Appel à communications : « Les formes visuelles du collectif XIXe-XXIe siècles » (Tours, 7-8 novembre 2019)
Appel à communications pour le colloque « Les formes visuelles du collectif, XIXe-XXIe siècles » organisé par le laboratoire InTRu à Tours les 7 et 8 novembre 2019 en partenariat avec le Jeu de Paume.
« Un des conflits les plus profonds inhérent au modernisme :
celui de la dialectique historique entre l’autonomie individuelle
et la représentation d’un collectif à travers des constructions visuelles. »[1]
Des peintures d’histoire du XIXe siècle jusqu’aux grandes productions cinématographiques contemporaines, les œuvres visuelles ont constamment tendance à traiter des actions, des émotions ou des événements collectifs en les incarnant dans une figure individuelle qui les emblématise. Cette stratégie a prouvé sa très grande efficacité, du point de vue visuel et du point de vue narratif ; cependant, elle a pour conséquence la rareté des formes visuelles du collectif comme tel. Plus difficile à représenter et peut-être aussi plus difficile à lire, le« collectif » est cependant un thème constant des représentations et des narrations visuelles contemporaines : peuples, masses, foules,multitudes, groupes, classes traversent l’histoire du monde contemporain en ne cessant d’y reposer le problème de l’existence d’un sujet collectif, rendant ainsi aigu et passionnant celui de sa figuration.
Comment est-il possible de donner une forme visuelle au collectif sans le transformer en masse anonyme et sans le réduire à un individu qui simultanément l’emblématise et l’abolit ? Comment affronter visuellement la polyphonie de la multitude ? La ville constitue de toute évidence un des cadres dans lesquels ces questions prennent tout leur sens : lieu même où se concentrent et se croisent les multitudes, la ville fait l’objet de traitements narratifs et visuels qui ont constamment affronté le problème des figurations du collectif dans sa diversité, du Paris de Victor Hugo à la série télévisée The Wire (2002-2008)[2]en passant par le Sin City de Frank Miller (1991-2000) ou les Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle (2011)[3],œuvres dans lesquelles la ville s’érige en personnage de fiction à part entière.
D’autre part,la question de la représentation du collectif touche aussi celle des valeurs,des perceptions et des idées collectives qui le traversent :représentations collectives, au sens exprimé par Émile Durkheim[4],les « formes du collectif » prennent alors un sens directement politique et affrontent la question même de ce qui nous unit et de ce qui nous distingue[5] :ainsi, dans l’exposition The Family of Man (1955), Edward Steichen construit, à partir de nombreuses images, une définition de « la grande famille des hommes » très marquée par l’idéologie humaniste. Or, à l’heure de l’urgence écologique et de la transversalité des problèmes géopolitiques, la représentation de notre appartenance à une communauté qui s’élève à l’échelle de l’humanité toute entière est peut-être une des plus actuelles que l’on puisse concevoir.
Enfin, la question de l’identité se pose aussi à propos des représentations de la contestation collective, de la révolution et de la guerre, qui appellent particulièrement une iconographie du pluriel. De La Liberté guidant le Peuple (1830) de Delacroix aux représentations du corps collectif des combattants que propose Horace Vernet,une topique de la figure collective se construit qui connaîtra avec la première guerre mondiale un basculement fondamental, dont témoignent entre autres les œuvres de Fernand Léger ou d’Otto Dix. Plus proche de nous, la multiplication des luttes pour la reconnaissance des identités culturelles, ethniques ou sexuelles offrent un terrain nouveau aux réflexions sur la figuration du collectif comme force politique[6] : le film Black Panther (2018) a par exemple été reçu par une grande partie du public comme un outil d’empowerment de la cause noire dans le sillon notamment du mouvement Black Lives Matter. Il faut alors se poser la question de la place du visuel dans ces luttes, et de son instrumentalisation politique dans la constitution symbolique d’un collectif.
Le colloque s’attachera à traiter des formes visuelles du collectif à travers tous les médiums visuels du XIXe au XXIe siècle, avec une attention particulière (mais non exclusive) pour les thèmes suivants :
- Le collectif dans la ville et la ville comme collectif.
- La représentation visuelle de l’identité collective.
- La tension entre les exigences narratives et le collectif.
- La représentation du collectif en conflit (révolution, guerre, contestation, revendication).
- Les formes visuelles du collectif dans leur lien avec l’engagement politique.
Les propositions de communications de 2000 signes, assorties d’une courte bio-bibliographie de 500 signes, sont à envoyer à : margot.renard@univ-tours.fr
Date limite d’envoi des propositions : 15 mars 2019
Retour aux participants : 15 avril 2019
Les organisateurs informent les intervenants que leurs frais de mission ne seront pas pris en charge, et les invite donc à se rapprocher de leur laboratoire ou université de rattachement.
Comité d’organisation:
Raphaële Bertho (MCF Histoire de l’art, Tours/Intru),
Cécile Boulaire (MCF HDR Littérature, Tours/Intru)
Louis Boulet (Doctorant Histoire de l’Art et Philosophie, UQAM/Intru)
Laurent Gerbier (MCF HDR Philosophie, Tours / Intru)
Margot Renard (Docteur Histoire de l’Art, Intru et LARHRA)
Comité scientifique :
Alain Bonnet (PR Histoire de l’art, Université de Bourgogne /Centre George Chevrier)
Laurent Cailly (MCF géographie, Université de Tours/CITERES)
Vincent Lavoie (PR Histoire de l’art, UQAM)
Eric de Chassey (PR Histoire de l’art, Directeur de l’Institut National d’Histoire de l’Art)
Delphine Robic-Diaz (MCF histoire du cinéma, Université de Tours/Intru)
[1] « […] one of the most profound conflicts inherent in modernism itself: that of the historical dialectic between individual autonomy and the representation of a collectivity through visual constructs », Benjamin Buchloch, « From Faktura to Factography », October, n° 30, 1984, p.114. Nous traduisons. L’auteur évoque ici la transformation du modernisme soviétique de Lissitkzy ou Rodchenko en arme de propagande massive.
[2] Voir par exemple l’analyse d’Antoine Faure, « ‘The Wire’ : le fil d’Ariane sociologique de la complexité urbaine américaine », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, 2009, http://journals.openedition.org/nuevomundo/55671, consulté le 25 août 2018. L’auteur y décrit comment le « héros Baltimore » est constitué par la multitude.
[3] Ces questions ont été explorées par Denis Mellier dans « From Hell to Sin city : imaginaires urbains et signatures figuratives dans le roman graphique contemporain », dans Hélène Menegaldo ; Gilles Menegaldo, Les imaginaires de la ville, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Interférences, 2007, p. 401-416.
[4] Voir notamment Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912), Paris, PUF, 2013.
[5] Le philosophe controversé Carl Schmitt fait même de l’opposition ami/ennemi le fondement de la politique. Voir La notion de politique ; Théorie du partisan, Paris, Flammarion, 2009 (1932 et 1962).
[6] Ce sujet a fait l’objet d’un colloque à l’EHESS en 2007, organisé par l’EHESS, le CADIS et l’INA, « Représenter les minorités : visibilité, reconnaissance, et politique des représentations ».
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