Appel à communication – Colloque « Pierre Gaudibert : militant, critique, sociologue de l’art, expérimentateur de musée » – 25-27 novembre 2020 – INHA, MAM, Musée de Grenoble (date limite d’envoi de la candidature : 20 mars 2020)

Pierre Gaudibert : militant, critique, sociologue de l’art, expérimentateur de musée

Colloque international, 25-27 novembre 2020, Paris/Grenoble

A l’occasion de l’ouverture au public du fonds d’archives et de la bibliothèque personnelle de Pierre Gaudibert conservés au Musée d’Art Moderne de Paris, ce colloque propose de revenir aussi bien sur les réalisations et sur les engagements de cette figure-clé de la scène artistique française de l’après-guerre que sur les contextes intellectuels et politiques dont son parcours est révélateur.

Militant engagé dans des mouvements d’éducation populaire (l’association « Travail et culture », le réseau « Peuple et Culture ») ou au sein du Parti socialiste, critique et sociologue de l’art, selon ses propres mots, Pierre Gaudibert (1928-2006) a laissé son empreinte sur plusieurs institutions culturelles. Conservateur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris de 1966 à 1972, il y fonde en 1967 le département Animation-Recherche-Confrontation (A.R.C.), une structure expérimentale promouvant un modèle muséographique inédit en France, favorisant la relation directe entre artistes, œuvres et visiteurs, ancré dans l’actualité et la variété des recherches artistiques, y compris à forte composante technologique et reproductible. Après son départ du musée – qui n’est pas sans lien avec un certain désenchantement de l’évolution des « années 1968 » –, Gaudibert dirige le musée de Grenoble de 1977 à 1985 et développe ses collections, contribue à la création du CNAC de Grenoble (le Magasin) et s’investit dans l’action culturelle à l’échelle de la ville, en y organisant, entre autres, un Festival africain en 1982. Affilié au musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie (MNAAO) à partir du milieu des années 1980 et jusqu’à sa retraite en 1994, il est chargé d’y constituer une collection d’art africain contemporain. S’il a été proche d’artistes comme Henri Cueco, les choix artistiques de Pierre Gaudibert ne se limitent pas à la figuration narrative mais côtoient des formes souvent minorées par les récits établis de l’histoire de l’art à l’époque (les arts populaires, l’art naïf) et des pratiques artistiques que l’on qualifie alors « du Tiers-Monde ». Dans les milieux muséaux, le rôle de Gaudibert demeure important pour la reconnaissance des arts d’Afrique et en faveur de la présence de l’art africain contemporain dans les collections muséales françaises. Parallèlement, Gaudibert rédige de nombreux essais, dont plusieurs volontairement polémiques, posant ouvertement la question de la place de l’art et de la culture dans la société, ou encore celle de la responsabilité des artistes et des acteurs culturels quant à la division sociale.

Par son parcours et par son œuvre, Pierre Gaudibert traverse l’histoire culturelle, celle des idées et des institutions artistiques en France de la deuxième moitié du 20e siècle. Son engagement, à la fois politique (en faveur de l’éducation populaire, de la culture comme moyen de construction démocratique) et artistique (en faveur de l’art contemporain dans sa plus grande diversité, dans son caractère expérimental comme dans ses formes populaires, en marge des valeurs établies par le consensus institutionnel), son intérêt pour les formes d’art dites « mineures » ou pour l’art créé « ailleurs », interrogent aussi bien la définition du champ de l’histoire de l’art que sa possible portée sociale et politique. Les idées formulées dans ses ouvrages des années 1970 pourraient être mises en parallèle avec celles élaborées dans les années 1960 par des théoriciens marxistes de la culture comme Raymond Williams. Cinquante ans plus tard, elles trouvent un écho dans le souci actuel de l’enseignement de l’histoire des arts à tous les niveaux du système scolaire et dans toutes les couches de la société, avec l’importance de décloisonner l’eurocentrisme implicite des discours dominants au profit d’histoires transnationales et transversales.

Tenant compte de l’héritage théorique et institutionnel de Pierre Gaudibert, de ses engagements mais aussi de ses désenchantements, impasses et limites, ce colloque vise à considérer les voies possibles que son travail a ouvertes à l’arrimage entre art et démocratie, à une pensée plurielle du « contemporain » et de l’« art », à une pratique désenclavée des institutions, à une ouverture vers des pratiques artistiques expérimentales, alternatives ou étrangères au canon occidental établi ; en un mot, à une pluralité des cultures et des pratiques artistiques.

