Appel à communication : « François 1er imaginé 1515-1547 »

Il faut des repères pour retenir l’histoire, des héros pour la faire revivre, des phénomènes pour la comprendre. Le succès de l’association, familière aux écoliers, de la victoire de “Marignan-1515” , de l’avènement de François Ier, la même année, et de celui-ci à l’essor de la Renaissance française (puisqu’il faut bien lui assigner un commencement) tient à une triple coïncidence : la figure quasi-légendaire d’un « roi-chevalier » victorieux, qui est aussi un monarque bâtisseur (le palais “idéal” de Romorantin, Chambord, puis Fontainebleau) et un protecteur des Arts (Léonard de Vinci, Rosso, Primatice, Cellini) et des Lettres (Budé, Marot, Rabelais) se prête idéalement à la projection par laquelle la Renaissance devient un phénomène « national ». Mais parce que cette imagerie est un mythe et qu’elle fait partie de notre patrimoine, sa fabrication mérite d’être étudiée comme un fait historique. La commémoration envisagée en 2015 échappe ainsi à l’événementiel : c’est l’occasion de « revisiter » le mythe.
Notre propos est d’étudier la constitution de l’image du roi de son vivant à partir des attentes mais aussi des déceptions que suscite sa figure évidemment centrale dans le devenir du royaume et des équilibres européens. C’est une figure en perpétuel mouvement, le François Ier de 1547 n’étant plus celui des commencements ; on s’attachera donc à décrire son évolution, à étudier les facteurs qui ont influé au fil du règne sur la « fabrique du roi François », qu’elle soit  voulue par le prince, souhaitée par son entourage ou imposée par les circonstances.
Cette fabrication impose enfin de s’interroger sur le fond : la spécificité de la Renaissance française telle que le règne la met en scène et en œuvre à partir de la construction d’une figure royale à la fois exemplaire et singulière. Alors que dans les autres pays européens le phénomène réfère plutôt à des continuités (en Italie, celle d’un retour aux sources « classiques », et àl’inverse, dans les pays germaniques, celle qui relie les styles « gothiques » aux « maniérismes »), la Renaissance semble en effet vécue en France, autour de François Ier, comme une rupture, synonyme de progrès, mais aussi d’acculturation (d’où les résistances qu’elle rencontre).
On peut ainsi distinguer trois problématiques qui s’éclairent et se répondent ; elles concernent premièrement la figure du pouvoir (autrement dit la persona du roi), deuxièmement son action (ses politiques successives) et enfin son rôle (et sa représentation) dans les Lettres et les Arts  (…)

III. Les Arts et les Lettres.
L’évolution des Arts et des Lettres rapportée à l’activité voire à la personne de François Ier suscite une troisième problématique. Là encore se pose la question de la rupture (réelle ou factice, illusoire ou durable) et de la ligne de partage entre l’ancien et le nouveau. Dans les Arts, l’architecture au moins, elle semble évidente et d’autant plus intéressante qu’elle suscite des 3 créations originales (le projet de Romorantin distingue deux plans “italien” et “français”, Chambord ou Azay ne ressemblent pas à leurs homologues d’Outre-mont ) ; mais c’est moins vrai pour l’architecture religieuse, ainsi que pour la peinture ; faut-il faire le partage entre un italianisme réputé moderne et la survivance d’écoles « française » ou « provinciales » ? Que dire du rôle joué par l’art bellifontain ? Le règne de François Ier a imposé un style neuf, produit d’un syncrétisme entre préexistences gothiques, apports maniéristes venant d’Italie et reviviscence des modèles antiques. Nous pourrions nous demander si et en quoi tout cela est l’aboutissement d’un projet culturel précis.
C’est aussi une question d’expressivité iconique. Pour revenir aux commencements, les allégories de Louise de Savoie en Dame Prudence (François Demoulins, Traités des vertus, 1509), de la Melencolia de Dürer (1514) et celle de L’Amour profane et l’Amour sacré du Titien peinte la même année parlent-elles le même langage ?  Et en musique, le critère d’expressivité permet-il de distinguer le De profundis de Louis XII par Josquin, de la Bataille de Marignan par Jannequin ? En littérature, la même ambivalence subsiste. Après coup, ce qui prouve que la transition est consciente et la rupture revendiquée, le Pantagruel met en scène le débat qui oppose, au ch. VIII, l’humanisme éclairé et enthousiaste, au prétendu obscurantisme des Goths « qui avoient mis à destruction toute bonne littérature ». L’adoption, sélective et progressive en France, des caractères romains, pour remplacer des lettres « gothiques » (qui ne le sont d’ailleurs pas) manifeste la rupture jusque dans les codes typographiques. Pourtant la césure semble moins nette en poésie : si la poésie néo-latine dans l’entourage royal semble préfigurer les idées de la Pléiade, Saint-Gelais, moins « archaïque » qu’on ne le croit, triomphe tout au long du règne, tandis que les rhétoriqueurs se succèdent jusqu’à Clément Marot. Et même si Lemaire de Belges disparaît (après 1515?) son modèle lui survit. On peut néanmoins, en s’en tenant à des sujets communs en rapport avec les autres domaines envisagés, par exemple « les politiques du prince », faire valoir les différences expressives et intellectuelles entre ces contemporains que sont Gringore, auteur en 1513, du Jeu du prince des sots, et Machiavel dont le Prince date de l’année suivante.

