Parution : Un nouvel ouvrage sur les dessins des Clouet

Alexandra Zvereva, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Paris, Arthéna, paru le 4 avril 2011 ; préface de Denis Crouzet (thèse qui a obtenu le prix Nicole en 2006).

Présentation de l’éditeur :

Les portraits dessinés de la Renaissance française fascinent toujours, qu’on les nomme « Portraits au crayon », « portraits aux deux crayons », tout simplement « crayons » ou bien « Clouets », du nom de Jean et François Clouet, artistes qui semblent résumer à eux seuls cet art subtil et merveilleux. Le spectateur d’aujourd’hui est surpris par leur sobriété et la rigidité des poses, invariable- ment les mêmes d’une effigie à l’autre, mais il est surtout saisi par l’incroyable présence de ces gentilshommes et de ces dames d’un autre âge, subjugué par l’intensité de leurs visages sereins et la force de leurs regards. La vie paraît habiter chaque trait de pierre noire ou de sanguine qui court sur le papier, animer chaque ligne que les virtuoses portraitistes des derniers Valois savent faire incisive ou épaisse, précise ou floue, tendue ou calme.

Et cependant l’histoire des crayons reste à faire, car, à l’exception de quelques catalogues d’expositions, aucun ouvrage ne leur a encore été exclusivement consacré. Depuis les grands travaux menés au début du XXe siècle par Moreau-Nélaton et Dimier et malgré leurs nombreuses inexactitudes, l’histoire de l’art a en effet pris l’habitude de ne jamais séparer ces dessins des portraits peints, réduisant leur rôle à celui d’esquisses préparatoires et les comparant sans cesse aux photogra- phies actuelles, perplexe face à leur grand nombre et à leur apparente similitude. De même, tout en concédant depuis peu à Catherine de Médicis un intérêt pour les portraits, la critique passe généralement sous silence la véritable passion de la reine pour ce genre typiquement français qu’étaient les crayons. Passion qui l’amena à réunir une remarquable collection de portraits dessinés des deux Clouet, la plus belle et la plus complète qui ait jamais existé. Transportée à Florence par Christine de Lorraine, retrouvée au XVIIIe siècle par le peintre Ignazio Enrico Hugford, dispersée, oubliée, cette collection s’avère pourtant une source précieuse et inestimable, un véritable accès au monde secret et complexe du portrait au crayon qui se dérobe à toute analyse purement stylis- tique ou chronologique.

Grâce à cette collection reconstituée et cataloguée, se découvrent ainsi les origines de cet art exquis porté par le génie de Fouquet, Perréal, Clouet et la volonté du Très Chrétien, mais aussi son évolution inextricablement liée à la faveur royale et à l’essor de la noblesse de cour, son émancipation précoce de la peinture, son pouvoir inégalé de figurer les « vrais traits » des êtres. En somme, c’est toute une culture de représentation dans la France renaissante qui redevient visible à travers ces fragiles feuilles : l’imaginaire privé du temps de Charles VIII et celui, éclatant et soigneusement codifié, des règnes de François Ier et d’Henri II, la place privilégiée des portrai- tistes attachés au service royal, la résistance de l’art du portrait à toute influence italienne, l’interdépendance de la création artistique et de la politique.

Paradoxalement, cette approche historienne permet également de retracer les carrières et les biographies des artistes, reconsidérer leur œuvre, revoir l’attribu- tion, l’identification et la date de chaque portrait replacé ainsi dans le contexte même de sa réalisation. Elle rend surtout aux crayons leur indépendance, leur signification et leur mémoire, afin qu’ils témoignent des splendeurs, des aspirations et des tensions de la plus brillante cour d’Europe, du grand sens de l’imaginaire et de l’éton- nante sensibilité artistique de François Ier, du talent des Clouet de montrer bien plus que l’apparence de leurs modèles, et, enfin, des inclinations, des espoirs et des doutes d’une Médicis sur le trône de France.

Note : Ce volume accompagne une exposition présentée au musée Condé (château de Chantilly) du 23 mars au 27 juin 2011, qui présentera plus de 150 dessins de la collection de Catherine de Médicis.

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