Appel à contribution d’ouvrage : « 1922-2022 : que reste-t-il du fascisme ? »

Appel à contribution d’ouvrage : « 1922-2022 : que reste-t-il du fascisme ? »

Direction de l’ouvrage : Emilia Héry, Giulia Chielli, Coralie Razous (Framespa UMR 5136 – Université de Toulouse 2 Jean Jaurès)

L’ouvrage publié dans la collection Tempus des Presses Universitaires du Midi (PUM) vise à encourager la réflexion sur l’héritage du fascisme cent ans après sa naissance en Italie. Il tente de cerner – dans une logique pluridisciplinaire – dans quelles mesures le fascisme aujourd’hui, loin d’être uniquement un folklore empreint de nostalgie, peut encore façonner nos sociétés contemporaines. À l’inflation de l’utilisation du terme dans les médias, correspond une définition imprécise et absconse qui revêt des sens divers en fonction des contextes et des pays. En somme, qu’est-ce que veut dire « fascisme » aujourd’hui ?

La façon dont les acteurs politiques, scientifiques et culturels envisagent aujourd’hui les espaces sociaux et la symbolique idéologique qu’ils contiennent révèle quelque chose du travail mené – ou non – de déconstruction d’un imaginaire fasciste. En ce sens, le rapport actuel à une architecture réalisée par le pouvoir fasciste ou bien les échos idéologiques dans la culture mainstream (musicale, cinématographique, littéraire, sportive, etc.) et dans la culture politique, nous paraissent des objets d’étude fondamentaux et forment le fil d’Ariane de cet ouvrage.

Les points attendus pour l’ouvrage sont les suivants :

  • Les études de cas doivent s’inscrire dans le temps présent et dans la thématique de l’ouvrage : les traces du fascisme aujourd’hui.
  • Comment dans vos travaux la question de la définition du fascisme s’est-elle posée ?
  • Les contributions doivent s’inscrire dans une des thématiques présentées ci-dessous.

Nous nous réservons le droit de vous demander des modifications dans vos textes pour qu’ils répondent au mieux aux objectifs de l’ouvrage.

 

Thématiques et structure de l’ouvrage

Partie 1 – Vers une définition du fascisme ?

Partie 2 – Le fascisme dans la ville : permanence, actualisation, destruction

Partie 3 – Fascismes, société, culture mainstream et contre-culture : traces, héritages et mémoires

Partie 4 – Fascisme, structures partisanes et champs politique

 

Normes éditoriales

Nous vous demandons de bien vouloir respecter les normes éditoriales des PUM, consultables à l’adresse suivante :

https://pum.univ-tlse2.fr/download/Consignes-aux-auteurs-PUM_V7_janvier-2018.pdf

 

Calendrier et modalités

Sélection : limite d’envoi du résumé (½ page) de la contribution le 30 juin 2023.

Limite d’envoi des textes sélectionnés (40 000 signes) le 30 septembre 2023.

La bibliographie n’entre pas dans le nombre de signes.

A envoyer par mail à : colloque1922.2022@gmail.com

 

Détail de l’argumentaire

La finalité de cet ouvrage est d’encourager la réflexion sur l’héritage du fascisme dans les sociétés d’aujourd’hui.

Partie 1 – Vers une définition du fascisme ?

La question de la nature du fascisme se pose depuis la fondation du Fascisme italien [1] et n’a jamais cessé d’être remise en question par les représentants du fascisme eux-mêmes (Bardèche : 1961), ses opposants (Salvemini : 1961) et les spécialistes du phénomène (Gentile : 2005 ; Griffin : 1993). Le sujet ayant fait couler beaucoup d’encre, des historiens, des politologues, des anthropologues et des philosophes se sont mesurés avec la formulation de théories et de définitions ; le « fascisme » a ainsi été élargi pour inclure diverses périodes et contextes, ou réduit au seul cas du « ventennio » italien. Malgré les efforts des experts, le « fascisme » peine à rester dans les limites imposées par la théorie et tend à déborder et à envahir d’autres domaines. Entre la Marche sur Rome (1922) et aujourd’hui, le terme « fascisme » n’est jamais tombé en désuétude. Son utilisation à outrance a fait que l’attribut « fasciste » a été accolé aux personnages, mouvements et régimes les plus disparates et aux caractéristiques les plus diverses.

