La série bien connue de papiers découpés Nus bleus I-IV, exécutée par Matisse (en avril 1952) et largement vulgarisée par les posters, a ceci de très remarquable, sinon de troublant, que le dernier, Nu IV ressemble à un patchwork de morceaux aux découpes disparates, ébréchées et largement disjointes qui s’écarte résolument de la composition des trois autres dont les pièces sont beaucoup plus homogènes et mieux ajointées avec les blancs. Commencé le premier et terminé (en dernier) après un long travail dont il garde les multiples traces au fusain — « quand je travaille, c’est vraiment un sorte de cinéma perpétuel » —Nu IV atteste que Matisse était habité dès le départ par un problème dont les premières solutions ne le satisfaisaient pas vraiment. L’état démembré et quasi implosif de ce nu permet de saisir sur le vif que Matisse lui-même était divisé et que sa recherche tendait plutôt qu’à produire simplement « une suite d’images » à s’extraire aussi de la simple production de variations formelles sur un thème pour défaire de l’intérieur et en forces les images esthétiques et sortir, du même mouvement, de la Forme-Art. C’est en conquérant sur les murs une décorativité architecturale, expansive et quasi cinématique que les papiers découpés de Matisse y parviendront le mieux et trouveront leur portée la plus radicalement neuve.
Jean-Claude Bonne (EHESS), La répétition disruptive
Mardi 20 mai 2014 à 18h30
Centre Allemand d’Histoire de l’Art
Salle Julius Meier-Graefe
Hôtel Lully, 45 rue des Petits Champs
75001 Paris
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