Appel à communication : « L’art contemporain et le musée : du musée du Luxembourg à aujourd’hui (1818-2018) » (Paris, 10-12 octobre 2018)

Appel à communication : « L’art contemporain et le musée : du musée du Luxembourg à aujourd’hui (1818-2018) » (Paris, Archives nationales, Centre Pompidou, Musée d’Orsay – 10-12 octobre 2018)

(English version below)

Argumentaire :

Conçu comme le prolongement des parcours et expositions organisés au Centre Pompidou et au musée d’Orsay, fruits du projet “Exposer l’histoire d’une collection : Le musée des artistes vivants” conduit dans le cadre du Labex CAP, le colloque international “L’art contemporain et le musée : du musée du Luxembourg à aujourd’hui (1818-2018)” aura lieu à l’automne 2018 aux Archives nationales, au Centre Pompidou et au musée d’Orsay.

La célébration du bicentenaire de la création du premier musée d’art contemporain au palais du Luxembourg en 1818 sera ainsi l’occasion d’établir un bilan historiographique de l’institution et des problématiques que continue de soulever l’exposition d’un art “contemporain”, dans une perspective transnationale et interdisciplinaire. Il s’agira donc de porter un regard rétrospectif et réflexif sur le positionnement des musées publics et privés, passés et actuels, face à l’art de leur temps.

Universellement connu sous le nom de “musée du Luxembourg”, ce premier musée d’art contemporain se positionna comme une instance de consécration artistique intermédiaire entre le Salon et les musées-conservatoires (Louvre, musées de province) : il ne possédait donc pas de collection en propre. La préférence pour une dénomination officielle inspirée non pas par ses missions mais par son siège initial, dissimule en réalité un malentendu tenace : loin d’être un “musée des artistes vivants”, le musée du Luxembourg était de facto un “musée des artistes contemporains” (Bénédite, 1892), un “musée de passage”, où les morts voisinaient avec les vivants, jusqu’à ce que le sort des œuvres exposées soit tranché.

Organisme de diffusion de l’art contemporain à l’échelle nationale (Bertinet, 2015), le musée du Luxembourg fut l’un des modèles les plus transposés dans les grandes capitales mondiales au XIXe et au début du XXe siècle (Lorente, 2009). Ce rayonnement international culmine pourtant au moment même où le musée traverse une crise réelle, provoquée par une représentativité artistique jugée lacunaire (absence de véritable politique d’acquisition, décalage avec la production artistique contemporaine) et par son absence d’exemplarité architecturale et muséographique (bâtiments inadaptés et temporaires, saturation des espaces d’exposition) (Bastoen, 2015). Cette crise serait ainsi particulièrement symptomatique et indissociable du recul de la situation muséale parisienne, surpassée par le modèle d’innovation et de création incarné par de nouvelles capitales culturelles comme Berlin, New York et Chicago (Tarasco-long, 2009).

La légitimité contestée du musée du Luxembourg renvoie à la question, toujours actuelle, de l’aptitude des institutions muséales à rendre compte de la production artistique contemporaine, tant du point de vue de la politique d’acquisition des œuvres que de leur présentation au public. La programmation du colloque s’attachera tout particulièrement à développer les bases d’une histoire croisée des musées d’art contemporain à l’échelle globale, ceci dans un dialogue constant avec les pratiques actuelles.

Dans le prolongement des travaux engagés par le Labex CAP et par l’édition 2017 de l’université d’été de la Bibliothèque Kandinsky, nous encourageons les propositions de communication s’interrogeant notamment sur les thématiques suivantes :

Périmètres du contemporain : parce qu’il s’intéresse à « l’art en train de se faire » et non à « l’art hérité » (Pomian, 1989), le musée d’art contemporain pose d’emblée le problème de sa propre temporalité. Comment les institutions muséales dédiées à l’art contemporain ont-elles défini les bornes chronologiques et les catégories d’objets qui les concernaient ? La diversité des termes adoptés – musées d’art « vivant », « moderne », « contemporain » … – comme les hasards de la constitution des collections et de leurs destins au cours de l’histoire, témoignent notamment de cette ambigüité.

