Appel à communication : « la Théâtralité et le pouvoir dans l’art et l’archéologie » (14 avril 2018, Paris)

Appel à communication : « la Théâtralité et le pouvoir dans l’art et l’archéologie » (14 avril 2018, Paris)

Samedi 14 avril 2018, Salle Ingres, 10h – 18h00, Galerie Colbert-INHA, 2 rue Vivienne, 75002, Paris.

Journée proposée par deux doctorantes et soutenue par la Chaire d’Archéologie des Civilisations de l’Amérique Préhispanique de Sorbonne Université, le Centre André Chastel et l’Ecole doctorale 124 de Sorbonne Université.

Le terme de théâtralité correspond à un concept apparu dans le contexte de la modernité en Russie au tout début du XXe siècle sous la plume du dramaturge, philosophe et théoricien de théâtre Nicolas Evreinov. Souvent galvaudé, utilisé dans de multiples contextes de notre actualité, parfois à tort, le terme a fait l’objet de nombreux débats dans les milieux du théâtre, de la philosophie et de l’esthétique, des sciences sociales, de la muséologie et de l’exposition, ainsi que chez les théoriciens de l’art. La théâtralité confondue avec le théâtre, le spectacle, le cinéma, ou encore, le divertissement, constitue une problématique en soi dans le sens où elle n’est ni l’un ni l’autre alors qu’elle exploite tous ces vecteurs, dépasse toute notion d’esthétique et de matérialité, bien qu’elle use toujours des formes, des contenants et des contenus. Selon Evreinov, elle appartiendrait au monde des sens et incarnerait une sorte d’instinct vital au même titre que la faim et la soif, présente depuis toujours au plus profond de l’être humain et par conséquent, à travers ses productions matérielles et immatérielles au cours du temps. Tout au long de sa vie, l’ambition de l’auteur restera marquée par cette quête ultime d’un principe de théâtralité généralisée comme le fait d’une volonté de transmuer la réalité en quelque chose de différent pour y changer ce qui est imposé par le dehors, depuis le dedans, et par ce ressort, libérer l’homme des apparences ordinaires. Son caractère universel se traduit par une aspiration à la transformation du monde exprimée par une théâtralisation de l’expérience humaine que nous avons appelé « progrès », « évolution » ou « développement », « art », « culture » ou « civilisation ».

Du rite à la cérémonie d’intronisation du pouvoir, de la danse rituelle, à l’art de la guerre, aux défilés militaires, de l’objet magique à l’œuvre d’art sacralisée dans le musée, des espaces consacrés aux architectures religieuses, des mythes et symboles aux décors peints, dessinés ou sculptés, des tatouages corporels, ornements de corps aux bijoux, des tissus stylisés anciens à la mode, les manifestations de l’Homme, même les plus simples, obéissent à la théâtralité dont Evreinov avait jeté les bases théoriques. Métamorphose de la laideur en beauté, expérience sensuelle du réel à travers l’action transformatrice de l’être dans le monde, la théâtralité s’exprime par une mutation permanente des formes[1], cependant est-elle le reflet d’un principe plus ordonnateur tel que Claude Lévi-Strauss l’avait postulé[2] : la source d’un répertoire idéal? Peut-elle être une forme de hiérophanie[3], manifestation du sacré, dans le réel ? Touchant tous les hommes, les sociétés se sont empressées de contrôler cette force instinctive par tous les moyens de pouvoir faisant de la théâtralité une arme : politique, sociale, culturelle, symbolique et artistique.

L’idée centrale de cette journée d’étude est de s’appuyer sur le concept de théâtralité de Nicolas Evreinov selon lequel « la théâtralité […] est un instinct qui contraint l’homme à se transformer et à transformer son univers […] ».

Cette rencontre proposée par La Chaire d’Archéologie des Civilisations de l’Amérique Préhispanique en partenariat avec le Centre André Chastel et l’École Doctorale 124 de Sorbonne Université a pour objectif de réunir de jeunes chercheurs et doctorants dans le but de travailler sur les relations entre théâtralité et pouvoir : comment ont été mises en scène l’archéologie et ses découvertes, l’histoire de l’art et les œuvres d’art, et toute autre production aussi bien matérielle qu’immatérielle. Sujet d’actualité, en ce que les disciplines réfléchissent sur elles-mêmes, cette journée d’étude permettra de développer des approches et des réflexions transversales afin de tenter d’éclairer une partie des dynamiques à l’œuvre dans les mises en scène des objets.

Interdisciplinaire, la journée d’études convoquera les méthodes historique, archéologique, anthropologique, muséologique et artistique afin d’interroger les différentes expressions du pouvoir et ses manifestations. Le rôle des images, des formes et des structures de monstration sont à mettre en rapport avec leurs mises en scène, leurs contextes et leurs diffusions. La rencontre offrira un espace d’échange et de communication permettant d’articuler les différents domaines de recherche et de croiser les regards. Elle s’inscrit dans les démarches d’investigation de la Chaire d’Archéologie des Civilisations de  l’Amérique Préhispanique de Sorbonne Université et du Centre André Chastel avec pour caractéristique un partenariat entre art et archéologie ayant pour point commun l’histoire et les multiples influences réciproques que ces disciplines ont eu dans la construction et la représentation des cultures au prisme de la « vision européenne ».

Les propositions de communications (environ 300 mots) avec une petite bibliographie sont à faire parvenir avant le 20 février 2018 à : theatralite.pouvoir@outlook.fr

https://www.facebook.com/events/174359986670973/

Membres organisateurs :

Micaela Neveu, doctorante, Sorbonne Université

Marion Bertin, doctorante, Ecole du Louvre/ Université de La Rochelle.

Daniel Lévine, professeur titulaire de la Chaire d’Archéologie des Civilisations de  l’Amérique Préhispanique, Sorbonne Université.

Arnaud Maillet, maître de conférences,  Sorbonne Université, UMR 8150 Centre André Chastel.

François Cuynet, maître de conférences, Sorbonne Université, CERAP.

Marie Planchot et l’équipe de l’école doctorale 124 de Sorbonne Université.

Comité scientifique : Daniel Lévine, François Cuynet,  Arnaud Maillet, Micaela Neveu, Marion Bertin.

[1] Marcadé Valentine, Le renouveau de l’art pictural russe 1863-1914, Lausanne, L’Age de l’Homme, 1971.

[2] « L’ensemble des coutumes d’un peuple est toujours marqué par un style ; elles forment des systèmes. Je suis persuadé que ces systèmes n’existent pas en nombre illimité, et que les sociétés humaines, comme les individus dans leurs jeux, leurs rêves ou leurs délires ne créent jamais de façon absolue, mais se bornent à choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu’il serait possible de reconstituer », Lévi-Strauss Claude, Tristes tropiques, Paris, Plon, 1955.

[3] « La pierre sacrée, l’arbre sacré ne sont pas adorés en tant que tels ; ils ne le sont que parce qu’ils sont des hiérophanies, parce qu’ils montrent quelque chose qui n’est plus ni pierre ni arbre, mais le sacré…en manifestant le sacré, un objet quelconque devient  autre chose…, la Nature toute entière est susceptible de se révéler en tant que sacralité cosmique…le Cosmos dans sa totalité peut devenir une hiérophanie, […], Eliade Mircea, Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, 1965, pp. 17-18.

Leave a Reply