L’histoire de l’art dans les concours des formations des maîtres

Quelle place l’histoire de l’art occupe-t-elle aujourd’hui dans les concours de formation des professeurs du second degré ? Afin de répondre à cette question, on a étudié les textes des « nouveaux concours » qui ont paru au Journal Officiel du 6 janvier 2010 (arrêté du 28 décembre 2009), et interrogé des collègues préparant au CAPES et à l’agrégation de lettres, de langues, d’histoire, et de philosophie.

D’emblée, on notera que deux disciplines seulement confessent une épreuve d’histoire de l’art ou d’histoire des arts  : les arts plastiques et la musique. La dénomination « histoire de l’art » est employée pour désigner l’épreuve d’admissibilité de l’agrégation d’arts plastiques, soit une dissertation en six heures reposant sur un programme limitatif. « L’ histoire des (autres) arts » apparaît dans le descriptif de la dissertation de l’agrégation de musique. Enfin, pour la première fois, il est fait référence à l’enseignement de « l’histoire des arts » à l’école dans la leçon du CAPES d’arts plastiques.
Bien que les textes définissant le contenu des nouveaux CAPES accordent à « l’image » une place considérable, ils ne mentionnent pas les méthodes requises. On constate que l’adjectif « iconographique », tantôt appliqué au terme « élément », tantôt au terme « document », revient à treize reprises dans l’arrêté. Les CAPES de langues régionales, de corse, de tahitien, de langues vivantes étrangères, de langue des signes française, les CAPES de lettres classiques et de lettres modernes comportent tous une leçon libellée comme suit :
« L’épreuve prend appui sur un dossier composé de documents proposés par le jury (…) Ces documents peuvent être des textes, des documents iconographiques, des enregistrements vidéo ».
Un collègue hispaniste, interrogé sur cette épreuve, nous a communiqué les informations suivantes : « Depuis les années 2000, les candidats au CAPES sont interrogés à l’oral sur un « bouquet de documents » qui comportent en général un texte littéraire et au moins une « image » (tableau, photo) ou une « séquence filmique ». Les UFR d’espagnol se sont donc mis à offrir à leurs étudiants des modules (souvent optionnels) sur « l’image fixe ou mobile ». En ce qui concerne la peinture, on mélange un peu histoire de l’art, iconographie et iconologie, souvent parce que les professeurs eux-mêmes ne font pas la différence ». L’agrégation d’anglais comporte également une épreuve d’admission intégrant l’étude d’un « document iconographique ». Selon une collègue angliciste, « l’épreuve hors programme à l’oral peut utiliser des éléments d’histoire de l’art puisque les candidats sont amenés à créer des liens entre trois documents (un texte littéraire, un texte de civilisation et une image, qui peut être un tableau). Les cours préparant à l’épreuve parlent donc beaucoup d’art, mais on ne peut pas aller jusqu’à dire qu’il s’agit véritablement de cours d’histoire de l’art… »
L’introduction du terme « iconographique » provient de la première réforme des CAPES mise en application dès 2001 (introduction de trois documents, dont un document « visuel » ou « iconographique » dans les épreuves d’admission). On insistera sur l’ambiguïté de la formule, et sur son caractère facultatif. Pour ne prendre qu’un exemple, les membres des jurys des concours de lettres ne retiennent pas de « document iconographique » pour la leçon.  En outre, des questions territoriales peuvent masquer une réalité disciplinaire. Le CAPES d’arts plastiques comprend une épreuve de « culture artistique », devenue  épreuve de « culture artistique et plastique » dans les nouveaux concours. Or, cette épreuve relève de l’histoire de l’art, bien que son intitulé ne l’indique pas. Il s’agit d’une dissertation en cinq heures s’appuyant sur un programme limitatif, et reposant désormais sur un dossier de cinq documents remis au candidat au moment du concours. Si l’épreuve proposée entre les années 2001 et 2010 pouvait légitimement susciter les réserves des historiens de l’art (analyse « comparée » de trois œuvres appartenant à des arts différents), les programmes limitatifs ne laissent planer aucun doute sur la discipline convoquée. Il suffit de mentionner les sujets proposés ces dernières années : la perspective du XVe au XVIIe siècle ou l’assemblage dans l’art contemporain.
L’intérêt suscité par les arts, bien qu’embrumé par le flou des formules employées, ­  trouve une dernière confirmation dans les programmes limitatifs des agrégations de langues vivantes (question de civilisation). Voici quelques programmes de l’agrégation d’italien : « L’action politique et culturelle de Laurent le Magnifique » (1997) ; « Saint François d’Assise et le franciscanisme dans la société, l’art,  et la littérature des XIIIe-XIVe siècles » (1999), « Giorgio Vasari : Le Vite de 1550 » (2001), « Benvenuto Cellini : La Vita » (2009). L’année dernière, le jury d’agrégation d’espagnol a proposé un programme portant sur  les validos (les « favoris ») à l’époque des derniers Habsbourg en précisant : « on sollicitera les représentations instrumentalisées du pouvoir du roi et de son valido véhiculées par la peinture ».

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