Appel à communication : « L’artiste en revues. Fonctions, contributions et interactions de l’artiste en mode périodique » (Bruxelles, 28-30 octobre 2013)

Andy Warhol, Daily News, 1962. Museum für Moderne Kunst, Frankfurt am Main.

Cet appel à communication s’inscrit à la fois dans la continuité des travaux du groupe de contact FNRS « Écrits d’artistes » et du projet Pictoriana, et dans celle des recherches récentes qui ont mis en évidence les interactions entre presse et littérature[1], mais aussi entre art et revues[2]. À la suite de ces travaux, ce colloque interrogera les différentes modalités de collaborations d’artistes et leurs réalisations concrètes dans une publication périodique. Sous le terme d’« artiste », on prendra en compte peintres, sculpteurs, musiciens, compositeurs, cinéastes, chorégraphes, danseurs… dont la majeure part de la production ne relève pas du champ littéraire. Ce colloque transdisciplinaire s’intéressera davantage à l’écrit et aux dispositifs qui l’encadrent dans la mesure où les contributions des artistes par l’illustration ont déjà été traitées (Stead et Védrine, 2008). Toute analyse mettant en jeu l’illustration se devra donc d’être pensée en connexion avec son environnement textuel.

De même, si les écrits critiques d’artistes ont pu faire l’objet d’analyses monographiques, force est de constater qu’une étude systématique des différents types d’interventions d’artistes dans les périodiques fait encore défaut, notamment en ce qui concerne le rôle des artistes dans la gestion ou l’organisation d’un périodique[3]. Il s’agira d’interroger ces contributions dans la diversité de leurs formes et modalités, afin, notamment, de mettre au jour le rôle des revues et de la presse quotidienne dans la structuration de la vie artistique ainsi que dans les trajectoires individuelles des artistes.

Les travaux se concentreront non seulement sur les contributions écrites des artistes dans l’espace qui leur est traditionnellement imparti, comme celui de la critique d’art, mais aussi, et de façon plus innovante, dans tous les autres lieux d’action possibles (direction de revue, constitution du réseau de la rédaction, critique littéraire, publicité, tribunes politiques, enquêtes et tout type d’écriture journalistique). On envisagera en outre le périodique comme un outil de promotion, mais aussi comme un lieu d’échange et de rencontre avec le public, avec d’autres artistes, d’autres disciplines artistiques, l’actualité et surtout, avec l’écriture.

Le présent appel invite à considérer ces interventions sur la longue durée, de 1830 à nos jours, dans les publications périodiques, entendues au sens large : revues artistiques et littéraires, mais aussi journaux et revues généralistes, « petite presse » et magazines (pour la seconde partie du XXe siècle). L’aspect contemporain n’est pas à négliger, si l’on songe, par exemple, au débat médiatique suscité en 2011 par Jean Birnbaum, quand il a pris la direction du Monde des Livres, et y a accueilli les critiques littéraires du chorégraphe Jean-Claude Galotta et, en 2012, du chanteur Dominique A et des comédiens Denis Podalydes et François Morel.

Une attention particulière sera portée aux différences d’enjeux entre publications périodiques selon qu’elles relèvent du pôle de production restreint (petites revues d’art ou de littérature) ou de celui de la grande production (presse).

In fine, il s’agira de rendre compte de l’usage des périodiques comme d’une porte ouverte sur le monde, c’est-à-dire comme espace de confrontations et d’influences multiples, en tâchant de placer cette expérience en perspective avec l’œuvre artistique. L’analyse d’échanges formels et thématiques entre cette dernière et le dispositif périodique en constituera un volet essentiel.

Organisé à l’Université libre de Bruxelles du 28 au 30 octobre 2013, ce colloque prend donc pour hypothèse que les publications périodiques constituent le lieu d’un investissement non marginal et que leur étude enrichira la compréhension de leurs œuvres et du champ culturel dans sa globalité à partir de l’âge de la « civilisation du journal » (Kalifa, Régnier, Thérenty et Vaillant, 2011).

Axes privilégiés :

– Étude d’un corpus périodique :

Nous sollicitons des communications qui éclaireraient, sur la longue durée, les collaborations méconnues d’artistes dans une publication périodique généraliste qui relève du pôle de grande diffusion (exemple de liste non exhaustive : PunchGil BlasLe petit Journal, ou pour le XXe siècle : The New YorkerL’Humanité, Vogue…). Cet aspect, particulièrement méconnu, permettra de renouveler le point de vue critique en retraçant l’évolution des interactions entre artistes et périodiques et en évaluant la place d’un périodique dans le champ artistique.

