Séminaire : « Questionner la photographie imprimée » (Paris, novembre 2012-février 2013)

QUESTIONNER LA PHOTOGRAPHIE IMPRIMÉE
POUR UNE HISTOIRE DE SES PRATIQUES ET DES USAGES À L’ÈRE DE SA « DÉMATÉRIALISATION »

L’image imprimée est un des champs les plus dynamiques de la recherche en histoire de la photographie aujourd’hui. Les images photographiques ont été vues et ont circulé non seulement sous la forme de tirages photographiques mais aussi par le biais de divers supports imprimés : planches individuelles ou en séries, livres, journaux, magazines, cartes postales, affiches. Ces moyens de diffusion liés à la réplication photomécanique, et longtemps négligés par les historiens de la photographie, constituent un aspect crucial pour considérer l’histoire culturelle de la photographie. En effet, l’étude des objets photographiques imprimés est certainement aussi essentielle pour comprendre la pratique et la réception de la photographie au cours des XIXe et XXe siècles que l’est pour l’époque contemporaine la  prise en compte de la circulation numérique des photographies et de leur perception par l’écran. Ainsi, en commençant à partir du milieu du XIXe siècle, nous nous interrogerons sur les enjeux de la traduction de l’image photographique par l’impression à l’encre.
Le séminaire donnera un aperçu historique du sujet en abordant des études de cas précis en lien avec la recherche actuelle. Les livres et les périodiques — de même que l’élaboration de méthodologies adaptées à l’étude de ces objets complexes — attireront tout particulièrement notre attention. Nous étudierons les motivations et les innovations techniques qui ont marqué l’histoire de la photographie imprimée, tout comme les pratiques et les usages qui l’ont structurée, nous intéressant aux notions de reproductibilité et de pérennité de l’image ; aux liens entre textes et photographies ; à la commercialisation de ces objets et à leurs publics (visés ou réellement touchés) ; ainsi qu’à la mutualisation des savoir-faire qui marque souvent la conception et la production des objets photographiques imprimés.

Séminaire co-animé par Laureline Meizel (Paris 1-HiCSA) et Kim Timby (EHESS-CRAL), se réunissant le mercredi de 11 h à 13 h à l’EHESS (salle Lombard, 96 bd Raspail, 75006 Paris), du 7 novembre 2012 au 20 février 2013

 

PROGRAMME DES SÉANCES

7 novembre 2012
Introduction

21 novembre 2012
Céline Assegond, ingénieur de recherche, Université François-Rabelais, Tours
L’usine révélée par la photographie imprimée (1900-1915) : production, circulation et appropriation des images du monde du travail

La photographie du travail usinier qui se développe à partir des années 1880 connaît, par l’entremise de la photographie imprimée, un formidable essor dans le premier quart du XXe siècle. Par la commande d’albums et de cartes postales, les entrepreneurs assurent désormais la promotion de leur établissement à une plus grande échelle, en même temps que les ouvriers peuvent s’approprier et faire circuler leur image en travailleur.

28 novembre 2012
Véronique Boone, chargée de cours, ULB, Bruxelles, et doctorante, ENSAP, Lille
Les photographes au service de l’architecte : la photographie imprimée dictée par Le Corbusier

De 1922 à 1940, la représentation de l’oeuvre de Le Corbusier et Pierre Jeanneret était caractérisée par un processus de contrôle et de manipulation. Un travail de découpage, coloriage et collage permettait de mettre en avant ou de gommer certains éléments
d’architecture. C’est une condition idéologique, mais autant technique pour que l’oeuvre photographiée « dépasse » les limites de l’impression. Par des cas précis, sous forme de comparaison de photographies, cette approche tend à visualiser l’importance — ou la méfiance — accordée à l’image imprimée, toujours passée sous la mainmise de Le Corbusier.

12 décembre 2012
Catherine E. Clark, School of Art History, University of St Andrews, Écosse
La photographie imprimée dans le livre illustré d’histoire : entre l’histoire scientifique et le passé imaginé

Cette intervention propose de démontrer la fonction changeante de la photographie imprimée dans le livre d’histoire de Paris des années 1910 aux années 1950 et 1960. L’analyse des photographies dans ces livres et surtout de certains éléments tels que la mise
en page et la relation entre texte et image démontre la place changeante de la photographie dans l’étude et la transmission du passé entre l’histoire scientifique et l’histoire romantique, entre la documentation et l’imaginaire.

19 décembre 2012
Caroline Fieschi, doctorante en Histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris
Présence des images dans les publications de zoologie, botanique et géologie : les naturalistes face au choix d’un procédé d’impression

L’histoire naturelle fait partie des disciplines qui ont eu le plus recours à la publication d’images. À partir du milieu du XIXe siècle, l’éventail des techniques de reproduction ne cesse de s’élargir, en particulier avec l’apparition des procédés photomécaniques. À travers l’analyse de textes prescripteurs, de correspondances, des publications illustrées elles mêmes, il s’agit ici d’étudier les critères qui ont présidé au choix d’un procédé ou de plusieurs procédés pour la diffusion imprimée des images produites par des naturalistes au cours d’activités de recherche.

