Appel à communications : « Matérialité textile au premier âge moderne » (Louvain-la-Neuve, 25-26 septembre 2024)

Appel à communications : « Matérialité textile au premier âge moderne » (Louvain-la-Neuve, 25-26 septembre 2024)

Chatoyant ou mat, épais ou fin, opaque ou translucide, rigide ou souple, tendu ou plissé, texturé ou lisse… Ce sont là quelques attributs sensibles du textile, irrémédiablement associés à sa matérialité. Exhibés sur les corps des princes et des prélats, enserrant quelque précieuse matière ou encore recouvrant murs et sols, les textiles traversent toute la culture matérielle de la première modernité (XVe–XVIIIe siècle). Ils occupaient alors un statut de premier plan, omniprésents depuis l’enveloppe des corps jusqu’à la parure de l’architecture et garants de la construction des identités sociales. Si la discipline de l’histoire de l’art s’est récemment emparée de cet objet d’étude longtemps relégué à la marge de l’histoire des arts, ses dimensions matérielle et sensible restent encore trop souvent négligées dans la recherche, au profit d’approches historique, iconographique ou encore anthropologique. Nécessitant des connaissances techniques spécifiques, l’étude de la matérialité des œuvres a longtemps été l’apanage des conservateurs-restaurateurs textiles et de quelques rares « textilologues » (Cardon 1999), avant que le material turn n’irrigue ces dernières années le champ de l’histoire de l’art et ne révèle l’importance d’un retour à l’objet-matière (comme le met en évidence le prochain congrès du CIHA consacré à la Matière/Matérialité).

Ainsi, l’objectif de ces deux journées d’étude est de faire se rencontrer ces différentes approches en faisant dialoguer les recherches consacrées à (l’histoire de) la technique et la conservation, ainsi que celles portant sur les propriétés médiales et les sens que revêt le textile lorsqu’il est exposé, porté ou manipulé. Pour ce faire, les propositions de communication pourront s’articuler autour de trois axes thématiques (non-exclusifs) proposés à la réflexion.

• Axe 1- Histoire des techniques et de la conservation
Ce n’est sans doute pas un hasard si le terme grec technè, désignant la technique de fabrication et le verbe latin texere, signifiant « tisser », dérivent de la même racine (Mitchell 1997). C’est sur cette proximité étymologique, et plus encore ontologique, que permet d’insister le néologisme « textilité » (Mitchell 1997, Ingold 2009), qui renvoie à la matérialité du textile, non pas comme propriétés statiques mais en tant que processus relationnel. Aussi, cet axe s’intéresse-t-il à l’histoire des techniques, depuis la conception (modèle, patron, carton) jusqu’aux étapes de mise en œuvre (matières premières, coupe, tissage, montage, finitions, etc.). Ouvert aux recherches touchant à l’« archéologie expérimentale » et aux pratiques de patronage et de reconstitution, cet axe repose sur une observation matérielle des textiles en tant que source historique permettant de comprendre les techniques de confection, la généalogie des formes et de retracer la biographie de l’objet.

• Axe 2- Représentation et réception
Si le textile, à travers le paradigme du vêtement, peut être envisagé au cours de la première modernité comme l’art de la représentation par excellence, ce domaine où la vie s’érige en spectacle, c’est en raison même de sa matérialité, comprise comme le type de rapport que l’homme entretient avec la matière (Picon), le textile jouant de sa force d’attraction optique et haptique. Or, comme objet porté, manipulé, suspendu, le textile est ancré dans un régime de réception éphémère (dont les affichages de tapisseries lors des festivités constituent sans doute le paroxysme). Cet axe thématique invite à explorer les phénomènes et les expériences sensibles liés à la matérialité du textile. Il entend aussi interroger la manière dont les textes et les images de l’époque rendent comptent de ces phénomènes sensibles par nature éphémère. Quels sont les procédés picturaux ou textuels qui pérennisent, à travers sa re-présentation, ce médium et ses qualités sensibles ?

• Axe 3- Imitation et illusion
La troisième perspective de recherche se concentre enfin sur la simulation à l’œuvre dans et par le textile imitant d’autres techniques (peinture à l’aiguille, scènes brodées sur le tissu, mimétisme sur les orfrois, etc.), mais aussi par le biais d’autres médiums représentant des voiles, tentures, tapisseries et autres parures. En effet, depuis Pline l’Ancien et l’anecdote de Zeuxis trompé par la tenture illusionniste peinte par Parrhasios, le textile constitue l’expression paradigmatique du trompe-l’œil. À partir de la Renaissance, l’art de la tapisserie est en outre associé à celui de la peinture, qu’elle imite dans sa capacité à simuler la troisième dimension et ainsi transcender la planéité du support bidimensionnel, voire qu’elle copie directement en reproduisant certains tableaux sous la forme textile. Ce sont ces transpositions illusionnistes du tissu représenté par le biais d’autres médiums (peint, gravé, sculpté ou modelé), ouvrant sur des questions de paragone, qui sont ici questionnées au carrefour d’enjeux économiques, plastiques, sémantiques et symboliques.


Modalités de soumission
Les deux journées d’étude se tiendront du 25 au 26 septembre 2024 à l’UCLouvain (Louvain-la-Neuve, Belgique). Les propositions de communication ne devront pas excéder 500 mots en français ou en anglais. Elles seront accompagnées de quelques lignes biographiques. Le document est à envoyer pour le 15 mars 2024 à caroline.heering@uclouvain.be ; roxanne.loos@uclouvain.be et helene.malice@uclouvain.be. Les interventions ne devront pas excéder 25 minutes.

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