Synthèse et perspectives
La richesse des problématiques suscitées par le thème est telle que, pour ne pas perdre de vue l’objet principal (François Ier), il semble nécessaire de les rattacher toutes à la figure ou à l’activité du roi et de ne les aborder qu’en fonction de leur rapport direct avec lui. Les aspects suivants, saisis dans leurs dynamiques propres et complémentaires, pourront ainsi susciter la réflexion :

• François Ier face à Louis XII : rupture et continuité de l’image royale ;
• Imitation, émulation, singularisation : Henri VIII, Charles-Quint, François 1er ;
• Le roi vu depuis les provinces, depuis et par les villes (entrées royales) ;
• Le roi d’une monarchie composite ;
• Le roi vu depuis l’étranger ;
• Les images véhiculées par les diplomates ;
• Le roi en son conseil ;
• Figure du roi / figure des favoris ;
• Le roi et les Réformes ;
• Le roi et sa cour / l’image du roi dans les fêtes de cour ;
• Le roi capitaine / le roi chevalier ;
• Le roi critiqué ;
• Le roi poète ;
• Le roi musicien ;
• le roi bâtisseur ;
• Le roi collectionneur ;
• L’image du roi dans les décors royaux ou le roi dans ses palais ;
• Le passage du temps sur le(s) portrait(s) du roi ;
• Les femmes dans la constitution de l’image personnelle : mère, sœur, épouses, maîtresses ;
• L’impact de l’image royale sur la construction d’autres images personnelles autant que sur
l’image de la royauté.

Certains de ces champs d’enquête se recoupent, rendant sensibles l’unité autant que la complexité d’une image royale qui oscille entre sédimentation et évolution. Ces champs à explorer, disposés en cercles concentriques à partir de la figure du roi, sont susceptibles d’être  regroupés différemment en fonction des thèmes communs aux contributions proposées. On espère que celles-ci mettront en valeur des « centres d’intérêt » ou des « réseaux de signifiants » susceptibles d’être les moteurs du colloque, plutôt que le découpage disciplinaire que fait  inévitablement ressortir l’inventaire des principales rubriques :

I. Une « figure » : François Ier et sa cour
Le roi, sa famille, l’emblématique de la cour, ses codes, la littérature curiale ;
II. « Les politiques du prince »: acteurs, enjeux, conséquences
François Ier, ses conseillers, ses favoris, les grands « traitres » ; Marignan et les guerres d’Italie, la « croisade » et les Turcs, les grandes découvertes ;
III. Le roi, l’humanisme et les Réformes
Les humanistes et la cour (Budé, Lefèvre d’Etaples), leurs relais (Thenaud, le cercle des Fontenaisiens) ; les facettes de la réforme religieuse ;
IV. François 1er, les Lettres et les Arts
Le roi écrivain, ses auteurs (Marot, Saint Gelais, Rabelais, les poètes italiens, néo-latins), l’historiographie (Jean Bouchet) ; l’histoire des institutions culturelles (lecteurs royaux, collège royal, bibliotheca regia), celle de l’édition (graphies, privilèges) et des arts : peintres, architectes et musiciens.

Colloque organisé par l’Association Réforme-Humanisme-Renaissance et la Société Française d’Étude du Seizième Siècle — Printemps 2015


Les propositions de communication, d’environ 2000 signes et précisant le thème et la méthode adoptée, sont à envoyer à l’adresse suivante : colloque2015@yahoo.fr. Elles seront examinées par le comité scientifique afin de déterminer le découpage en sessions le plus favorable à des échanges interdisciplinaires.

Comité scientifique :
Luisa Capodieci, Sylvie Deswartes, Isabelle His, Isabelle Garnier-Mathez, Bruno Petey-Girard, JeanMarie Le Gall, Virginie Leroux, Gilles Polizzi, Trung Tran, Magali Vène.

 

Source  et compléments d’informations  : http://www.sfdes.fr/appel-a-communication-francois-1er-imagine-1515-1547/

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