Cette première partie propose d’interroger les théories du et sur le fascisme à travers le prisme du présent, dans une analyse qui inclut ses différentes manifestations dans l’espace européen et extra-européen. Qu’est-ce que le fascisme et pourquoi, après un siècle, en parle-t-on encore ? Quelle empreinte le fascisme a-t-il laissée sur l’époque contemporaine ? Cela a-t-il un sens de parler de fascisme aujourd’hui ?

[1] Le fascisme italien est indiqué avec une lettre majuscule, au contraire du fascisme générique, indiqué avec une lettre minuscule.

 

Partie 2 – Le fascisme dans la ville : permanence, actualisation, destruction

Sous le régime de Benito Mussolini, la ville a incarné la rhétorique fasciste. Ce fascisme de pierre (Gentile : 2007) voulant « imprimer partout la marque du régime » (Nicoloso : 2008 : XV) est encore aujourd’hui très présent dans le paysage urbain (Ben-Ghiat : 2017). Devenu patrimoine culturel national, il pose ainsi de nombreuses questions quant à la légitimité de sa conservation et de sa restauration (Belmonte : 2021 : 206). Cette partie interroge par conséquent les questions liées à la permanence, l’actualisation et la déconstruction de l’héritage architectural fasciste.

Le problème lié à l’héritage difficile que constituent les stigmates urbains du régime dépasse cependant largement les frontières actuelles de l’Italie (Macdonald : 2009). Tout d’abord parce que le Fascisme a très rapidement étendu ses projets de transformation urbaine aux colonies, considérées comme les nouvelles régions de la Magna Italia (Ben-Ghiat, M. Fuller : 2005). Ainsi la Libye, l’Éthiopie, l’Érythrée, la Somalie, l’Albanie, subissent une redéfinition en particulier de leurs capitales. Il faut noter d’autre part que la question d’un héritage architectural dissonant se pose au-delà de l’unique expérience italienne et ses anciennes colonies. Les cas de l’Allemagne, l’Espagne, la Slovénie, ont fait l’objet d’études en ce sens (Hökerberg : 2018), tout comme les exemples portugais, argentins ou brésiliens (Griffin, Almeida de Cavalho : 2018). Enfin, si la ville est, comme nous le dit Roland Barthes en 1967, une écriture, quelle lecture permet-elle au citadin quand ses signes expriment l’hégémonie d’un pouvoir totalitaire ?

 

Partie 3 – Fascismes, société, culture mainstream et contre-culture : traces, héritages et mémoires

Depuis les années 1980 et 1990, l’héritage des fascismes et leurs traces dans le présent semblent avoir pénétré la culture populaire et une mémoire collective, et ce, sans toujours s’accompagner d’une revendication fasciste explicite et/ou consciente. Cette partie propose d’examiner – notamment par le biais des sujets et des acteurs – les dimensions multiples de cet héritage du fascisme.

Une première dimension culturelle de cet héritage s’attache à étudier un ensemble de gestuelles, de graphies, de sigles, de chants, de codes sociaux (vestimentaires, langagiers, etc.) évoquant les régimes fasciste et nazi que l’on retrouve chez des groupes qui a priori « ne font pas » de politique comme des poignées d’ultras supporters de clubs de football européens ou des groupes de musique. Une seconde dimension, finalement intimement liée à la première, est celle de la mémoire du fascisme, à travers les commémorations populaires et non institutionnelles d’événements relatifs aux régimes politiques fascistes. Enfin, une troisième dimension est celle des représentations du fascisme dans le cinéma et la littérature dans leur dimension populaire : séries télévisées, films grand public, romans à succès, bandes dessinées, etc.

 

Partie 4 – Fascisme, structures partisanes et champs politique

S’il y a un champ où le terme « fascisme » a connu une diffusion et un succès sans égal, c’est certainement le champ politique. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des pays divers ont expérimenté la naissance de groupes et de partis politiques qui ont directement revendiqué une appartenance au fascisme ou qui en ont gardé des traits sans pour autant s’en considérer héritiers. Le contexte politique actuel est loin d’avoir relégué cette question au passé : la prolifération de partis dits néo-fascistes, d’extrême droite, de droite radicale ou encore populistes (Mudde : 2019 ; Tarchi : 2015), ne fait que complexifier davantage un domaine qui s’est rarement distingué pour sa clarté sémantique.

