La date limite de remise des propositions a été décalée au mercredi 25 janvier 2023.
La notion d’autonomie est centrale pour appréhender l’œuvre d’art au moins depuis l’essor de la philosophie esthétique au XVIIIe siècle. Elle constitue une donnée majeure de l’histoire de l’art du siècle dernier, au point que le critique Clement Greenberg put en faire la clé de son approche formaliste de la peinture moderniste. A contrario, certains théoriciens tel Peter Bürger (Theorie der Avantgarde, 1974) ont perçu l’offensive menée par les artistes contre l’autonomie de l’art comme le dénominateur commun de l’avant-gardisme.
Ces débats, apparemment circonscrits à la sphère esthétique, invitent pourtant à formuler un constat plus général : si la notion d’autonomie est disputée, c’est qu’elle renvoie à des significations multiples dans les différents domaines des sciences humaines et sociales. Elle peut concerner l’art ou l’esthétique (par rapport aux champs politique, social, moral ou encore religieux), les œuvres d’art elles-mêmes (leur référentialité et, plus largement, leur vie propre – en ce sens elle renverrait aussi à leur réception), l’artiste (dont il conviendrait de lire l’histoire à l’aune de celle de l’avènement de l’individu ou encore, par exemple, à partir de sa définition romantique, plus tardive) et enfin l’histoire de l’art (comme discipline autonome), toutes périodes et aires géographiques confondues. En parallèle de contributions sur les XIXe et XXe siècles qui semblent au premier chef concernés, la revue souhaite donc proposer aux spécialistes de l’histoire de l’art moderne, de la Renaissance, du Moyen Âge et de l’Antiquité de sonder la préhistoire de cette notion partout où l’ordre politique, les structures religieuses et les dynamiques culturelles et sociales ont façonné ou présagé ses définitions contemporaines.
La rédaction invite les contributeurs, en portant leur attention sur les contextes aussi bien extra-occidentaux qu’européens, à repenser l’autonomie avec, pour toile de fond, les déplacements intervenus dans le champ intellectuel au cours des dernières décennies, suivant cinq axes principaux qui constituent autant de pistes de réflexion à partir desquelles des propositions de contribution pourront être formulées :
- Il s’agit en premier lieu de réfléchir aux conditions d’application actuelles de l’autonomie en histoire de l’art, à partir des questions apparues d’abord dans le champ de la sociologie institutionnelle. Tout en produisant une critique de cette notion, Andrea Fraser a par exemple souligné la centralité que revêt toujours l’autonomie dans l’art contemporain, en tant qu’indépendance des œuvres visuelles « vis-à-vis de toute rationalisation, de tout usage ou de toute fonction spécifique, qu’ils soient d’ordre moral, économique, politique, social, matériel ou émotionnel » (dans Alberro, 2005, p. 56). Dans quelle mesure ce besoin de conceptualiser s’est-il ou non généralisé ? Quelles définitions disciplinaires nouvelles, quelles notions situées de l’autonomie sont apparues, et par quels canaux ?
- Ce numéro souhaite aussi interroger le versant esthétique de ce concept, et travailler à un inventaire de l’héritage de la critique d’art formaliste. Comment les formes artistiques ont-elles accompagné ou refaçonné l’idée d’autonomie, passée de la peinture moderniste défendue par Greenberg à la sculpture minimale, puis à la photographie contemporaine ? Et que reste-t-il de l’utopie de l’autonomie esthétique moderniste, entendue comme levier d’émancipation du spectateur ?
- Du point de vue de l’histoire de la discipline, il s’agit de consacrer un axe à l’autonomie de l’histoire de l’art, mais aussi à celle de l’archéologie, des études photographiques et cinématographiques, etc., en tant que savoirs disciplinaires indépendants et spécialisés, en particulier à l’aune des transformations récentes de leurs champs de recherches (appels récurrents à l’interdisciplinarité, importation des studies anglo-américaines, nouvelles méthodes et approches, etc.).
- Parallèlement, un axe de réflexion spécifique sera consacré à la dimension politique de la notion d’autonomie appliquée à l’art. Plusieurs fois dans l’histoire, des mouvements artistiques, des artistes, des architectes ou même des historiens de l’art se sont approprié les formes et/ou les discours de certains courants idéologiques ou politiques, et ont tissé des liens avec eux – pensons par exemple aux artistes et théoriciens liés au marxisme ouvriérisme italien, à partir des années 1960 (Galimberti, 2022). Toutefois, l’histoire de l’autonomie politique en art se limite-t-elle à ces seuls usages circonscrits et revendiqués ? Peut-on envisager plus largement les jalons de son histoire ?
