Appel à publication : « L’audace : vertu, valeur » (n°11 de Savoirs en Prisme)
N°11 de Savoirs en Prisme dirigé par Florence Dumora, Caroline Julliot et Elisabeth Rothmund
Le mythe de Diogène disant à Alexandre « Ôte-toi de mon soleil » aussi bien que la légende du potache rendant, en guise de dissertation philosophique sur l’audace, la phrase unique « L’audace, c’est ça. » apparaissent comme des actes qui, significativement, méprisent l’ordre établi et la reconnaissance de l’autorité ; ils unissent la pertinence suprême et l’impertinence la plus désinvolte. Cette attitude de rupture, en même temps que fondatrice, peut servir de point de départ à la réflexion que nous souhaitons mener, dans le onzième numéro de Savoirs en Prisme, autour de la notion d’audace. L’audace est « un mouvement de l’âme qui porte à des actions extraordinaires au mépris des obstacles et des dangers » (Littré). Elle est franchissement d’une limite qu’on pensait infranchissable, et, dans l’idéal, le dépassement d’un système mort ou la régénération de celui-ci par un acte relevant d’une autre logique que celle qui y avait cours. Elle apporte une solution à un état de blocage que les moyens envisagés avant sa survenue ne permettaient pas de lever. Elle est indissociable de l’idée de prise de risque, de rupture – et ne peut donc jamais être assurée de sa réussite.
Dès l’époque latine, son acception oscille entre deux pôles opposés : dans son sens péjoratif, l’audace se place du côté de l’hybris et de l’inconscience, et elle est traditionnellement associée à la fougue de la jeunesse et à ses égarements ; dans son sens positif, elle est, au contraire, perspicacité, indépendance réfléchie, capacité à saisir l’occasion propice pour faire évoluer les rapports de force ou les idées. Quand elle tente de transgresser une limite qui effectivement s’avère insurmontable, elle aboutit à un échec et on la juge vaine voire ridicule. Les actes qu’elle engendre sont, au contraire, actes de génie, réussites brillantes, lorsque la subversion qu’elle initie est, après-coup, reconnue, légitimée et intégrée à un nouvel ordre, qu’elle a elle-même contribué à instaurer.
Pas étonnant donc que, portée par l’esprit critique, elle soit considérée comme moteur du Progrès : Sapere aude ! La formule d’Horace, reprise par Kant comme devise des Lumières, renvoie au courage de rompre avec les allégeances anciennes pour accéder à l’autonomie. Car l’audace ne saurait se confondre avec une simple provocation : elle ne s’oppose pas aux cadres préexistants par esprit de contradiction ; elle détruit pour construire. Visionnaire, elle se libère des carcans du passé pour fonder l’avenir. Elle constitue donc la valeur privilégiée d’un monde épris d’innovation et d’énergie – et, peut-être, d’autant plus brandie en étendard à des époques de crise, où le sentiment prégnant de décadence le dispute à l’espoir d’un renouveau. « De l’audace, toujours de l’audace ! », clamait Danton.
On ne compte plus aujourd’hui les références et les appels à l’audace, dans les champs les plus divers de l’expérience : en politique, en science, en stratégie militaire, en technologie, en philosophie, en art, etc. L’audace apparaît de nos jours comme une « valeur montante », revendiquée par les courants et les milieux les plus divers. Expression la plus aboutie de la volonté personnelle, l’audace, qualité extraordinaire du héros, semble être devenue, à l’ère de l’individu triomphant, la chose du monde la mieux partagée… jusqu’à servir d’alibi au conformisme ?
On pourra s’interroger, dans ce numéro, sur les enjeux et l’utilisation de la notion d’audace :
– Historicité de la notion : comment l’audace a-t-elle été perçue, définie? En quoi l’acte audacieux a-t-il été érigé comme fondateur, voire comme modèle ?
– Renouveau : par sa nature spirituelle et intellectuelle, l’audace est une capacité à élaborer tout objet conceptuel en rupture ou bien constituant une proposition ou une solution.
– Enjeux de la représentation : Peut-on mettre en scène des personnages, des attitudes ou des idées audacieuses sans l’aval du pouvoir – politique, moral ou social ?
– L’audace en art : L’audace dans la forme n’est-elle pas devenue une injonction prioritaire pour l’artiste – autrement dit, un nouveau conformisme ?
– Discours et stratégies : quels rapports le pouvoir et l’ordre dominant entretiennent-il avec l’audace ?
Instructions aux auteurs :
Les propositions d’articles (une quinzaine de lignes maximum) devront préciser l’axe (ou les axes) au(x)quel(s) elles se rattachent et seront suivies d’une courte notice biographique incluant l’affiliation et l’adresse électronique de l’auteur(e). Elles sont à envoyer aux responsables du numéro pour le 15 décembre 2018, aux trois adresses suivantes conjointement:
– Florence.dumora@univ-reims.fr
– Caroline.Julliot@univ-lemans.fr
– elisabeth.rothmund@web.de
Langues acceptées : français, espagnol, portugais, anglais.
Échéancier pour la rédaction de l’article proprement dit :
• Extension : 50.000 signes maximum (espaces, notes et bibliographie comprises)
• Date de la réponse aux propositions : 15 janvier 2019
• Date de remise du texte : 15 mai 2019
• Les évaluations anonymes seront envoyées aux auteurs courant septembre 2019
• Envoi des textes révisés par les auteur(e)s et mis aux normes: 15 novembre 2019
• Décembre 2019- Janvier 2020 : parution du numéro 11 de la revue en ligne Savoirs en Prisme.
Les normes de mise en forme sont disponibles sur le site de la revue :
https://savoirsenprisme.com/note-aux-auteurs/
Site web de la revue : https://savoirsenprisme.com/
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