Cette dernière partie appelle à des contributions qui pourront aller au moins en deux directions. Premièrement, les contributions pourront interroger les continuités et discontinuités des mouvements, groupes et partis identifiés comme néo-fascistes/d’extrême droite avec le fascisme historique dans les champs politiques contemporains. Comment identifier cette continuité/discontinuité ? Cet héritage est-il revendiqué ou caché ? Deuxièmement, les contributions pourront examiner, dans un espace européen ou extra-européen, le fonctionnement de ces partis contemporains, leurs programmes, leur électorat, leurs structures organisatives.

 

Bibliographie indicative

Bardèche Maurice, Qu’est-ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs, 1961.

Barthes Roland, « Sémiologie et urbanisme », conférence de 1967 reproduite dans « La ville », L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 53, décembre 1970-janvier 1971.

Belmonte Carmen, « Art contemporain et préservation critique des monuments du fascisme en Italie », dans Luca Acquarelli, Laura Iamurri, Francesco Zucconi (dir.), Le fascisme italien au prisme des arts contemporains, Paris, Rennes, EHESS, PUR, 2021, pp. 203-217.

Ben-Ghiat Ruth, « Why Are So Many Fascist Monuments Still Standing in Italy ? », The New Yorker, 5 octobre 2017.

Collovald Annie, Le populisme du FN. Un dangereux contresens, Bellecombe en Bauges, Éditions du Croquant, 2004.

Dobry Michel (dir.), Le mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, 2001.

Dormagen Jean-Yves, Logiques du fascisme. L’État totalitaire en Italie, Paris, Fayard, 2008.

Foucault Michel, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.

Gaïti Brigitte, « Les inconstances politiques », Politix, 2001, n°56, pp. 17-42.

Gallicchio Alessandro, « Tirana, fabrique inépuisable d’expérimentations urbaines. Patrimoine architectural moderne et art contemporain dans l’espace public albanais », Politique et performativité de la patrimonialisation, Cahiers du CAP, Éditions de la Sorbonne, 2019, pp. 101-136.

Gentile Emilio, Fascismo di pietra, Bari, Laterza, 2007.

Gentile Emilio, Fascismo. Storia e interpretazione, Bari, Roma, Laterza, 2010, (XI éd).

Griffin Roger, The nature of Fascism, Londres, Routledge, 1993.

Griffin Roger, Almeida de Cavalho Rita (dir.), « Architectural Projections of a ‘New Order’ in Interwar Dictatorships – Part 2 », Fascism, Vol. 7, 2018 [en ligne]. Lien : https://brill.com/view/journals/fasc/7/2/fasc.7.issue-2.xml

Hökerberg Häkan (dir.), Architecture as propaganda in twentieth-century totalitarian regimes. History and heritage, Firenze, Edizioni Polistampa, 2018.

Macdonald Sharon, Difficult Hertitage : Negotiating the Nazi Past in Nuremberg and Beyond, Abingdon, Routledge, 2009.

Mudde Cas, The Far Right Today, Cambridge, Polity, 2019.

Nicoloso Paolo, Mussolini architetto, Propaganda e paesaggio urbano nell’Italia fascista, Torino, Einaudi, 2008.

Nora Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1986.

Ruth Ben-Ghiat, Mia Fuller, Italian Colonialism, New York, Palgrave Macmillan, 2005.

Salvemini Gaetano, Scritti sul fascismo, 3 vol. (I. dirigé par Roberto Vivarelli ; II. Dirigé par Nino Valeri a Alberto Merola ; III. Dirigé par R. Vivarelli), Milano, Feltrinelli, 1961.

Sternhell Zeev, Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste en France, Paris, Gallimard, 2013.

Sternhell Zeev (dir.), L’histoire refoulée. La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français, Paris, Éditions du Cerf, 2019.

Tarchi Marco, « Populismo, Derecha Radical y Extrema Derecha: Afinidades y Falsas Equivalencias», Cuadernos de Pensamiento Político, n° 48, octobre-décembre 2015, pp. 63-75.

Traverso Enzo, Le passé : modes d’emploi. Histoire, mémoire, politique, Paris, La Fabrique Éditions, 2005.

Tunbridge J. E., Ashworth G.J., Dissonant Heritage : The Management of the Past as a Resource in Conflict, Chichester, New York, J. Wiley, 1996.

 

 

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