Appel à contribution : revue In Situ. Le patrimoine du textile et de la mode

In Situ, appel à contributions « Le patrimoine du textile et de la mode »  ; vol. 2 : « Le vêtement et la mode, un patrimoine incarné »

COORDINATION SCIENTIFIQUE
Alexandra Bosc, conservatrice du patrimoine — Ville de Paris, commissaire d’expositions indépendante
Anne Monjaret, directrice de recherche — CNRS, IIAC (EHESS-CNRS)

Faisant suite au premier volume traitant du patrimoine textile, ce numéro de la revue In Situ. Revue des patrimoines se concentre sur un domaine patrimonial vaste, celui des vêtements et accessoires de mode. Objets en trois dimensions répondant tous à une même fonction — couvrir et/ou orner le corps nu —, ils ont en commun d’être soit apposés sur le corps, soit constitués de panneaux (le plus souvent textiles) drapés ou cousus entre eux pour envelopper ce dernier.

Mais ces productions s’incarnent dans des typologies très diverses, reflets d’usages et de sociétés différents : signifiant les appartenances de région, de classe, de genre, de « race » et de génération, soumis aux variations saisonnières de la mode, comme les habits portés par les classes aisées urbaines, ou bien réglementés et immuables semble-t-il comme les costumes populaires, parfois dits « traditionnels » ou « folkloriques » (extra-européens) qui font l’objet de classement par l’Unesco, ou les uniformes (de travail, religieux, civils ou militaires), ou encore imaginés pour une utilisation ponctuelle et codifiée, comme les tenues dites « de circonstances » (baptême, communion, mariage, deuil), les costumes de théâtre (mais aussi de cinéma, de cirque, etc.) ou les travestissements (rituels dans les sociétés extra-européennes, les bals costumés, etc.).

Cette diversité fait la richesse de ce patrimoine, matériel et immatériel, mais a aussi été la source de son invisibilité relative. Jusqu’il y a peu, aucun champ de recherche unifié n’avait ainsi pu se constituer en France autour de ces objets — la vaste et disparate famille des objets d’art ne trompant personne avec son inventaire à la Prévert.

Toutefois, après avoir accusé un retard certain par rapport au monde anglo-saxon, la France – pourtant capitale historique de la mode – a connu ces dernières années un grand dynamisme dans les études sur la mode, tant dans les musées qu’à l’université, grâce à de nouveaux réseaux de chercheurs et de conservateurs. Ces études touchent des domaines très divers (histoire de la mode et du costume, histoire économique, ethnologie et anthropologie, sociologie, esthétique, histoire sociale, histoire des techniques…) dans une approche désormais pluridisciplinaire.

Depuis les années 2000, ce patrimoine a également été mieux valorisé au sein des entreprises productrices (maisons de mode) : conservatoires, départements spécialisés dits Archives ou Héritage des grandes maisons de couture et groupes de l’industrie du luxe se sont développés, tant pour des nécessités techniques et économiques (conserver les savoir-faire) que de communication (le fameux ADN de la marque : branding et discours de marque).

En faisant un état des lieux, ce numéro entend, en revenant sur la lente émergence de ce patrimoine de la mode, participer à ce renouveau et mettre en lumière des institutions et des fonds, publics comme privés – notamment au sein d’entreprises et de maisons historiques ou récentes –, pour susciter de nouvelles perspectives de recherche et de valorisation pour ce patrimoine.

Quatre axes sont proposés pour les contributeurs :

Axe 1 : Histoire des collections de vêtements et d’accessoires de mode dans les musées et autres institutions (bibliothèques, archives)

La présence éclatée au sein de divers départements dans les musées généralistes ne favorise pas leur étude. Il s’agit ici de mettre en évidence l’émergence progressive de musées spécialisés, publics et privés en France, mais aussi dans d’autres pays européens ou extra-européens : musées d’art et d’industrie au xixe siècle, musées de mode au xxe siècle (créés tardivement et après beaucoup d’efforts), sans oublier les musées privés les plus récents (dont certains, comme le musée du costume et du bijou Fragonard qui valorise les costumes régionaux). D’autres institutions culturelles possèdent des collections connexes (journaux, maquettes, photographies…) : quelles problématiques posent ces fonds ? Il s’agit aussi d’être attentif au rôle des associations et collectionneurs spécialisés dans la dynamique de ce mouvement de fond. Des questions d’ordre général se posent pour l’ensemble de ces fonds : quelles sont leurs collections et quels ont été les choix de collecte (champs chronologiques, sociaux, sexués…) ? – donnant lieu à des inégalités de patrimonialisation. Comment les conservent-ils ? les restaurent-ils ? Comment les exposent-ils ? Sont-elles des sources d’inspiration pour les créateurs ?