9 janvier 2013
Elisa Baitelli, doctorante en Histoire de la photographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris
Autopsie d’une iconographie de fait divers : les années 1930 de Détective

Au tournant des années 1920 et 1930, les faits divers macabres s’installent dans la presse et disposent de revues spécialisées qui lui sont entièrement consacrées. En France, la première du genre apparaît en 1928 avec Détective. Ce magazine de faits divers développe une rhétorique photographique singulière déterminée par sa spécialisation thématique. Entre les innovations techniques, la crise de la presse généraliste et les nouvelles formules éditoriales imagées, Détective s’inscrit comme l’un des magazines illustrés les plus prospères de l’époque. Une analyse de son iconographie et de ses dispositifs scénographiques nous éclairera sur la construction du « récit photographique » de faits divers, ainsi que sur la place de Détective dans le genre de la presse illustrée.

16 janvier 2013
Jan Baetens, professeur d’études culturelles à l’Université de Leuven, Belgique
L’édition photographiquement illustrée des Célibataires de Montherlant

En 1948, les éditions Plon proposent une réédition (après tant d’autres) du roman à succès (et à scandale) d’Henry de Montherlant (1ère édition : 1934). Cette édition est la première (la seule ?) à avoir des illustrations photographiques, faites par Georgette Chadourne. Dans notre intervention, on se proposera d’examiner ces images en les rattachant non seulement au texte du romancier mais aussi à certains éléments de la culture visuelle de l’époque.

23 janvier 2013
Véra Léon, doctorante, ENS de Lyon
L’opinion dans le viseur. Techniques éditoriales et iconographiques au service de la vision nationale-socialiste dans l’Illustrierter Beobachter (1929-1933)

Les nazis proposent des normes et des modèles idéologiques, notamment par le biais de leur principal hebdomadaire illustré L’Illustrierter Beobachter. Ils cherchent à influencer l’opinion par l’usage de techniques innovantes, notamment photographiques. Leurs modes de communication — images, mais aussi éléments non photographiques comme la maquette ou le texte — seront donc analysés dans la relation entre leurs dimensions technique, esthétique, mais aussi idéologique et normative.

30 janvier 2013
Jason Hill, Terra Foundation Postdoctoral Fellow, INHA, Paris
Sketch Reporting after Press Photography

Taking as its case study the mid-century New York daily newspaper PM, this presentation will consider how the total proliferation of photographic news imagery in the early decades of the 20th century generated and naturalized a very specific set of expectations about how the world’s events might be illustrated in the press. By re-instituting the obsolescent practice of the handmade sketch report in 1940, PM worked to articulate press photography’s status as nothing more than one relatively recent and imperfect industrial convention.

6 février 2013
François Brunet, professeur à l’Université Paris Diderot – Paris 7, Laboratoire de recherche sur les cultures anglophones, Paris
La presse illustrée dans l’émergence des histoires américaines de la photographie à la fin des années 1930

Cet exposé donnera un aperçu et un essai d’interprétation des questions et des préoccupations qui animent, à l’égard de la presse illustrée et des fonctions de l’image imprimée, les premiers historiens américains modernes de la photographie, Beaumont Newhall et Robert Taft, dont les ouvrages pionniers et fondateurs paraissent tous deux en 1938. Il sera notamment fait état de l’enquête assez approfondie à laquelle se livre Robert Taft en 1936-1938, par le biais de questionnaires à un certain nombre d’éditeurs de presse. Les divergences d’appréciation entre les deux historiens, l’un (Newhall) soucieux de distinguer la valeur artistique dans le monde de l’éphémère, l’autre (Taft) curieux de l’impact et des fonctions sociales de l’image de presse, seront resituées dans une histoire plus longue des images.

13 février 2013
Gilles de Rapper, CNRS, Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative, Aix-en-Provence et Anouck Durand, photographe, Paris
Petrit Kumi, photoreporteur de l’étoile albanaise

De 1963 à 1985, Petrit Kumi est le photographe de Ylli (« L’étoile »), la principale revue de propagande illustrée de l’Albanie communiste. Couvertures, reportages, mise en page, concours photographiques et articles de vulgarisation : il sait tout faire. À partir de son témoignage et de sa production, nous chercherons à documenter le travail d’un photographe de propagande et à saisir les évolutions de la photographie dans une revue de propagande.

20 février 2013
Conclusion

 

1 comment to Séminaire : « Questionner la photographie imprimée » (Paris, novembre 2012-février 2013)

  • Laureline Meizel

    !RECTIFICATIF! : L’intervention du 30 janvier 2013(séance 9) sera réalisée par Damarice Amao (doctorante en histoire de l’art, Université Paris Sorbonne (Paris IV) Paris Sorbonne, chargée de cours, Université Panthéon Sorbonne (Paris I)).
    Le titre de sa communication est « Pour une révolution culturelle de la photographie : Carlo Rim et la revue ‘Jazz' »
    Résumé : De 1928 à 1930, Carlo Rim assure la direction de la revue ‘Jazz’, considérée aujourd’hui comme l’une des vitrines de la photographie d’avant-garde en France. Une analyse attentive de ses choix éditoriaux révèle en fait un engagement plus large pour la photographie, qu’elle soit d’avant-garde, ancienne ou le produit d’amateurs. Carlo Rim se démarque ainsi de la balbutiante critique photographique française de l’époque, embarrassée par des questions esthétiques ou tourmentée par la valeur artistique ou non du médium. Notre intervention se propose d’envisager le jalon expérimental que constitue la revue ‘Jazz’ dans la révolution visuelle et culturelle invoquée par Carlo Rim.

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