Journée d’étude : « Images de la crise dans le dessin de presse »

Journée d’étude vendredi 9 novembre 2012- 9h30 – 18h- entrée libre

Images de la crise dans le dessin de presse Petit auditorium – hall Est Quai François-Mauriac – Paris 13

À l’occasion de ses 20 ans d’existence, l’EIRIS (Equipe Interdisciplinaire de Recherche sur l’Image Satirique) est invitée par la BnF pour permettre au monde de la recherche scientifique de rencontrer celui des dessinateurs de presse. Expérience inédite et originale porteuse de perspectives enrichissantes pour tous.

Images de la crise dans le dessin de presse

Depuis cinq ans, le mot « crise » tourne en boucle dans nos têtes, en résonance avec les médias qui commentent au jour le jour les conséquences mondiales de la Grande Récession financière partie des Etats-Unis. Mot court et sans ambiguïté, il inscrit en lui le « cri » du temps des peurs, il fait trembler quand surgissent hystéries collectives et restrictions budgétaires. Pour les économistes, les crises sont récurrentes. Elles prenaient la forme de disettes, famines, chômage, misère avant le XXe siècle. Elles sont plus complexes depuis, en lien avec les échanges rhizomiques internationaux. À côté des commentaires publiés dans la presse sur ces crises, les dessinateurs ont apporté leurs notes d’humour pour les traduire en images graphiques où se télescopent contradictions, indignations, dérisions.

L’objectif de la journée d’étude est de balayer quelques aspects du vaste champ iconographique engendré par l’idée de crise. La matinée permettra à cinq spécialistes de l’image satirique d’approcher le thème par des biais différents : analyses générales et synthétiques ou comment faire rire de la triste crise, gros plan sur des images symboles d’espoir et de rêve comme le « Père Noël » ou la « Colombe de la paix », approche d’œuvres de dessinateurs particuliers comme les Espagnols El Roto et Aleix Salo ou Georges Wolinski. L’après-midi donnera la parole à des dessinateurs venus d’horizons divers : Ramezani Kianoush, Dominique Lemarié, Nono, Pakman, Nicolas Vadot.

matin 9h30 > Martine Mauvieux (BnF) : Accueil et ouverture

9h45 > Ursula E. Koch (Univ. Munich) & Jean-Claude Gardes (Univ. Brest) : Caricature, caricaturistes et recherche universitaire : Les vingt ans de l’EIRIS

Introduction à la thématique

10h15 > Alain Deligne (Univ. Münster) : Crise(s), critique et Europe

Réflexions sur la caricature et les crises

10h45 > Bernard Bouton (dessinateur) : Comment les dessinateurs rendent-ils compte de la crise ?

11h > Margarethe Potocki (Univ. Clermont-Ferrand) : Le Père Noël est-il une ordure ? À propos de quelques dessins d’Angel Boligan

11h15 > Angelika Schober (Univ. Limoges-EHIC) : La colombe de la paix, un signe de crise

11h30-11h45 > Pause

11h45 > Isabelle Mornat (Univ. Paris XII) : Regards croisés de Salo et El Roto sur la crise espagnole

12h > Martine Mauvieux (BnF) : Les crises vues par Wolinski 12h15-12h30 > Discussion

Retrouver le programme et les informations sur bnf.fr

après-midi

Témoignages de dessinateurs sur leurs œuvres

14h30-17h

Pakman (Siné Hebdo, Bakchich…) : « J’y pense tous les jours en me rasant » ; modérateur : A. Poirier

Ramezani Kianoush (Courrier International…): «La corde et les ailes » ; modérateur : B. Bouton

Dominique Lemarié (France 3…): «Arrêt sur image dans le prétoire » ; modératrice : M. Mauvieux

Nicolas Vadot (L’Echo, Le Vif/Express…) : « Regard d’un dessinateur globe-trotteur sur la crise » ; modératrice : E. Leverrier

Nono (Le Télégramme…) : « Crises, presse, dessin et région » ; modérateur : J.C. Gardes

Débat avec la participation du dessinateur Pinatel (Le Trait) Comment les dessinateurs rendent-ils compte des évènements clés de l’actualité ? Impression des chercheurs en écoutant les dessinateurs témoigner de leur travail. Quel outil pour l’avenir de la recherche sur l’image satirique ?

 

Crise(s), critique et Europe

Alain Deligne

Nous nous proposons de penser par constellation la configuration crise(s)-critique-Europe, du mythe grec d’Europê à la situation grecque actuelle. Mais n’étant pas a priori des experts pour parler de la crise financière, se pose pour nous un problème de légitimation de compétence. On envisagera ainsi plusieurs possibilités de légitimation. Pour sa part, l’historien de la philosophie trouvera typique de l’Europe intellectuelle l’interprétation critique de sa propre tradition, qui peut cependant aussi la plonger dans des crises. Or, cet acte réflexif est lié au verbe krinein (qui signifie « juger », « faire la part des choses ») et dont on a tiré les concepts de krisis (« crise »), kritiké (la « critique ») et kritikos (le « critique »). Or, l’incessant mouvement de doute et d’ironie caractérisant le travail des caricaturistes, visible en l’occurrence dans le traitement de la crise financière actuelle, fait clairement apparaître une communauté de vues entre l’Europe et la caricature : toutes deux critiques par vocation se défieraient des certitudes. Constatation allant dans le sens du projet de Ridiculosa, qui est de faciliter des parallèles, des rapprochements entre les domaines de la recherche et de la création que l’organisation normale du travail scientifique tend à tenir séparés.

