Appel à communication : « Graver la danse, la musique, les sciences et la géographie. Corps de métier et diffusion des savoirs au XVIIIe siècle »

Appel à communication : « Graver la danse, la musique, les sciences et la géographie. Corps de métier et diffusion des savoirs au XVIIIe siècle » (21-22 novembre 2022)

Journées d’études, INHA, 21-22 novembre 2022

Echéance : 1er juillet 2022

L’expression « danse gravée » a longtemps désigné les pratiques de notation de la danse du XVIIIe siècle, depuis la diffusion de la notation Feuillet à partir de 1700. Le répertoire des contredanses gravées, publiées et diffusées sous forme de recueils, de petits cahiers ou livrets, notamment à partir des années 1760 et du Répertoire des bals de La Cuisse, est relativement bien connu. Pourtant, la technique même, les réseaux de collaborations entre graveurs et maîtres de danse restent encore peu étudiés : graveurs et graveuses en musique, en mathématiques, en géographie, maîtres en écriture, se font aussi graveurs et graveuses en danse, quand ce ne sont pas les maîtres de danse eux-mêmes qui pratiquent la taille douce. La place des femmes graveuses, éditrices, libraires (Mme Castagnery) sera largement abordée aux cours de ces journées. Il s’agit de saisir ici la manière dont les pratiques chorégraphiques du XVIIIe siècle s’insèrent dans un réseau de savoir-faire de l’estampe, pratiques professionnelles et amateurs, en interrogeant les modalités de la gravure en danse dans un champ plus large de la gravure technique, en géographie, en sciences, ou en musique. Les commandes faites par les maîtres de danse à certains graveurs disent aussi une volonté de passer d’une image technique à une image artistique, façonnant des ouvrages aux coûts et aux usages parfois fort différents. Une attention particulière sera accordée aux contextes français et britanniques et à la circulation des planches et des modèles d’un côté à l’autre de la Manche.

Ces journées entendent rassembler des contributeurs venant de disciplines différentes mais partageant un même champ de recherche autour de l’estampe, au-delà du champ chorégraphique. Les travaux sur la gravure en danse étant très peu nombreux, ces deux jours seront aussi envisagés comme des moments d’une réflexion collective à laquelle chercheuses et chercheurs ne travaillant pas spécifiquement sur les pratiques chorégraphiques sont chaleureusement conviés.

Nous souhaiterions en effet croiser les expériences relatives aux domaines suivants (au XVIIIe siècle) :

  • Danse et Musique : partitions musicales, danses gravées, notation de la musique et du mouvement
  • Géographie : gravure et édition des cartes géographiques
  • Sciences, mathématiques : illustration des livres scientifiques
  • Écriture, calligraphie : livres gravés de modèles d’écriture
  • et plus largement tout ce qui relève de la transmission de savoirs techniques par l’image
  • Techniques de l’estampe et de la typographie

Les contributions pourront ainsi porter sur l’un ou plusieurs des axes suivants (non exhaustifs) :

Les techniques de la gravure en géographie : plusieurs graveurs en danse dans la seconde moitié du XVIIIe siècle sont avant tout graveurs en cartes et plans. L’estampe en géographie répond à des étapes précises de production (gravure de figures, avant la lettre) qui semblent avoir été reprises pour une partie des danses gravées du XVIIIe siècle. Outre une terminologie qui désigne parfois les figures dessinées par les « plans de la danse », il s’agira d’analyser la relation spécifique entretenue entre gravure en géographie et gravure en danse.

Les réseaux de graveurs et graveuses en sciences et notamment en mathématiques. Le développement des manuels et ouvrages de « récréations » physiques ou mathématiques nécessite le recours à des graveurs dont l’expertise se déploie parfois au-delà de la gravure technique. On cherchera à comprendre les processus de spécialisation de certains graveurs qui contribuèrent aussi à la gravure en danse, apportant avec eux une manière de mettre en forme les partitions chorégraphiques.

Graveurs et graveuses en écriture : les recueils de danse de la seconde moitié du XVIIIe siècle mentionnent assez fréquemment les graveurs en écriture (parfois le graveur des figures n’est pas mentionné, seul celui en écriture est indiqué). Les contributions s’intéressant au statut et aux techniques de la gravure en écriture sont vivement souhaitées.

La gravure en musique, en France et en Angleterre et ses évolutions techniques : l’usage de l’étain et des poinçons pour la gravure en musique semble avoir inspiré des évolutions techniques de la gravure en danse. Il pourra être utile de revenir sur cette innovation anglaise des années 1730 afin de comprendre la manière dont les techniques (et les coûts) de l’estampe chorégraphique ont pu bénéficier de l’expertise de l’estampe musicale.