Dans le cadre d’une typologie des collaborations au support périodique, on n’oubliera pas de situer la fonction et les objectifs d’apports plus marginaux, souvent négligés, telle la confection de culs-de-lampe, de logos ou de mise en page par des plasticiens pour une revue littéraire ou pour la presse quotidienne.

 Réseau du périodique et champ artistique :

En considérant qu’une publication périodique repose sur un réseau social constitué, on s’intéressera au degré d’intégration de l’artiste à ce réseau : l’échange entre artistes et périodiques est-il direct ? Qui peut servir d’intermédiaire (écrivain, journaliste, galeriste, etc.) ?

On évoquera les opportunités que peuvent ouvrir ces réseaux. Ceux-ci communiquent parfois entre revues littéraires (s’adressant à un public restreint) et périodiques de grande diffusion (songeons à l’exemple de Félix Vallotton qui profite de contacts établis à La Revue blanche pour intégrer ultérieurement d’autres revues telles que Le Cri de ParisL’Assiette au Beurre, etc.) Les artistes peuvent également user indirectement de leur réseau de relations pour influencer un journal ou une revue (Félicien Rops, James Ensor ou Gustave Courbet dictaient à leurs amis critiques, ce qu’ils devaient écrire dans la presse à leur sujet).

On déterminera enfin le rôle éventuel que l’artiste joue dans la mise en place du réseau d’un périodique et l’influence de ce réseau sur la carrière et l’œuvre de l’artiste. Plusieurs artistes ont dirigé des revues à des fins expérimentales pour leurs développements artistiques (Francis Picabia et 391 ; Émile Bernard et La Rénovation esthétique). On cherchera à comprendre en quoi ces collaborations contribuent à structurer le champ (incidence sur la carrière de l’artiste, instances de légitimation, position d’avant-garde, constitution de réseaux, d’écoles…)

– Trajectoires et postures d’artistes :

Les causes et conséquences d’une implication dans un périodique peuvent aussi varier en fonction du moment, dans la carrière de l’artiste, où elle se produit. L’investissement est-il permanent ou temporaire ? en début ou en fin de carrière ? On pourra ainsi problématiser le rôle joué par la revue ou le quotidien dans la trajectoire individuelle : s’agit-il d’un rôle de catalyseur dans la stratégie et la reconnaissance éventuelle de l’artiste ? Fournit-il à l’artiste l’occasion de définir son identité artistique ?

Par ailleurs, si l’on prend l’exemple d’un peintre, le lecteur d’une revue littéraire ne coïncide pas forcément avec le spectateur d’une galerie d’art ou d’un salon. Comment inscrire la réception et la recherche d’un nouveau public dans ces interactions entre œuvre artistique, production écrite des artistes et collaboration au périodique ?

– Interactions génériques et stylistiques :

Sur le modèle du croisement des matrices littéraire et médiatique dans la mise en place de poétiques journalistiques au XIXe siècle, tel qu’il a été établi par Marie-Ève Thérenty (2007), on interrogera la collaboration d’un artiste à un support périodique dans le cadre d’un système croisé de médiations. Sa pratique et son œuvre peuvent-elles être influencées par cette implication dans un périodique ? Comment la contribution à un périodique, dite « alimentaire », peut-elle déterminer l’œuvre, dite « noble » ? Le périodique détermine-t-il une prédilection pour des supports spécifiques dans une pratique artistique ? À l’inverse, quels bénéfices un artiste peut-il retirer du lieu d’expérience que représente le périodique ? On interrogera dans cette perspective l’écrit, ainsi que la relation potentielle de l’image avec celui-ci aux points de vue thématique, générique, technique et/ou stylistique.

– Détournements artistiques :

Les artistes peuvent récupérer le support périodique dans sa matérialité ou dans ses modèles matriciels (p. ex. périodicité ou actualité) dans la pratique même de leur art. À cet égard, on se référera à l’intégration du support dans l’œuvre d’art (cf. le collagisme dans divers mouvements comme Dada, le Pop art, Fluxus, etc.) ou à la représentation même de la presse dans ses sujets de prédilection ou ses modes de consommation (représentations du lecteur de presse, parodies d’actualités, etc.) On analysera une esthétique visuelle de l’éphémère et de l’actuel, pensée en interaction avec ce lieu d’écriture qu’est le périodique.

 

Les propositions de communications (d’environ 500 mots), en français ou en anglais, seront envoyées sur une page anonyme, accompagnée d’une page indépendante reprenant les coordonnées personnelles et une brève biobibliographie.

Elles devront parvenir à Clément Dessy (cdessy@ulb.ac.be) et à Clara Sadoun-Édouard (clara.edouard@gmail.com) pour le 1er mars 2013. Une réponse sera adressée aux auteurs à la fin du mois du mars.

Une publication d’une sélection des travaux issus de cette journée est prévue sous la forme d’un dossier thématique de revue.