Sources du contemporain : la diversité des acteurs liés aux institutions muséales d’art contemporain entraîne la production de sources méconnues pour certaines, voire inédites. Comment les institutions d’art contemporain et les services d’archives s’approprient-ils ces sources dont ils ne sont pas nécessairement les producteurs ? Comment en envisagent-ils la valeur historique et scientifique ? Quelles sont leurs stratégies d’acquisition, de conservation, de communication, de valorisation ?

Mises en récit : les choix d’acquisitions, les opportunités de dons et de legs, ainsi que l’accrochage, la diffusion et la circulation des œuvres engagent d’autre part le musée à construire un discours plus ou moins affirmé sur l’histoire de l’art contemporain et son actualité. Rarement consensuelles, ces mises en récit peuvent être prescriptrices de la valeur d’un artiste, d’un mouvement, ou encore d’une scène artistique locale ou nationale. La mondialisation croissante de la culture et la prise en compte d’aires culturelles longtemps ignorées par une histoire de l’art moderne en grande partie centrée sur l’Occident rendent cette dimension critique particulièrement sensible aujourd’hui.

Politiques muséales : la création de musées d’art contemporain est également porteuse d’enjeux économiques et politiques, architecturaux et urbanistiques parfois considérables, comme en témoigne la multiplication récente de fondations privées et d’antennes de grandes institutions. En ce sens, sont particulièrement attendues des propositions interrogeant les relations ou oppositions entre musées publics et musées privés, rôle de l’Etat et rôle du marché, activités du collectionneur et métier de conservateur, lesquels présentent souvent de fortes disparités selon les pays.

Musées et création contemporaine : l’entrée au musée, qu’elle soit désirée ou dénoncée, calculée ou subie, précoce, tardive ou encore posthume, constitua de tout temps un élément majeur de la biographie d’artiste. Il s’agira d’interroger les multiples enjeux de ce processus de muséification, mais aussi d’envisager la place du musée d’art contemporain au sein du processus créatif. Une attention particulière sera ainsi portée sur les possibles interactions d’une œuvre avec l’institution muséale, son espace, sa fonction et son histoire, tant d’un point de vue pratique que symbolique.

Les propositions de communication (2500 signes environ, accompagnées d’une courte présentation de l’auteur) sont à envoyer à bicentenaire.museeduluxembourg@gmail.com avant le 16 avril 2018. Les langues du colloque seront le français et l’anglais.

Bibliographie indicative :

Bastoen (2015). Julien Bastoen, L’art contre l’Etat ? La trajectoire architecturale du Musée du Luxembourg dans la construction de l’illégitimité de l’action artistique publique. 1848–1920, thèse de doctorat européen en architecture, Université Paris Est, 2015.

Bénédite (1892). Léonce Bénédite, « Le Musée des artistes contemporains », La Gazette des beaux-arts, mai 1892, p. 401-415.

Bertinet (2015). Arnaud Bertinet, Les Musées de Napoléon III. Une institution pour les arts (1849-1872), Paris, Mare et Martin, 2015.

Lorente (2009). J. Pedro Lorente, Les Musées d’art moderne et contemporain : une exploration conceptuelle et historique, traduit de l’espagnol par Julien Bastoen, Paris, L’Harmattan, 2009.

Pomian (1989). Krzysztof Pomian, « Le musée face à l’art de son temps », Cahiers du Musée national d’art moderne, 03/1989, L’art contemporain et le musée, p. 5-10.

Tarasco-Long (2009). Véronique Tarasco-Long, « Capitales culturelles et patrimoine artistique : Musées de l’ancien et du nouveau monde », in Christophe Charle (dir.), Le temps des capitales culturelles, Seyssel Champ-Vallon, 2009, p. 135-170.