La crise économique vue par les dessinateurs de presse Faire rire et/ou faire réfléchir Bernard Bouton De façon générale, quelque soit le sujet, on peut trouver deux grandes catégories de dessins éditoriaux : – le dessin illustratif qui décrit simplement la situation, en tentant d’être drôle (par exagération ou tout autre procédé) – le dessin qui va un peu plus loin, en cherchant les tenants et les aboutissants du problème, en exprimant une opinion personnelle. Sur le thème de la crise on retrouve cette classification.

Le corpus de dessins provient de journaux mais aussi et surtout de catalogues d’expos récentes (2011-2012) sur le sujet. En effet plusieurs grands concours internationaux présentant une exposition ont récemment choisi le thème de la crise.

Le Père Noël – est-il une ordure ? A propos de quelques dessins d’Angel Boligan Margarethe Potocki Le Père Noël, ce vieux personnage légendaire, est très apprécié par les dessinateurs. De surcroît, il apparaît vers la fin de l’année lorsque le bilan du passé et la réflexion sur l’avenir sont au centre des préoccupations. Depuis 2007, il est de plus en plus utilisé dans le contexte de la crise économique et financière. La plupart des dessinateurs le présentent tantôt comme témoin, tantôt comme victime de la situation. Le Cubain Angel Boligan, va beaucoup plus loin. Il se sert de l’image du Père Noël et réussit, sans avoir besoin de paroles, par le seul graphisme, à montrer l’exagération de la consommation dans des temps de crise à l’occasion de la fête chrétienne. La crise économique pervertit même le Père Noël.

La colombe de la paix : un signe de crise

Angelika Schober

En temps de crise apparaît la colombe de la paix. Signe religieux à l’origine qui marque la fin d’un conflit, elle a mué en signe universel à caractère transculturel dont le champ d’action s’est considérablement élargi. Les caricaturistes du monde entier lui confèrent la tâche de commenter les crises et de mettre en garde contre ceux qui les provoquent. Il s’agit donc d’analyser par quels moyens précis ils agissent afin de dégager ce que l’on pourra appeler le lexique et la grammaire de la colombe.

Regards croisés sur la crise espagnole : El Roto et Aleix Saló

Isabelle Mornat

L’Espagne connaît actuellement une période de récession qui a débuté vers la fin de l’année 2007 : chômage (près d’un actif sur quatre est à la recherche d’un emploi), crise immobilière, crise bancaire, plans d’austérité. Dessinateurs de presse et humoristes graphiques ont dès le début de la crise montré leur intérêt pour une situation qui bouleverse l’ensemble de la société. A titre d’exemple, le salon d’humour social organisé par la FECO Espagne et l’Université d’Alicante a consacré ses dernières éditions à la crise avec des thèmes tels que « Crise de valeurs » en 2009, « Corruption » en 2010, « La politique et les politiques » en 2011, et enfin « Indignés » en 2012.

Parmi ces dessinateurs, deux artistes se distinguent par leur œuvre et leur style. Andrés Rábago (1947) connu sous le pseudonyme de El Roto publie ses vignettes dans le principal quotidien espagnol El País. Une sélection de ses dessins est parue sous le titre Viñetas para una crisis en 2011. Aleix Saló (1983) s’est fait connaître par le buzz de sa vidéo autour de son deuxième ouvrage Españistán publié en 2011 avec plus de cinq millions de visites. Il a renouvelé l’opération avec Simiocracia en 2012 qui traite, comme le précédent, de la crise espagnole.

Nous tenterons d’interroger la vision de la crise de dessinateurs qui représentent deux générations. Le travail d’Andrés Rábago a commencé dans les dernières années du franquisme tandis que les personnages d’Aleix Saló sont nés à l’ère numérique : comment représenter la crise, avec quels outils graphiques, quelles clés donner ? La satire résiste-t-elle au dévoilement didactique ?

La crise vue par Georges Wolinski

Martine Mauvieux

Au cours de l’été 2012, le public a pu découvrir ou redécouvrir 50 ans d’activité artistique de Georges Wolinski grâce à l’exposition qui lui a été consacrée à la BnF, site François Mitterrand. A cette occasion, il a été possible de percevoir l’extrême variété des recherches graphiques et thématiques de l’artiste. Dessinateur de presse dans Hara-kiri, il s’écarte de son style poético-surréaliste en mai 1968, pour relater les évènements politiques et sociétaux. L’esprit panique de Topor, les foules grouillantes de Dubout, les personnages cataplectiques de Bosc ou grinçants de Reiser ont nourri son imaginaire où se disputent absurde, cruauté et mélancolie. C’est un univers du paroxysme, de ces moments incertains au bord de l’explosion quand on redoute la mort. C’est l’image de la crise. Il est intéressant de voir que Wolinski a fréquemment illustré ce thème tout au long de sa carrière : des albums en sont nés : en 1985, Ah, la crise !, en 2009, De l’argent : la crise on s’en moque. On s’interrogera alors sur les moyens mis en œuvre pour traduire l’idée de crise : compositions, place du texte, intervention de la couleur, ressort humoristique.

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