Appel à contribution : ARTL@S BULLETIN. Cartographie et histoire de l’art

ARTL@S BULLETIN  – Appel à propositions :
REMETTRE LES ARTS À LEUR PLACE – LA CARTOGRAPHIE ET L’HISTOIRE DE L’ART

Le recours à l’outil cartographique n’est pas instinctif pour l’historien d’art, pas plus que pour les spécialistes de la littérature, du cinéma, du théâtre ou de la musique. Il n’y a qu’à considérer le caractère exceptionnel des cartes dans les études littéraires, dans les travaux d’histoire de la musique, dans les ouvrages d’études cinématographiques et théâtrales, ou dans les ouvrages et articles d’histoire de l’art pour s’en convaincre.

Pourtant, l’approche spatiale et cartographique permet d’aborder de nombreuses questions autour de la répartition des lieux de production des œuvres et des formes artistiques, des circuits de diffusion des modèles ou des traductions, des dynamiques sociales et spatiales de la création, de celles de son marché et de sa consommation, ou des phénomènes de déplacement, de transfert et d’hybridation. La représentation de telles données sur un fond de carte ne manque jamais de produire un fort effet heuristique.

On voit apparaître des concentrations, des configurations, des espaces et des lignes de séparation bien plus évidentes qu’avec un tableau à plusieurs entrées ou une description. Le recours à la carte permet de localiser les points, les frontières et les espaces remarquables et de mettre au jour des continuités entre les œuvres, les activités artistiques et les lieux où elles apparaissent et dont, peut-être, elles portent l’empreinte. Il permet de « révéler », au sens photographique du terme, l’espace en tant que dimension constitutive et déterminante des œuvres et des activités artistiques. Mais qu’en est-il de la dimension temporelle et du caractère évolutif, historique de ces phénomènes réinscrits dans l’espace ? La carte atteint-elle ici ses limites ?
Récemment, la cartographie numérique a offert de nouvelles possibilités à l’histoire des arts. Pourvu que les données soient bien sourcées, éditées et organisées de manière homogène et commensurable,leur traitement numérique est possible et les données peuvent être partagées dans cette optique. L’approche spatiale permet alors non seulement de visualiser des circulations (d’artistes, d’œuvres, d’objets, d’événements), des réseaux, des espaces sociaux, mais encore de comparer ces espaces avec d’autres déjà reconstitués par les chercheurs, et d’articuler ces visualisations selon de multiples échelles d’espace et de temps.
Mais comment passer alors des projets numériques, avec leurs atouts heuristiques exceptionnels, à la publication des cartes où le format soudain se fige ? Comment traduire dans le langage de l’article scientifique, et avec efficacité, les analyses complexes permises par la cartographie numérique ?

Ce numéro veut rassembler de courtes contributions, focalisées sur une étude cartographique et son commentaire, destinées à montrer clairement les apports ou les limites de la carte à la connaissance des arts. Il incite aussi les chercheurs à relever le défi d’une traduction bidimensionnelle de projets numériques où la diachronie a sa place, et à proposer ainsi peut-être de nouvelles stratégies pour traduire par la carte des résultats de recherche.

Dans les deux cas, l’enjeu est de recourir à la carte comme un moyen de remettre les arts à leur place. Il peut s’agir d’interroger les logiques territoriales et les frontières des objets et des activités artistiques, d’étudier les centres et les périphéries des mondes de l’art, leurs lieux et leurs espaces porteurs de valeurs, de normes et de ressources à chaque fois spécifiques. L’exercice peut être aussi l’occasion d’élargir l’espace trop souvent local et national de l’histoire des arts, pour le mondialiser, et inclure dans cet élargissement le lointain ou le périphérique. Il peut encore ouvrir à des questionnements sociaux et comparatifs. En ce sens la carte pousse à sortir d’une approche délocalisée et abstraite des arts, qui, pour l’histoire de l’art par exemple, réduit l’œuvre à son image en oubliant qu’un objet se situe toujours quelque part – pas seulement dans un contexte d’exposition (dont la recherche tient compte depuis quelques temps), mais aussi au croisement de configurations d’idées et d’institutions, de théories et de pratiques qui ont toutes des dimensions spatiales.
S’il faut remettre davantage les arts à leur place, est-ce aussi alors l’histoire de l’art qu’il faut remettre à sa place ?  Et qu’en est-il pour l’étude des autres arts ?

Les contributions pourront privilégier les axes de réflexion suivants :
•    Quelle forme de compréhension des activités artistiques permet la carte, que d’autres approches ne permettent guère ? Peut-elle aborder l’étude de tous les types d’espaces et de circulations artistiques ? La carte doit-elle se cantonner pour traiter des questions spécifiques à l’histoire de l’art à la vénérable « géographie artistique » (Kunstgeographie) – en particulier à l’étude de la circulation des styles, l’évaluation des influences et des diffusions ?
•    Que permet et ne permet pas de représenter une carte ? Que peut-on ajouter au tracé des frontières et aux points sur la carte pour visualiser des évolutions, des flux, des déplacements et des circulations ? Comment la mise en évidence visuelle des structures spatiales (lieu, échelle, distance, frontières, etc.) s’accorde-elle avec la dimension temporelle des phénomènes étudiés ? Comment traduire une carte numérique en carte(s) statique(s) destinée(s) à l’impression ?
•    La carte n’est-elle en soi qu’un outil, ou déjà une forme d’interprétation ? Dans quelle mesure la carte construit-elle l’objet qu’elle vise et représente ? Nous serions aussi intéressés par des contributions proposant plusieurs cartes qui démontreraient chacune une même thèse mais de manière différente, incitant ainsi à réfléchir aux meilleures stratégies démonstratives par la carte. Quelle doit ou peut être la place du texte dans ce type de rhétorique scientifique ?
Pour ce numéro spécial, deux formes de contribution sont possibles :
•    des articles de recherche (full length papers), entre 5 000 et 7 000 mots ;
•    des essais brefs (short communications), sous forme de cartes commentées, 2 000-3000 mots.

Dans le cadre de cet appel à contribution, les auteurs intéressés sont invités à envoyer leur proposition d’article ou d’essai sous la forme d’un résumé d’une page, accompagné d’un curriculum vitæ comprenant une liste de publications. Les propositions doivent être envoyées à Marco Jalla (marco.jalla@unige.ch) et Béatrice Joyeux-Prunel (beatrice.joyeux-prunel@ens.fr) au plus tard le 16 septembre 2018. Les articles peuvent être rédigés en anglais, français, espagnol, allemand ou italien.

Source : https://arthist.net/archive/18474

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