Appel à communication. Journée d’étude
Images et imaginaire du tourisme :
à la recherche d’une « authenticité » dans les espaces coloniaux et métropolitains (XIXe-XXe siècles)
Université de Toulouse-Jean Jaurès
Date : 9 novembre 2018
Date limite d’envoi : 21 septembre 2018
Organisation
Marlène Lespes (docteure et ATER en histoire de l’art contemporain) et Steve Hagimont (docteur et ATER en histoire contemporaine). FRAMESPA UMR 5136, thématique 3
Comité scientifique
Nicolas Meynen (Maître de conférences en histoire de l’art contemporain, Université de Toulouse-Jean Jaurès), Jean Nayrolles (professeur d’histoire de l’art contemporain, Université de Toulouse-Jean Jaurès), Vincent Vlès (professeur d’urbanisme, Université de Toulouse-Jean Jaurès), Evelyne Toussaint (professeur d’histoire de l’art contemporain, Université de Toulouse-Jean Jaurès), Jean-Michel Minovez (professeur d’histoire contemporaine, Université de Toulouse-Jean Jaurès).
La colonisation n’est pas un système monolithique : les études postcoloniales ont montré depuis les années 1990 toute l’importance d’appréhender la colonisation dans ses différents temps et ses différents champs coloniaux pour en saisir les particularités locales et les évolutions. Des comparaisons ont ainsi émergé entre les différentes colonies, les empires coloniaux, les points de vue des colonisés et des coloniaux, mais aussi entre les métropoles et les colonies. Ce dernier rapprochement nous semble particulièrement intéressant à creuser ; nous souhaiterions ici étudier les représentations des colonies et des régions métropolitaines françaises afin de voir si les mêmes mécanismes de production de représentations (picturales et conceptuelles) sont à l’œuvre dans ces deux espaces.
Créateur d’image sur « l’ailleurs », le tourisme représente une voie d’entrée pertinente pour cette confrontation. Les études sur le tourisme permettent en effet d’examiner les rapports à l’altérité (sociale et culturelle) et à la nature ainsi que leurs modes de valorisation économique, la pénétration, l’aménagement des espaces, ou encore les circulations matérielles et idéelles dans le monde.
Dans le cadre de cette journée d’étude, nous nous proposons d’examiner de quelles manières les acteurs du tourisme utilisent l’authenticité comme une sorte d' »appât » touristique, que ce soit dans les colonies ou dans les régions métropolitaines, pour répondre aux désirs d’ailleurs des touristes autant que pour les susciter, en tout cas pour en tirer de la renommée et des revenus.
La notion d’authenticité est en effet une notion-clé pour comprendre l’intérêt porté par les touristes aux lieux qu’ils visitent : la recherche d’authenticité, c’est-à-dire de la non « altération » par la modernité de certaines entités humaines ou non humaines (« culturelles » ou « naturelles »), sans être le seul moteur du tourisme, en est l’un de ses principaux. La construction du mythe de « l’autre » authentique peut être rapprochée d’autres notions comme l’exotisme, le typique ou le traditionnel. Lorsqu’elle s’impose en tant que bien commun hérité et à conserver, la notion d’authenticité voisine aussi avec celle de patrimoine.
L’authenticité fonctionne en première approche comme une assignation identitaire extérieure. On la recherche comme un moyen de ressourcement et de prise de recul sur la marche du monde. Mais, par une certaine violence symbolique, on voit aussi potentiellement dans ce qui est authentique un archaïsme ou une routine, un barbarisme certes divertissant, mais que l’on ne saurait tolérer en dehors de ses espaces circonscrits (comme les montagnes, certaines zones rurales ou les colonies). Lorsqu’elle est assignation extérieure, cette authenticité invite à voir comment réagissent les populations concernées : l’authenticité peut se faire source de conflit. En seconde approche, et les dernières décennies regorgent de ces exemples, l’authenticité est aussi un marché porteur : mettre en scène son authenticité permet de se distinguer, d’attirer les regards extérieurs et d’inviter éventuellement à la consommation.
Cette dépaysante authenticité, qu’elle soit ou non chargée de valeurs positives et par-delà sa relativité, repose souvent sur des choses perçues comme immémoriales et simples, non perverties par le lucre et peu marquées par l’artifice : des villes anciennes, des populations modestes, des environnements sauvages. Ce n’est pas sans paradoxe qu’un objet touristique, donc marchand, peut être vu et présenté comme authentique. Ce paradoxe est le propre de l’authenticité parce qu’elle est une actualisation sans cesse renouvelée d’objets qu’une société se donne comme immuables, mais aussi parce qu’elle est créatrice de valeurs autant symboliques qu’économiques.