Axe 2 : Patrimoine des métiers de la mode

« Les artisans de l’élégance », pour reprendre le titre d’une exposition du feu musée national des Arts et Traditions populaires, sont une autre entrée possible pour appréhender le patrimoine de la mode. Des grands couturiers aux petites mains, des modélistes et stylistes aux ouvrières, en passant par les premières d’ateliers, midinettes, vendeuses ou les mannequins, etc., sans oublier le monde des fournisseurs et des paruriers, ou encore celui des photographes de mode : à quel processus de patrimonialisation assistons-nous pour cette constellation de métiers (fourreurs, bottiers, plumassiers, etc.) qui fonctionnent en réseau ? Quels sont les fonds existants ? Quelles sont les sources disponibles ? Ces métiers sont-ils valorisés et comment ? Quels aspects sont mis en avant : techniques, sociaux ? Si la mémoire des « grands couturiers » est constituée et préservée – on pense notamment au musée Christian Dior à Granville, qu’en est-il des mémoires ouvrières de la haute mode, de la confection ? de leur savoir-faire ? Les patrimoines préservés permettent-ils d’aborder les problématiques de hiérarchie sociale (la relation des fabricants à leur clientèle) ? de hiérarchie sexuée (postes de création et de direction versus travail d’exécution technique) ? Les origines sociales et géographiques de ces acteurs sont-elles perceptibles à l’étude de ces patrimoines (la question des immigrations et spécialisations professionnelles propres à certains groupes socio-ethniques) ? Des archives aussi variées que celle des institutions représentatives (chambres syndicales), de la presse professionnelle, des écoles d’arts appliqués, des conseils de prud’hommes ou des tribunaux de commerce pourront être ici convoquées.

Axe 3 : Le patrimoine comme argument commercial

Ces objets sont depuis longtemps utilisés comme sources d’inspiration par les entreprises productrices (maisons de mode, industrie de la confection, etc.) qui les ont créés. Conservés dans des entrepôts, des archives, ils sont régulièrement ressortis, manipulés, parfois démontés, voire même portés (prises de vue, défilés de modèles « historiques », etc.). C’est que leur statut est traditionnellement peu valorisé : ils ne sont que des documents de travail. Mais leur place a évolué récemment. Devenues patrimoniales (création de départements dits « Archives » ou « Héritage »), ces pièces historiques font désormais partie du discours de marque, devenues « pièces iconiques » porteuses de l’« ADN » de la maison. Expositions (blockbuster) ou musées privés (de marque) appartiennent aussi à cette stratégie de communication qui aime à valoriser la rareté et le caractère exceptionnel de telle ou telle entreprise, les productions anciennes étant dès lors promues au rang de « patrimoine ». La réponse des institutions culturelles elles-mêmes à ce discours de marque, avec l’organisation de manifestations au sein même des musées, fait partie des problématiques abordées ici : les musées participent-ils de ce discours ? Quelle est la place, la pertinence des expositions de mode dans les musées généralistes ? Une indépendance financière et donc discursive est-elle possible ?

Axe 4 : Collections « d’usage »

À l’inverse des normes internationales de conservation préventive, pratiquées dans les musées, qui vouent ces pièces à ne plus jamais frôler les corps pour lesquels ils ont été conçus, d’autres praticiens peuvent se permettre de renouer avec cette utilisation du patrimoine de mode. Chez les costumiers, les amateurs de reconstitutions historiques, les antiquaires spécialisés et les boutiques de mode vintage (d’occasion) : ce patrimoine est porté (à nouveau). Pour quels usages ? Quelles démonstrations ? Quelle relation vivante existe-t-il entre ces œuvres et les personnes qui les portent ? Quel rapport intime à ces objets se trouve ainsi dévoilé ?

Modalités de soumission

Les articles proposés devront contenir une part inédite de recherche, d’hypothèse ou de mise à jour ; ils ne sauraient reprendre la totalité d’un article déjà paru. Il est souhaité qu’ils soient largement illustrés, y compris par des exemples sonores et/ou audiovisuels.

Si vous souhaitez contribuer à ce numéro, nous vous remercions d’envoyer avant le 15 avril 2022 un résumé de votre proposition de 1500 signes au maximum, ainsi qu’un court CV par courriel — insitu.patrimoines@culture.gouv.fr — ou par voie postale :

Ministère de la Culture
Direction générale des Patrimoines
Revue In Situ à l’attention de Nathalie Meyer, 6 rue des Pyramides – 75001 Paris

Envoyer une copie de votre proposition à :
Alexandra Bosc : alexandrabosc@gmail.com
Anne Monjaret : anne.monjaret@ehess.fr

Les textes des articles correspondant aux propositions retenues sont attendus pour le 15 septembre 2022. Vous pourrez rédiger votre article en français ou dans votre langue d’usage. Ils seront publiés dans leur version originale et dans leur traduction française. La taille des articles sera comprise entre 15 000 et 35 000 signes espaces et notes compris.

Les recommandations aux auteurs concernant le nombre de pages ou d’images, les droits de l’iconographie, l’insertion de notes et de liens, etc., sont consultables sur : https://journals.openedition.org/insitu/34172

La rédaction de la revue In situ. Revue des patrimoines.

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