Appel à communication : « L’erreur, l’échec, la faute » dans le monde médiéval

Appel à communication sur « L’échec, l’erreur, la faute » pour les séances de Questes des 8 novembre et 13 décembre 2013

« Errare humanum est, sed persevare diabolicum » écrit saint Augustin. À sa suite, les hommes du Moyen Âge pensent l’erreur, l’échec, la faute. Travailler sur ces notions, c’est se plonger au cœur du monde médiéval ; c’est l’aborder par le revers de la médaille, en s’intéressant non pas à ses succès mais à leurs contraires, sans pour autant retomber dans le mythe d’un Moyen Âge obscurantiste. Trois niveaux de lecture se dégagent :

– Une lecture morale et théologique, d’abord, qui insiste, dans l’ombre de la Chute, sur la nature faillible de l’homme, sa rétribution et sa rédemption. Une lecture évidemment très forte dans les traités, mais que l’on trouve aussi au cœur des chroniques historiques ou des œuvres romanesques. Les rois pèchent et les royaumes s’effondrent. Les héros cèdent à la tentation et en paient le prix. Au cœur des exempla, les fautifs et les coupables se retrouvent également sur les tympans des églises, tels ceux de Conques ou de Moissac. La réflexion sur cette faiblesse qui traverse la nature humaine se fait aussi réflexion philosophique, lorsque par exemple Thomas d’Aquin réfléchit sur la liberté et la responsabilité de l’homme.

– Une lecture politique et juridique, ensuite, et cette fois la faute et l’erreur se déclinent sur le mode du crime, de la trahison, de la culpabilité. Des recherches récentes ont mis l’accent sur l’importance de la justice et de la punition – tant humaine que divine – dans les sociétés du Moyen Âge, et ces études viendront nourrir la réflexion sur ces thèmes. Faut-il punir le coupable ou pardonner au fautif ? se demandent les juges, les inquisiteurs, les confesseurs. Pour Gerson, la sentence est une mesure salvatrice pour le coupable ; ne pas rendre justice serait une « folle misericorde ». Le roi cependant se réserve le droit de grâce à mesure qu’il se définit comme père de ses sujets (Claude Gauvard). La prise en compte de l’erreur et de l’échec nourrit aussi la construction d’une certaine tolérance, comme l’illustre le proverbe médiéval « vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».

– Une lecture plus pratique, enfin, qui se heurte souvent au silence des sources. Les erreurs de traduction sont fréquentes et attestent à la fois de la mauvaise réception des classiques et de l’intérêt que leur porte l’Occident médiéval : ainsi du « pus ignobile » de Galien, traduit sous la forme de « pus louable », et qui poussa des centaines de médecins occidentaux à en favoriser l’apparition alors même qu’elle condamnait le malade. Pour autant, la question même de l’erreur de traduction et de copie est complexe et témoigne de critères propres aux hommes du Moyen Âge et aux circonstances de la production du texte, qu’il faut également élucider et analyser. D’un autre côté, l’expérimentation scientifique et technique, des lunettes de Bacon aux machines de Léonard de Vinci, se heurte souvent à des erreurs de conception ou à des impasses qui n’enlèvent pourtant rien à l’intérêt de ces recherches.

La problématique se prête donc à différentes approches, de l’histoire à la théologie, de l’histoire de l’art à la littérature. Il s’agira d’étudier à la fois les représentations de l’erreur et de la faute dans les textes littéraires, les œuvres d’art, les réflexions politiques, juridiques ou historiques, les traités moraux et spirituels, que d’étudier ces échecs d’une façon plus concrète.

Les doctorants de toutes les disciplines sont donc les bienvenus, et peuvent envoyer leurs propositions d’intervention à Florian Besson (fbesson@clipper.ens.fr) et Catherine Kikuchi (catherine.kikuchi@normale.fr).

Florian Besson et Catherine Kikuchi

Questes est l’association des doctorants médiévistes de Paris IV. Les séances ont lieu une fois par mois, le vendredi de 18h à 20h, à la Maison de la Recherche de la Sorbonne (28 rue Serpente, 75005), en salle D223.

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