Depuis la fin du XVIIIe siècle, l’authenticité nourrit le tourisme en même temps qu’elle se réinvente avec le développement de cette pratique. Des acteurs exogènes, mais aussi endogènes cherchent à mettre en scène l’authenticité des monuments, des populations et des sites locaux, à travers des guides touristiques, des affiches, des aménagements architecturaux ou paysagers, des folklorisations de pratiques… Par ailleurs, des espaces sont particulièrement associés à l’authenticité. En France, ce sont les montagnes en général et certains espaces ruraux comme la Provence ou la Bretagne. Dans les colonies, outre quelques groupes minoritaires comme les Berbères, certains sites semblent cristalliser les attentes, à l’exemple des médinas du Maghreb.
Plusieurs thèmes pourront être abordés lors de cette journée d’étude :
1) les producteurs des représentations touristiques en métropole et dans les colonies : qui sont-ils ? Quels liens s’établissent entre le développement de l’ethnologie, les mouvements folkloristes, certains acteurs de la protection de la « nature », les artistes et le tourisme de l’authenticité ?
2) la création des représentations de ces régions à des fins touristiques : quelle authenticité est valorisée par le tourisme ? Quand et de quelle manière l’authenticité apparaît-elle dans la promotion ou le « marketing » touristique ? De quelle manière l’architecture néo-régionale puis néo-traditionnelle propose-t-elle de valoriser l’authenticité ? Comment les sites métropolitains et coloniaux sont-ils aménagés pour générer de l’authenticité, qu’elle soit culturelle ou naturelle ?
3) la diffusion de ces représentations : quels médiums sont utilisés ? Comment se propagent les images, les conceptions sur telle région métropolitaine ou coloniale ? Ces représentations évoluent-elles dans le temps et dans l’espace ?
Ces interrogations ne sont pas limitatives ; d’autres pistes pourront être soulevées lors de cette journée d’étude.
Bibliographie indicative
Jean-Yves Andrieux, Patrick Harismendy et Alain Croix (dir.), Initiateurs et entrepreneurs culturels du tourisme (1850-1950) : actes du colloque de Saint-Brieuc, « Penser le développement touristique au XXe siècle », 2-4 juin 2010, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
Alain Babadzan, « Les usages sociaux du patrimoine », Ethnologies comparées [en ligne], printemps 2011, n°2, consulté le 9 août 2014. URL : [http://recherche.univ-montp3.fr/cerce/ré/a.b.htm].
Saskia Cousin, Les miroirs du tourisme. Ethnographie de la Touraine du Sud, Paris, Descartes & Cie, 2011.
Céline Cravatte, « L’anthropologie du tourisme et l’authenticité. Catégorie analytique ou catégorie indigène ? », Cahiers d’études africaines [en ligne], 2009/1 (n° 193-194). URL: [https://etudesafricaines.revues.org/18852].
Muriel Girard, « Imaginaire touristique et émotion patrimoniale dans la médina de Fès (Maroc) », Culture & Musées, n° 8, 2006, p. 61-88.
Muriel Girard, « Invention de la tradition et authenticité sous le Protectorat au Maroc », Socio-anthropologie [en ligne], 19 | 2006. [URL : http://socio-anthropologie.revues.org/563].
Habib Kazdaghli, Colette Zytnicki (dir.), Le tourisme dans l’empire français. Politiques, pratiques, imaginaires (XIXe-XXe siècles), Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 2009.
Gérard Lenclud, « La tradition n’est plus ce qu’elle était… », Terrain [en ligne], 9 | octobre 1987. URL : [http://terrain.revues.org/3195].
Jean-Pierre Lethuillier (dir.), Les costumes régionaux. Entre mémoire et histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
Johan Vincent, L’intrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.
Vincent Vlès, « Du moderne au pastiche. Questionnement sur l’urbanisme des stations de ski et d’alpinisme », Mondes du tourisme, n°1, 2010, p. 39-48.
Marie Wozniack, « Architectures des stations : bienvenue dans le grand disneyland alpin ! », in Philippe Bourdeau, Les sports d’hiver en mutation, Paris, Hermes Science publications Lavoisier, 2007, p. 99-110.
Les propositions de communication (2500 caractères espaces compris) doivent être accompagnées d’un court CV. Elles sont à adresser jusqu’au 21 septembre 2018 aux deux organisateurs de la journée d’étude : Steve Hagimont (steve.hagimont@univ-tlse2.fr) et Marlène Lespes (marlene.lespes@univ-tlse2.fr).
Tags : XIXe-XXe siècles ; patrimoine ; tourisme ; France ; histoire sociale ; art contemporain
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