La revue Textyles, revue interuniversitaire des lettres belges de langue française, publiera en 2012 un dossier Littérature et photographie.
L’étude des liens qui se sont progressivement tissés, depuis le dix-neuvième siècle, entre la littérature et la photographie – que ce soit sous la forme d’un thème ou de pratiques croisées – constitue un domaine de recherche encore relativement nouveau. Ce n’est en effet que depuis une dizaine d’années que la question de la photographie a véritablement acquis droit de cité dans le champ de la critique littéraire francophone, avec la publication d’Imageries. Littérature et image au xixe siècle (2001), de Philippe Hamon, Photographie et langage (2002), de Daniel Grojnowski, et La Littérature à l’ère de la photographie (2002), de Philippe Ortel – trois ouvrages s’attachant à définir de quelles façons les hommes de lettres ont réagi à l’émergence d’une nouvelle culture visuelle, perturbant leur traditionnel face à face avec l’art pictural. Depuis lors, paraissent chaque année de nouvelles monographies concernant l’impact de l’invention de la photographie sur la littérature, ainsi que les actes des différents colloques ayant été consacrés à cette question : Jardins d’hiver, Littérature et photographie (Garnier : 1997), Traces photographiques, traces autobiographiques (Méaux, Vray : 2004), La Photographie au pied de la lettre (Arrouye : 2005), La Littérature à l’ère de la reproductibilité technique (Piret : 2007), Littérature et Photographie (Montier, Louvet, Méaux, Ortel : 2008).
Certains écrivains belges de langue française sont bien représentés dans ce domaine de recherche : nous pensons à Georges Rodenbach et à Maurice Maeterlinck pour la période symboliste, aux surréalistes bruxellois (Paul Nougé, en particulier) et, pour la littérature contemporaine, à Jean-Philippe Toussaint. L’objectif du présent dossier est d’étudier la question des relations entre littérature et photographie dans toute l’histoire des lettres belges et, cela, à partir de quatre axes de réflexion prioritaires :
1) La photographie souligne le caractère médiat, fictionnel, du langage
Étant le produit de l’impression de rayons lumineux émis par un objet sur une pellicule (ou un capteur) sensible, l’image photographique apparaît comme un signe substantiellement lié à la chose qu’il désigne. Aussi souligne-t-elle par contraste le caractère médiat, différentiel, fictionnel, du langage verbal. Cette définition de l’image photographique (significativement élaborée au moment où l’intérêt pour les études structuralistes commençait à s’essouffler, mais cependant prégnante dès l’invention de la photographie) offre avant tout un « objet théorique » idéalisé (Krauss, Le Photographique, 1990 : 12) auquel les écrivains vont répondre de diverses façons. À ce titre, le paradigme photographique est susceptible de questionner la crise du langage survenue dans le domaine des lettres vers la fin du dix-neuvième siècle, crise dont les effets se font ressentir jusqu’à nos jours.
2) La littérature invente ses propres « fictions photographiques »
Nous renvoyons ici aux travaux de Jérome Thélot (Les Inventions littéraires de la photographie, 2003) et de Paul Edwards (Soleil noir. Photographie et Littérature, 2008). Les recherches que ces derniers ont effectuées ont montré que les écrivains ont également inventé leurs propres discours sur la photographie et ont de cette façon influencé notre manière de la concevoir, sinon d’en faire usage.
3) Photographie et expérience d’écriture
Il s’agit ici de questionner l’intérêt manifesté par certains écrivains pour la photographie dans le cadre de leur travail d’écriture. La photographie constitue par exemple un lieu commun des récits autobiographiques – qu’il s’agisse d’écrire à partir de photos-souvenirs témoignant d’une histoire familiale ou de créer des dispositifs où se côtoient le texte et l’image. Depuis son invention, la photographie a ainsi nourri, de façons très diverses, la création littéraire : il serait opportun d’analyser les usages qu’en ont fait les écrivains.
4) La littérature à l’ère de la reproductibilité technique
Il convient enfin d’interroger les effets de la révolution photographique sur la conception de l’écriture : de même que la photographie dépend d’un acte technique qui fait passer au second plan la fonction de l’artiste (et, partant, sa signature), l’écriture peut être considérée comme un acte et le langage, comme un matériau étranger que l’on manipule pour obtenir certains effets : immédiateté, objectivité, par exemple.
Numéro dirigé par Nathalie Gillain (nath_gillain@hotmail.com) et Pierre Piret (pierre.piret.rom@uclouvain.be).
Les propositions de contribution sont à adresser aux responsables du numéro pour le 15 octobre 2011.
Les articles (maximum 25.000 signes, espaces compris) son attendus pour le 1er mars 2012.
Textyles, revue des lettres belges de langue française, est une revue universitaire, qui paraît deux fois par an, sous la forme de volumes d’environ 150 pages, comprenant un dossier consacré à une oeuvre ou à une problématique, des varias, des comptes rendus d’ouvrages critiques et une bibliographie exhaustive des publications critiques de l’année écoulée dans le domaine des lettres belges. Elle constitue ainsi un véritable organe de synthèse pour la recherche, la documentation et l’enseignement des lettres belges, en Belgique et à l’étranger.
http://www.textyles.be
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.