Comité d’organisation :

Arnaud Bertinet (université Paris I-Panthéon-Sorbonne / Hicsa / Labex CAP)

Julien Bastoen (école nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville)

Laurent Cazes (docteur de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Alice Thomine (musée d’Orsay)

Scarlett Reliquet (musée d’Orsay)

Nicolas Liucci-Goutnikov (MNAM/Centre Pompidou / Labex CAP)

Jean-Max Collard (MNAM/Centre Pompidou)

Clothilde Roullier (Archives nationales)

Geneviève Profit (Archives nationales)

Claire-Emmanuelle Longuet (Sénat)

Pauline Debionne (Sénat)

Comité scientifique :

Masha Chlenova (College Art Association)

Jérôme Glicenstein (Université Paris 8)

Johanne Lamoureux (Université de Montréal)

Richard Leeman (Université Bordeaux-Montaigne)

Pedro Lorente (Universidad de Zaragoza)

France Nerlich (INHA)

Pierre Pinchon (Aix-Marseille Université)

Dominique Poulot (Université Paris I-Panthéon Sorbonne)

Pierre Wat (Université Paris I-Panthéon Sorbonne)

 

[English version]

Contemporary Art and the Museum:
from the Musée du Luxembourg to the present day (1818-2018)

International symposium

Archives Nationales, Centre Pompidou, Musée d’Orsay – 10-12 October 2018

 

CALL FOR PAPERS

Designed as an extension to the displays and exhibitions organised at the Pompidou Centre and the Musée d’Orsay, the results of the project “Exhibiting the History of a Collection: The Museum for Living Artists” organised as part of the Labex CAP, the international symposium “Contemporary Art and the Museum: from the Musée du Luxembourg to the present day (1818-2018)” will be held in autumn 2018 at the Archives Nationales, the Centre Pompidou and the Musée d’Orsay.

The celebration of the bicentenary of the first museum of contemporary art in the Palais du Luxembourg in 1818 will thus be an opportunity to set out a historiographical appraisal of the institution and of the issues that exhibiting “contemporary” art continues to raise, taking a transnational and interdisciplinary approach. It will therefore take a retrospective and reflective look at how public and private museums, past and present, position themselves when faced with the art of their time.

Universally known as the “Musée du Luxembourg”, this first contemporary art museum positioned itself as a body providing interim artistic recognition between the Salon and traditional museums (Louvre, regional museums): it therefore did not have a collection of its own. The preference for an official name inspired not by its missions but by its initial location concealed a persistent misunderstanding: far from being a “museum for living artists”, the Musée du Luxembourg was de facto a “museum for contemporary artists” (Bénédite, 1892), a musée de passage, where the dead rubbed shoulders with the living until the fate of the works on display was decided.

An organism for the dissemination of contemporary art on a national scale (Bertinet, 2015), the Musée du Luxembourg was one of the models most frequently adopted by the great capitals of the world in the 19th and early 20th centuries (Lorente, 2009). This international influence, however, reached its height just at the moment when the museum was going through a real crisis brought about by its artistic representativeness being considered incomplete, (an absence of any real acquisition policy, out of step with contemporary artistic production) and by a failure to offer good examples in architecture and museography (unsuitable and temporary buildings, saturation of exhibition spaces) (Bastoen, 2015). This crisis was thus particularly symptomatic of and inseparable from the reversal in the position of Paris museums, surpassed by the innovative and creative model embodied in new cultural capitals such as Berlin, New York and Chicago (Tarasco-long, 2009).

The disputed legitimacy of the Musée du Luxembourg goes back to the question, still relevant today, of the aptitude of museum institutions to deal with contemporary artistic production, both in terms of an acquisition policy for artworks and their presentation to the public. The symposium programme will endeavour to develop the bases of an interconnected history of contemporary art museums in a global context, in a constant dialogue with current practices.

Continuing the work undertaken by the Labex CAP and the 2017 edition of the Bibliothèque Kandinsky’s Summer University, we will welcome papers examining the following themes in particular:

Scope of the contemporary: because it is interested in “art in the process of being made” and not in “inherited art” (Pomian, 1989), the museum of contemporary art immediately raises the issue of its own temporality. How have museum institutions devoted to contemporary art defined the chronological limits and object categories relating to them? The diversity of the terms adopted – museums of “living”, “modern”, “contemporary” art –like the random nature of forming the collections and their fate through history, demonstrates this ambiguity.

Sources of the contemporary: the diversity of people involved in contemporary art museums and related institutions leads to the production of sources that are little known, totally new even, in some cases. How do contemporary art institutions and archive departments make these sources their own, which they do not necessarily produce? How do they envisage their historic and scientific value? What are their strategies for acquisition, conservation, communication, and enhancement?