À l’exception de quelques travaux universitaires, la figure et l’œuvre de Pierre Gaudibert n’ont jusqu’à présent pas fait l’objet d’un examen approfondi. Ce manque a été souligné par plusieurs chercheurs (Wilson 2018). De même, l’A.R.C. n’a pas fait en soi fait l’objet de colloques publics ou de publications d’ouvrages dédiés, à l’exception d’une thèse de référence (Ténèze 2004). Ce colloque souhaite combler cette lacune historiographique et permettre de réfléchir, à partir de la figure de Pierre Gaudibert, à un pan de l’histoire des idées, des pratiques culturelles et des institutions artistiques en France de l’après-guerre. Ainsi, les propositions de communication peuvent-elles s’inscrire dans un des axes proposés ci-dessous (liste non exhaustive) :

  • L’histoire et l’historiographie de l’action culturelle en France depuis le Front populaire, l’histoire et la pratique des associations comme « Peuple et culture », « Travail et culture » ; la place de la politique culturelle de la ville de Paris des années 1960 dans ce contexte ;
  • L’histoire de l’A.R.C. (Animation-Recherche-Confrontation) au Musée d’art moderne de la Ville de Paris ; ses premières années d’existence (1967-1972) ; continuité et transformations depuis ; le pari de l’interdisciplinarité ; les liens de l’A.R.C. avec le CIMAM, l’ICOM et la muséographie expérimentale internationale en matière d’art contemporain au tournant des années 1960 (Pontus Hultén, Harald Szeemann, Duncan F. Cameron, Eduard de Wilde…) ;
  • La scène artistique et critique autour de Gaudibert : figuration narrative et autres scènes françaises, artistes français et étrangers, critiques d’art français et étrangers, revue Opus international, salons ;
  • Les réseaux internationaux de Gaudibert : rôle et place des structures transnationales et de collaboration internationale d’art et de culture durant la guerre froide (Salon de Mai à Cuba en 1967, congrès et rencontres de l’AICA, du CIMAM, de l’ICOM, de l’UNESCO) ;
  • Les réseaux amicaux, artistiques, intellectuels et politiques de Gaudibert (voir les dossiers de correspondance dans son fonds d’archives, du collectif des Malassis à Ousmane Saw, de Louis Althusser à Claude Mollard…) ;
  • Les politiques culturelles en France après 1968 : ambitions, réalisations, écarts, échecs ;
  • Les liens de Gaudibert et du PS (re)naissant (exposition sur le Front Populaire à l’ancienne gare de la Bastille, dans le cadre des États généraux du Parti socialiste de 1976 ; création du Secrétariat National à l’Action Culturelle ; création d’un groupe de réflexion « Musées ») ;
  • Les activités de Gaudibert au musée de Grenoble (acquisitions, expositions, hommage à Andry-Farcy, festival Africain) ; les réseaux culturels et politiques de Grenoble au tournant des années 1970 – début des années 1980 ; la préfiguration du CNAC de Grenoble ;
  • Gaudibert et l’émergence du champ de l’art contemporain africain en France dans les années 1980-1990 : expositions, publications (Revue noire), rôle des institutions (le MNAAO, les missions du ministère de la Culture, fondation Afrique en Création ; association Culture et Développement) ; parallèles et différences avec le contexte international ; collaborations avec des acteurs et des institutions en Afrique ;
  • Du marxisme à la spiritualité : tournant ou continuité ? (le manuscrit non publié de Gaudibert Présence des animismes, son ouvrage Du culturel au sacré) ;
  • Comment penser la variété de pratiques artistiques soutenues par Gaudibert : liens possibles, interprétations, dimension internationaliste/tricontinentale, conception de l’art, de son rôle, de son autonomie/hétéronomie…

Pour consulter le fonds d’archives et la bibliothèque de Pierre Gaudibert au Musée d’Art Moderne de Paris : http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-d-art-moderne/archives/fonds-pierre-gaudibert#infos-principales
Pour consulter le fonds « Archives des expositions de l’A.R.C. (1967-1972) » au Musée d’Art Moderne de Paris :http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-d-art-moderne/archives/archives-des-expositions-de-l-arc-1967-1972#infos-principales