Les dessins préparatoires : très peu de dessins préparatoires aux partitions gravées ont été conservés, pour de multiples raisons. La collaboration entre maîtres de danse et graveurs a cependant pu nécessiter la transmission de dessins pour les « traits » de la danse quand il est régulièrement fait mention d’une distinction entre l’auteur de danse, l’auteur de la notation et le graveur. En travaillant à partir d’autres exemples, hors champ chorégraphique, nous souhaiterions examiner les sources intermédiaires et supports à la création des estampes techniques.

Les réseaux de collaborations entre acteurs. Les feuilles de danses gravées sont le fruit de collaborations d’un nombre parfois important d’acteurs (maître de danse et musiciens, danseurs amateurs et professionnels, graveurs spécialisés dans l’écriture, l’ornement ou la musique), éditeurs, imprimeurs, marchands-libraires. Certaines entreprises éditoriales font l’objet d’une création de société. Les contributions mettant en lumière les réseaux de collaborations mobilisés pour la production d’ouvrages scientifiques, de collections musicales ou de cartes géographiques sont particulièrement bienvenues.

Les pratiques amateurs de l’estampe et la formation des graveurs et graveuses. L’analyse des partitions de danse des années 1770 et par exemple les collections de contredanses éditées par Bouin attestent de la progression technique de Mlle Bouin, fille de l’éditeur et dont les premières réalisations s’avèrent très maladroites. Certains maître de danse, comme Landrin ou Rameau, assurent eux-mêmes l’exécution des gravures de leurs ouvrages, sans être graveurs professionnels. L’analyse des parcours biographiques et des modalités d’apprentissage de la gravure en taille douce permet aussi d’éclairer le développement exponentiel d’une entreprise éditoriale qui nécessite la publication rapide (parfois hebdomadaire) de partitions.

La place des femmes graveuses. Si on connaît relativement bien la féminisation importante des pratiques de gravure en musique, la part plus générale des femmes dans le milieu de l’estampe, en France et en Angleterre fait l’objet de travaux très récents interrogeant à la fois les réseaux de formation et les mécanismes d’émancipation selon les contextes familiaux. Le cas des graveuses en danse montre des parcours biographiques assez différents : filles, épouses ou veuves de graveurs et / ou d’éditeurs, elles peuvent aussi avoir une activité indépendante, émancipée du cadre familial. Une attention particulière sera accordée à cette place particulière des femmes dans l’estampe fine et l’estampe technique.

Le statut de l’estampe et la relation aux imprimeurs-libraires. L’usage intégral de l’estampe sur cuivre pour la publication d’une édition de la Chorégraphie de Raoul-Auger Feuillet, reprise par exemple par Malpied, semble contourner la corporation des imprimeurs libraires en proposant des ouvrages qui ne recourent pas à la presse typographique. Le coût et les difficultés techniques de telles entreprises (nombreuses pages de texte directement gravées sur cuivre), interrogent sur les motivations des auteurs, sur le contournement des pratiques d’édition et de l’auctorialité.

Les phénomènes de séries dans l’édition et la cartographie gravée du XVIIIe. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la gravure en danse se développe par la publication de partitions à l’unité, rassemblées en collections et en volumes, avec des tables vendues indépendamment, des séries reliées et un phénomène qui n’est pas propre au champ chorégraphique. Les publications bon marché de séries et de collections d’estampes en dehors des partitions chorégraphiques pourront être analysées à travers des exemples précis (libraires, éditeurs…)

Le recours à des graveurs de renom et la production d’images fines : la publication de The Art of Dancing de Kellom Tomlinson en 1735, ou encore de l’Almanach dansant de Guillaume en 1769, révèle des pratiques qui sortent de l’estampe technique en recourant à des graveurs et graveuses réputées, en assumant parfois la production d’images dont la qualité esthétique dépasse ses vertus didactiques. Cette pratique permet ainsi d’éclairer les enjeux éditoriaux (voire financiers) de telles publications.

 

Les propositions de communications, n’excédant pas une page, et suivies d’une brève présentation bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 1er juillet 2022 aux adresses courriels suivantes : pauline.chevalier@inha.fr et johanna.daniel@inha.fr

Les journées d’études auront lieu à l’INHA les 21 et 22 novembre 2022, dans le cadre du programme de recherche « Chorégraphies. Ecriture et dessin, signe et image, dans les processus de création et de transmission chorégraphiques » mené à l’INHA, en partenariat avec la BnF et le CND.