- Nous souhaiterions enfin aborder, à partir des nouvelles formes d’autonomie de l’imagerie induite par les technologies actuelles, la dimension technique de cette question (savoir-faire artistiques, statut de l’œuvre d’art, auctorialité, etc.). Le cinéaste Harun Farocki l’a souligné très tôt avec son concept d’« image opérationnelle » : le visible est devenu un terrain que les machines organisent pour elles-mêmes. Cette « culture visuelle invisible » peut être un point de départ pour interroger, rétrospectivement, une histoire plus longue de l’autonomie de l’œuvre d’art et des images (Paglen, 2016).
Les auteurs veilleront à tenir compte de la réciprocité entre les objets et les idées : que nous enseignent une image, une œuvre, une forme sur les définitions de l’autonomie qu’elles convoquent ? Que nous apprend l’autonomie sur d’autres éléments du vocabulaire artistique (l’interactivité, l’immersion, …), politique (l’émancipation, l’autodétermination, …) ou savant (l’hétéronomie, la critique, …) ? Quel que soit le sujet proposé, les contributions doivent s’inscrire dans la ligne éditoriale de Perspective qui publie des bilans ou des essais historiographiques inédits sur des questions de fond et/ou relevant de l’actualité de la discipline au sein de la thématique envisagée. Les études de cas ne seront acceptées que dans la mesure où elles sont l’occasion d’aborder des questions critiques de portée plus générale concernant les approches, les orientations et les enjeux de la discipline histoire de l’art.
Perspective : actualité en histoire de l’art
Publiée par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) depuis 2006, Perspective est une revue semestrielle dont l’ambition est d’exposer l’actualité plurielle d’une recherche en histoire de l’art qui soit toujours située et dynamique, explicitement consciente de son historicité et de ses articulations. Elle témoigne des débats historiographiques de la discipline sans cesser de se confronter aux œuvres et aux images, d’en renouveler la lecture, et de nourrir ainsi une réflexion globale, intra- et interdisciplinaire. La revue publie des textes scientifiques offrant une perspective inédite autour d’un thème donné. Ceux-ci situent leur propos dans un champ large, sans perdre de vue l’objet qu’ils se donnent : ils se projettent au-delà de l’étude de cas précise, et interrogent la discipline, ses moyens, son histoire et ses limites, en inscrivant leurs interrogations dans l’actualité – celle de la recherche en histoire de l’art, celle des disciplines voisines, celle enfin qui nous interpelle toutes et tous en tant que citoyens.
Perspective invite ses contributeurs à actualiser le matériel historiographique et le questionnement théorique à partir duquel ils élaborent leurs travaux, c’est-à-dire à penser, à partir et autour d’une question précise, un bilan qui sera envisagé comme un outil épistémologique. Ainsi, chaque article veillera à actualiser sa réflexion en tissant autant que possible des liens avec les grands débats sociétaux et intellectuels de notre temps.
La revue Perspective est pensée comme un carrefour disciplinaire ayant vocation à favoriser les dialogues entre l’histoire de l’art et d’autres domaines de recherche, des sciences humaines notamment, en mettant en acte le concept du « bon voisinage » développé par Aby Warburg.
Toutes les aires géographiques, toutes les périodes et tous les médiums sont susceptibles d’y figurer.
Autonomie, no 2024 – 1
Rédaction en chef : Marine Kisiel (INHA) et Matthieu Léglise (INHA)
Numéro coordonné avec Maxime Boidy (université Gustave-Eiffel)
Voir la composition du comité de rédaction.
Prière de faire parvenir vos propositions – un résumé de 2 000 à 3 000 signes, un titre provisoire, une courte bibliographie sur le sujet et une biographie de quelques lignes – à l’adresse de la rédaction (revue-perspective@inha.fr) avant le 25 janvier 2023.
Perspective prenant en charge les traductions, les projets seront examinés par le comité de rédaction quelle que soit la langue dans laquelle ils seront rédigés. Les auteurs des propositions retenues seront informés de la décision du comité de rédaction en février 2023, tandis que les articles seront à remettre pour le 1er mai 2023. Les articles soumis, d’une longueur finale de 25 000 ou 45 000 signes selon le projet envisagé, seront définitivement acceptés à l’issue d’un processus anonyme d’évaluation par les pairs.
Accéder à l’appel à contributions en ligne et le télécharger.
Pour en savoir plus, consultez la page de la revue sur le site de l’INHA et parcourez Perspective en ligne ici.
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