Creating narratives: moreover, the choice of acquisitions, the opportunities offered by donations and bequests, as well as the display, dissemination and circulation of artworks oblige the museum to create a fairly powerful discourse on the history of contemporary art and its current situation. Rarely consensual, these narratives can be prescriptive about the value of an artist, a movement, or even of a local or national art scene. The growing globalisation of culture and the recognition of cultural areas long ignored by a history of modern art mainly centred on the West makes this critical dimension particularly sensitive today.

Museum policies: the creation of contemporary art museums also raises somewhat significant issues when it comes to economics, politics, architecture and town planning, as the recent multiplication of private foundations and offshoots of great institutions shows. In this respect, we particularly welcome proposals examining the relationships or conflicts between public and private museums, between the role of the State and that of the market, between the collector’s activities and curator’s profession, which often reveal great disparities from country to country.

Museums and contemporary creation: a work entering a museum, whether this is desired or denounced, calculated or imposed, early, late or even posthumous, has always been an important factor in an artist’s biography. Not only should the multiple issues of the process of becoming a museum piece be examined, but also the place of the contemporary art museum in the creative process. Particular attention will therefore be given to the possible interactions of an artwork with a museum institution, its space, its function and its history, both from a practical point of view and a symbolic one.

Proposals for papers (around 2500 characters (with a small abstract by the author) should be sent to bicentenaire.museeduluxembourg@gmail.com before 16 April 2018. The languages for the symposium will be French and English.


Bastoen (2015). Julien Bastoen, L’art contre l’Etat ? La trajectoire architecturale du Musée du Luxembourg dans la construction de l’illégitimité de l’action artistique publique. 1848–1920, thèse de doctorat européen en architecture, Université Paris Est, 2015.

Bénédite (1892). Léonce Bénédite, “Le Musée des artistes contemporains (The Museum of Contemporary Artists)”, La Gazette des Beaux-Arts, May 1892, p. 401-415.

Bertinet (2015). Arnaud Bertinet, Les Musées de Napoléon III. Une institution pour les arts (1849-1872) (The Museums of Napoleon III. An Institution for the Arts (1849-1872)), Paris, Mare et Martin, 2015.

Lorente (2009). J. Pedro Lorente, Les Musées d’art moderne et contemporain : une exploration conceptuelle et historique (Museums of Modern and Contemporary Art: Conceptual and Historical Exploration), translated from the Spanish by Julien Bastoen, Paris, L’Harmattan, 2009.

Pomian (1989). Krzysztof Pomian, “Le musée face à l’art de son temps », Cahiers du Musée national d’art modern” (The Museum confronted with the Art of its Time), Cahiers du Musée National d’Art Moderne, 03/1989, Contemporary Art and the Museum, p. 5-10.

Tarasco-Long (2009). Véronique Tarasco-Long, “ Capitales culturelles et patrimoine artistique : Musées de l’ancien et du nouveau monde” (Cultural Capitals and Artistic Heritage: Museums of the Ancient and New World) in Christophe Charle (dir.), Le temps des capitales culturelles (The Time of Cultural Capitals), Seyssel Champ-Vallon, 2009, p. 135-170.

 

ORGANISING COMMITTEE

Arnaud Bertinet (université Paris I-Panthéon-Sorbonne / Hicsa / Labex CAP)

Julien Bastoen (école nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville)

Laurent Cazes (docteur de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Alice Thomine (musée d’Orsay)

Scarlett Reliquet (musée d’Orsay)

Nicolas Liucci-Goutnikov (MNAM/Centre Pompidou / Labex CAP)

Jean-Max Collard (MNAM/Centre Pompidou)

Clothilde Roullier (Archives nationales)

Geneviève Profit (Archives nationales)

Claire-Emmanuelle Longuet (Sénat)

Pauline Debionne (Sénat)

SCIENTIFIC COMMITTEE

Masha Chlenova (College Art Association)

Jérôme Glicenstein (Université Paris 8)

Johanne Lamoureux (Université de Montréal)

Richard Leeman (Université Bordeaux-Montaigne)

Pedro Lorente (Universidad de Zaragoza)

France Nerlich (INHA)

Pierre Pinchon (Aix-Marseille Université)

Dominique Poulot (Université Paris I-Panthéon Sorbonne)

Pierre Wat (Université Paris I-Panthéon Sorbonne)

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