Les arts face à l’Histoire : s’il est un siècle qui affronte cette question sur le mode de la crise, c’est bien le XIX° siècle, lui qui s’ouvre sur un doute, celui de Théodore Géricault témoignant, dans son unique tableau d’histoire, Le Radeau de la Méduse, de son hésitation quant à la possibilité pour les artistes de dire encore l’Histoire, et se ferme sur un enterrement, celui de la peinture à sujet historique, ensevelie par la photographie dans les tranchées de la Grande Guerre. Mais la crise de la peinture d’histoire ne signifie pas la fin de l’Histoire, ni même de sa représentation. Ce qui ne se formule plus nécessairement via le Grand Genre, ne cesse de ressurgir, sous d’autres formes : peinture de genre à sujet historique, estampes, monuments publics, photographie, et même là où on ne l’attend pas, dans une peinture de paysage qui se pense comme relève d’une Histoire défaillante.
C’est précisément afin de penser cette relation particulière, en temps de crise, entre les arts et l’Histoire, que nous proposons d’organiser ce numéro en privilégiant les thématiques suivantes :
– 1. La question des genres. Il s’agira d’historiciser la crise de la peinture d’histoire en mettant au jour ses différents « moments » au sein d’un long XIX° siècle. Il faudra aussi, en relation avec cette crise, penser le rôle des genres dits « mineurs » dans la relation des arts à l’Histoire, et, notamment de la peinture de genre à sujets historiques.
– 2. Une attention particulière sera portée à la question des « images », illustrations gravées ou photographiques, comme médiums en concurrence directe avec la peinture par leur capacité à « montrer » l’Histoire. Avec l’illustration, c’est aussi le rapport avec le texte, notamment, tel qu’il se joue dans l’espace du livre, que nous souhaitons aborder. La gravure et la lithographie, la question de la vignette, sont évidemment essentielles, pour explorer, au sein de l’espace du livre, la contribution des différents médiums, séparément et ensemble, à une écriture globale de l’Histoire.
– 3. Avec l’histoire va la nation, et les questions indissociables de la peinture nationale (mais aussi de la sculpture, via le monument public) et de l’art du passé comme modèle et matière pour la peinture du présent. La question des scènes, de la géographie, des rapports centre/périphérie, en est l’annexe.
– 4. La scénographie de l’histoire : L’histoire est un théâtre, au sein duquel le peintre place des personnages historiques, soit appartenant à un même temps ou un même événement, soit appartenant à des temporalités différentes. Il s’agit, notamment en insistant sur les relations fortes entre peinture et spectacle (théâtre, opéras, opérettes etc.) de montrer quel imaginaire scénique nourrit la mise en scène de l’Histoire.
– 5. Histoire et paysage, ou l’Histoire ensevelie : la crise généralisée de la hiérarchie des genres, telle qu’elle se développe au sein du Romantisme pour triompher dans le second XIXesiècle, voit triompher des genres a priori peu enclins à figurer l’Histoire. C’est le cas notamment de la peinture de paysage. Néanmoins, nombre de paysages sont porteurs, sur un mode qui joue entre visibilité et enfouissement, de traces (ruines, sous-sols suggérés, tombeaux, restes archéologiques affleurant ou justes signalés…) signifiant que le paysage est, à certains égards, le cénotaphe d’une Histoire disparue. On s’attachera à étudier ces œuvres qui témoignent d’un enfouissement de l’Histoire dans d’autres genres qui prennent ainsi, singulièrement, sa relève.
Le but de ce dossier ne sera bien sûr pas seulement de faire un inventaire des différentes modalités du rapport entre art et histoire, mais, de façon synthétique et dialectique, de les mettre en regard les unes les autres, afin de dégager la singularité de leur dialogue au XIXe siècle.
Les propositions d’articles sont à adresser à Pierre Wat (pierre.wat@wanadoo.fr), le 31 mai au plus tard ; les articles (30 000 signes, espaces et notes compris) seront à remettre avant la fin de l’année 2014.
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