut-on pour autant considérer la production concernée comme non artistique, puisque contraire aux critères établis par Baudelaire ? Le détail n’est-il pas, au contraire, nécessaire et complémentaire à l’équilibre et à la richesse matérielle et immatérielle de la perception de ces compositions picturales et sculptées ? L’artiste joue ainsi sur les spécificités du détail pour l’adapter ou même construire grâce à lui l’économie générale de sa composition.

Le détail au musée.

De la peinture d’histoire à la sculpture monumentale, les dimensions parfois extrêmes du grand format présentent de multiples enjeux quant à son exposition au sein de l’espace muséal. Il s’agit alors de concilier les dimensions des œuvres, les contraintes spécifiques du lieu d’exposition et celles du visiteur, tout en valorisant ces peintures et ces sculptures, aussi bien dans leur monumentalité que dans la richesse de leurs détails. Ainsi, comment tenir compte des variations du regard du visiteur sur l’œuvre, du plus éloigné au plus proche ? Comment valoriser à la fois le format d’envergure et ses détails ? Ce dernier axe interroge le rapport au détail dans l’exposition au sein de l’espace muséal.

Ces journées d’études sont organisées par le Centre de recherche interdisciplinaire en histoire, histoire de l’art et musicologie de l’Université de Poitiers (Criham-Ea 4270) et l’équipe Interactions, Transferts, Ruptures artistiques et culturelles (InTru-Ea 6301) de l’Université de Tours, en partenariat avec le musée Sainte-Croix de Poitiers et le musée des Beaux-Arts de Tours.

 

Comité d’organisation :

Aude NICOLAS (Université de Poitiers / Criham / École du Louvre) et Margot RENARD (Université de Tours / InTru)

Comité scientifique :

Cécile Auzolle (Université de Poitiers / Criham) ; Claire Barbillon (École du Louvre / Université de Poitiers / Criham) ; François Blanchetière (musée des Beaux-Arts de Tours) ; Catherine Chevillot (musée Rodin) ; Cécilia Hurley-Griener (École du Louvre / Université de Neufchâtel) ; Raphaële Martin-Pigalle (musée Sainte-Croix de Poitiers) ; Thierry Sauzeau (Université de Poitiers / Criham).

Les propositions de communication (1 500 signes maximum accompagnés d’une courte notice bio-bibliographique) sont à envoyer avant le 15 mars 2020 à Margot Renard : margot.renard@univ-tours.fr et à Aude Nicolas : aude.nicolas@univ-poitiers.fr

Langue des journées d’études : français.

Nous sommes au regret d’informer les intervenants que le Criham et l’InTRu ne sont pas en mesure de financer leurs trajets, et qu’ils doivent donc s’informer d’une prise en charge de la part de leur institution de rattachement en cas de sélection.

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