 

 

 

 

 

 

Organisation :

Pauline Chevalier (INHA) Johanna Daniel (INHA), avec la contribution d’Emeline Houssin (stagiaire, INHA)

Comité scientifique :

  • Ilaria Andreoli (INHA)
  • Mathias Auclair (BnF)
  • Laurent Barré (CND)
  • Pascale Cugy (Université Rennes 2)
  • Marie Glon (Université de Lille)
  • Sandrine Nugue (ENSBA Lyon)
  • Juliette Robain (INHA)
  • Laurent Sebillotte (CND

Bibliographie indicative

BOUCHON, Marie-Françoise, « La Contredanse comme jeu social au XVIIIe siècle »,  Analyse musicale, n°69, 4e trimestre 2012, p. 80-86.

CLAYTON Tim, COOK Karen Severud et KRETSCHMER Ingrid, « Reproduction of Maps », dans Matthew H. Edney et Mary Sponberg Pedley (dir.), Cartography in the European Enlightenment ,  4, Chicago, University of Chicago Press, coll. « The history of cartography », 2020, vol. 2/2, p. 1238‑1265

DEVRIES-LESURE, Annik, Dictionnaire des éditeurs de musique français, vol.1 : Des origines à environ 1820, Genève, Minkoff, 1979.

DEVRIES-LESURE, Annik, L’édition musicale dans la presse Parisienne au XVIIIe siècle, catalogue des annonces, Paris, CNRS Editions, 2005.

FAU, Elisabeth, La gravure de musique à Paris, des origines à la Révolution (1660-1789), Paris, Ecole des Chartes, 1978.

GLON, Marie, « Inventer une technique scripturaire au XVIIIe siècle : la « Chorégraphie ou l’art de décrire la dance » », Artefact [En ligne], 4 | 2016, mis en ligne le 07 juillet 2017

GLON, Marie, Les Lumières chorégraphiques. Les maîtres de danse européens au cœur d’un phénomène éditorial (1700-1760), thèse d’histoire, dir. Georges Vigarello, EHESS, 2014.

GLON, Marie. “ The materiality of theory. Print practices and the construction of meaning through Kellom Tomlinson’s The Art of Dancing Explain’d (1735) ”. Re-thinking practice and theory, Jun 2007, Pantin, France. pp.190-195.

GRANGER, Sylvie, Danser dans la France des Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.

GUILCHER, Jean-Michel, La Contredanse et les renouvellements de la danse française, Paris / La Haye, Mouton, 1969, réédité sous le titre La Contredanse, Un Tournant dans l’histoire française de la danse, texte corrigé et complété par Naïk Raviart, préface de Yves Guilcher, Bruxelles, Complexe / CND, 2003.

LANCELOT, Francine (dir.), La Belle Dance, Catalogue raisonné des chorégraphies françaises en notation Feuillet fait en l’an 1995, Paris, Van Dieren, 1996.

MILLIOT, Sylvette, « Marie-Anne Castagneri. marchande de musique au XVIIIe siècle. (1722-1787) », Revue de Musicologie, vol. 52, no 2, 1966, p. 185‑195. En ligne : https://www.jstor.org/stable/927569

NORDERA, Marina, « La réduction de la danse en art (XVe-XVIIIe siècle) », dans Hélène Vérin et Pascal Dubourg Glatigny (dir.), Réduire en art : La technologie de la Renaissance aux Lumières, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Hors collection », 2018, p. 269‑291. En ligne : http://books.openedition.org/editionsmsh/10161

Pedley Mary Sponberg, « The map trade in Paris, 1650–1825 », Imago Mundi, vol. 33, no 1, janvier 1981, p. 33‑45. En ligne : https://doi.org/10.1080/03085698108592513

Pedley Mary Sponberg, The commerce of cartography:  making and marketing maps in eighteenth-century France and England, Chigago (Ill.), University of Chicago press, coll. « The Kenneth Nebenzahl, Jr., lectures in the history of cartography », 2005, vol. 1/.

SMITH, Marc, « Les modèles d’apprentissage de l’écriture en France depuis la Renaissance », Apprendre, 2020, p. 167-179.

STEIN Perrin (dir.), Artists and amateurs: etching in eighteenth-century France, New-York, MET, 2013. En ligne : https://www.metmuseum.org/art/metpublications/The_Art_of_Etching_in_Eighteenth_Century_France

 

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