 Comité organisateur

  • Laurence Brogniez (Université libre de Bruxelles)
  • Clément Dessy (FNRS – Université libre de Bruxelles)
  • Valérie Dufour (FNRS – Université libre de Bruxelles)
  • Véronique Jago-Antoine (Facultés Universitaires Saint-Louis – Archives et musée de la littérature, Bruxelles)
  • Clara Sadoun-Édouard (Université libre de Bruxelles)
  • Alexander Streitberger (Université catholique de Louvain)

Comité scientifique

  • Paul Aron (FNRS – Université libre de Bruxelles)
  • Nathalie Aubert (Brookes University)
  • Marie-Hélène Benoît-Otis (Université de Montréal)
  • Laurence Brogniez (Université libre de Bruxelles)
  • Yves Chevrefils Desbiolles (IMEC, Caen)
  • Clément Dessy (FNRS – Université libre de Bruxelles)
  • Michel Duchesneau (Université de Montréal)
  • Valérie Dufour (FNRS – Université libre de Bruxelles)
  • Pascal Durand (Université de Liège)
  • Marianne Jakobi (Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand)
  • Philippe Kaenel (Université de Lausanne)
  • Véronique Jago-Antoine (Facultés Universitaires Saint-Louis – Archives et musée de la littérature, Bruxelles)
  • Denis Laoureux (Université libre de Bruxelles)
  • Françoise Levaillant (CNRS – Centre André Chastel)
  • Françoise Lucbert (Université Laval, Québec)
  • Clara Sadoun-Édouard (Université libre de Bruxelles)
  • Alexander Streitberger (Université catholique de Louvain)
  • Marie-Eve Thérenty (Université Paul Valéry, Montpellier)

Conférenciers confirmés

Michel Duchesneau (Université de Montréal) et Marie-Ève Thérenty (Université Paul Valéry, Montpellier)

Bibliographie sélective

Albert (Pierre), La presse française, Paris, éd. La Documentation française, coll. « Études de la presse française », 2008.

Aurenche (Marie-Laure), Édouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque, Paris, Champion, 2002.

Bacot (Jean-Pierre), La Presse illustrée au XIXe siècle, une histoire oubliée, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2005.

Chevrefils Desbiolles (Yves), Les revues d’art à Paris : 1905-1940, préface de Françoise Levaillant, Paris, Ent’revues, 1993.

Froissart Pezone (Rossella), Chevrefils Desbiolles (Yves) (dir.), Les revues d’art: formes, stratégies et réseaux au XXe siècle, avec la collaboration de Romain Mathieu, préface de Pierre Wat, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011.

Kaenel (Philippe) (éd.), Les périodiques illustrés, 1890-1940 : écrivains, artistes, photographes, Gollion, Infolio, 2011.

Kalifa (Dominique) et Vaillant (Alain), « Pour une histoire culturelle et littéraire de la presse », Le temps des médias, n°2, printemps 2004, p. 197-214.

Kalifa (Dominique), Régnier (Philippe), Thérenty (Marie-Ève), Vaillant (Alain) (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde Éditions, coll. « Opus Magnum », 2011.

Levaillant (Françoise) (dir.), Les écrits d’artistes depuis 1940, actes du colloque international, Paris et Caen, 6-9 mars 2002, Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, IMEC, 2004.

Lucbert (Françoise), Entre le voir et le dire : la critique d’art des écrivains dans la presse symboliste en France de 1882 à 1906, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.

Pluet-Despatin (Jacqueline), Leymarie (Michel), Mollier (Jean-Yves) (dir.), La Belle Époque des revues: 1880-1914, Paris, IMEC, 2002.

Stead (Evanghélia), Védrine (Hélène) (dir.), L’Europe des revues (1880-1920) : estampes, photographies, illustrations, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2008.

Thérenty (Marie-Ève), La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2007.


[1] Nous pensons notamment à ceux de Marie-Ève Thérenty, d’Alain Vaillant au sein du RIRRA21 de Montpellier 3 (Représenter et Inventer la Réalité du Romantisme à l’Aube du XXIE siècle) et, en Belgique, aux recherches conduites par Paul Aron au sein du projet « Presse et littérature en Belgique francophone » (ARC – Action de Recherche Concertée).
[2] Nous songeons ici au séminaire interuniversitaire du TIGRE (Texte et Image Groupe de Recherche à l’École).
[3] Cf. par exemple : Hélène Védrine, « Face-à-face et réseaux de revues : L’Épreuve album d’art, Le Livre d’artPan et La Revue rouge », dans Philippe Kaenel (éd.), Les périodiques illustrés, 1890-1940 : écrivains, artistes, photographes, Gollion, Infolio, 2011, p. 119-155.

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