Appel à communication: « Diderot et le temps »

Conçu en deux volets (Université d’Aix-Marseille et Université de Lausanne), ce colloque se propose d’aborder à nouveaux frais le rapport au temps dans l’ensemble de l’oeuvre de Diderot.

Contexte théorique

Le temps ne constitue, de toute évidence, ni une catégorie stable de pensée, ni une unité évidente de représentation ; c’est bien au contraire une dimension fuyante, aux contours indéfinis, touchant à des domaines aussi variés que l’esthétique, l’histoire ou la phénoménologie. Depuis les Études sur le temps humain de Georges Poulet et la somme philosophique que constitueTemps et Récit de Paul Ricoeur, la critique littéraire n’a guère abordé la question du temps et des jeux sur la temporalité que dans le cadre de la réflexion sur l’autobiographie.

Domaines concernés

Concernant Diderot, plusieurs travaux, portant notamment sur La Religieuse, posent le problème de l’équivocité d’une écriture de soi dont la dimension rétrospective fait partie intégrante de la fiction. Mais le temps de Diderot n’est pas seulement, ni même proprement narratologique. C’est d’abord le temps théologique des Lumières, marqué par le débat sur  l’éternité de Dieu, qui affleure dans la Lettre sur les aveugles, la Lettre sur les sourds et muets et Le Rêve de dAlembert, et se confronte avec le temps du songe, celui de l’expérience, celui de la projection imaginaire et poétique. C’est aussi, proprement diderotien, le temps de la réaction (psychologique, physique, chimique), d’une pensée et d’une écriture tout entière tendue vers ce report à la pensée, à l’écriture de l’autre, par quoi Diderot semble opérer une véritable destitution du temps linéaire. Ce temps défait, fragmentaire, définit et oriente une pratique et une pensée esthétiques et philosophique, avec la méditation sur les ruines (Discours sur la poésie dramatiqueSalon de 1767), sur le choix du moment à peindre, sur l’usage du « hiéroglyphe » poétique (Lettre sur les sourds etmuets).

Pistes d’étude

Aborder l’oeuvre de Diderot sous l’angle du rapport au temps sera l’occasion d’études transversales. Ainsi, la notion de scène, qui définit un certain rapport, condensé, circonscrit, visuel au temps, se rencontre à la fois dans les écrits sur l’art et le théâtre, et dans les contes et romans. La question de l’attente de la mort est un thème majeur de la pensée de Sénèque, abordée dans l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron, mais se retrouve également dans les grandes compositions d’histoire des Salons. La méditation sur la civilisation, comme progrès et comme corruption, qui anime la poétique des ruines, fait l’objet d’une réflexion politique dans leSupplément au voyage de Bougainville, l’Histoire des deux Indes et les Mémoires pour Catherine II. On pourra également mesurer sur le plan lexical les usages du temps chez Diderot et s’interroger sur l’articulation entre expérience et expression du temps, au sein d’une écriture qui a exacerbé le jeu entre continuité et discontinuité, ordre et désordre, et inscrit le rapport au temps dans le rythme même de sa phrase.

Ce colloque accompagnera l’exposition sur Diderot qui se tiendra respectivement à Montpellier (Musée Fabre, 5 octobre 2013-15 janvier 2014) et à Lausanne (Fondation de l’Hermitage, 14 février 2014-1er juin 2014).

Les contributeurs sont priés d’envoyer un résumé avant le 30 novembre 2012 aux trois adresses suivantes :

stephane.lojkine@univ-amu.fr

adrien.paschoud@unil.ch

francois.rosset@unil.ch

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