Éléments de bibliographie :

– de Pierre Gaudibert (sélection) :

  • (avec Pontus Hultén, Michael Kustow, Jean Leymarie, François Mathey, Georges-Henri Rivière, Harald Szeemann, Eduard de Wilde), « Échange de vues d’un groupe d’experts », Museum, Vol. XXIV, n° 1, 1972 : « Problèmes du musée d’art contemporain en occident », p. 5-32 ; repris dans Vagues : une anthologie de la nouvelle muséologie, vol. 1, Mâcon, Éditions W, 1992.
  • De l’ordre moral, Paris, Grasset, 1973 ;
  • 1936-1976 : luttes, création artistique, créativité populaire, Fédération de Paris du Parti socialiste, 1976 ;
  • L’Action culturelle : intégration ou subversion, Paris, Casterman, 3e édition revue, 1977 (1972) ;
  • Du culturel au sacré, Paris, Casterman, 1981 ;
  • L’Arène de l’art (en collaboration avec Henri Cueco), Paris, Galilée, 1988 ;
  • L’Art africain contemporain, Cercle d’Art, 1991.

– à propos de Pierre Gaudibert (sélection) :

  • Jean-Marie Deparis, Histoire de l’A.R.C. 1966-1972, thèse de doctorat, Université de Paris I Panthéon Sorbonne, 1981.
  • Coralie Cupillard, L’enrichissement des collections du musée de Grenoble sous la conservation de Pierre Gaudibert 1978-1985, maîtrise d’histoire de l’art sous la direction de Serge Lemoine, Université Paris-Sorbonne, 1991, 3 vols.
  • Annabelle Ténèze, Exposer l’art contemporain à Paris : l’exemple de l’ARC au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (1967-1988), Thèse diplôme d’archiviste-paléographe en Histoire contemporaine, Paris, École nationale des chartes, 2004.
  • Suzanne Pagé, La Collection : Musée d’art moderne de la ville de Paris, Paris, Paris musées, 2009.
  • Maëlle Coatleven, Henri Cueco et Pierre Gaudibert : une histoire d’amitié dans l’arène de l’art (1965-1988), mémoire de Master 1 en muséologie, sous la direction de Susanna Gallego-Cuesta et Sébastien Gokalp, Paris, École du Louvre, 2017.
  • Sarah Wilson, Figurations ±68. Le monde visuel de la French Theory, trad. fr., Dijon, Les presses du réel, 2018.

Partenaires du colloque :
Institut national d’histoire de l’art, Musée d’Art Moderne de Paris, Musée de Grenoble, Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes/Université Grenoble-Alpes

Comité scientifique :

  • Paula Barreiro-López (LARHRA, Université Grenoble-Alpes)
  • Sophie Bernard (Musée de Grenoble)
  • Claire Bosc-Tiessé (INHA-CNRS)
  • Odile Burluraux (Musée d’Art Moderne de Paris)
  • Éric de Chassey (INHA)
  • Elitza Dulguerova (INHA/Université Paris 1)
  • Sarah Ligner (Musée du quai Branly – Jacques Chirac)
  • Richard Leeman (Université Bordeaux-Montaigne)
  • Jacques Leenhardt (EHESS)
  • Hélène Leroy (Musée d’Art Moderne de Paris)
  • Maureen Murphy (Université Paris 1)
  • Jean-Marc Poinsot (Université Rennes 2)
  • Pascal Ory (Université Paris 1)
  • Florence Rouzières (Musée d’Art Moderne de Paris)
  • Annabelle Ténèze (Les Abattoirs, Toulouse)
  • Sarah Wilson (Courtauld Institute, Londres)

Lieux :
INHA, Musée d’Art Moderne de Paris, Musée de Grenoble.

Modalités de participation, calendrier et format :
Merci d’envoyer à l’adresse colloque.gaudibert@inha.fr votre proposition de communication de 300 mots, accompagnée d’une courte présentation bio-bibliographique de 100 mots.

Date limite d’envoi : 20 mars 2020.

Langues de communication : français et anglais.

Réponses aux candidats : mars 2020.

 

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