Appel à communication : L’hygiène de l’artiste : soins du corps, représentations et pratiques artistiques à l’époque contemporaine, XIXe-XXe siècles (Besançon, 28-29 nov. 2024)

Appel à communication – Colloque

L’hygiène de l’artiste : soins du corps, représentations et pratiques artistiques à l’époque contemporaine (XIXe-XXe siècles)

Date et lieu : Besançon, 28-29 novembre 2024
Date limite des propositions : 1er juin 2024

Si de nombreuses études dédiées à la physiologie de l’artiste ont exploré l’importance du corps du créateur et de ses mises en scène, l’ambition de ce colloque est d’interroger plus précisément le lien qui existent entre les artistes et les pratiques hygiéniques, les soins et les objets de l’entretien corporel afin d’élargir et d’approfondir notre compréhension des rapports entre corps et création artistique à l’époque contemporaine.

Il s’agira, notamment, de s’intéresser à l’agentivité des artistes, plus qu’aux seules prescriptions qui leur sont adressées, et de voir comment ceux-ci se sont investis pour préserver ou améliorer leur état de santé, leur forme physique, leur apparence extérieure, à travers des pratiques allant de la gymnastique aux philosophies corporelles alternatives, de l’adhésion à des régimes alimentaires spécifiques à l’utilisation de produits de beauté, de médicaments ou d’outils destinés à l’entretien du corps.

Pensé sur une chronologie étendue (XIXe-XXe siècles), permettant d’historiciser l’évolution et la transformation des discours hygiéniques et cosmétiques à l’époque contemporaine, ce colloque souhaite étudier tout d’abord les représentations et auto-représentations des artistes mettant en scène les rituels, les gestes, les lieux et les objets de l’entretien corporel (gymnastique, culturisme, bains de mer, héliothérapies, toilette quotidienne, soins de beauté, soins capillaires, etc.).

On pourra alors proposer des éléments de réponse aux questions que ces représentations soulèvent : Comment s’articulent ces pratiques avec les représentations ou les auto-représentations de l’artiste ? À quelles mises en scène donnent-elles lieu ? Dans quelle mesure les artistes ont d’ailleurs pensé leur corps comme à une œuvre d’art à part entière, qu’il serait possible d’améliorer, de transformer ou modifier ? Ont-ils voulu agir sur leur œuvre en prenant soin d’eux-mêmes ? Quels messages intimes, mais aussi esthétiques et politiques peuvent être véhiculés par la mise en scène de l’hygiène de l’artiste ? Quelles significations les artistes ont-ils données à l’absence ostensible d’hygiène corporelle, au refus de prendre soin de soi ?

On souhaite également faire émerger un corpus de sources, visuelles, textuelles ou orales, qui puissent nous renseigner sur les discours et les débats liés à l’hygiène de l’artiste et de ses espaces de travail. Que disent les sources à ce sujet ? Que disent les artistes ? Quels récits, quelles recettes, quels préceptes d’hygiène et/ou de beauté circulant dans l’espace de l’atelier peut-on faire émerger de ces documents ? Comment les artistes s’approprient-ils les nombreuses recommandations qui leur sont adressées notamment dans les traités pratiques qui, tel le Manuel vulgarisateur universel des connaissances artistiques (1868), consacrent un chapitre à “L’hygiène utile aux artistes” ?

Comment penser la relation entre l’évolution des discours hygiéniques et les transformations des pratiques artistiques en matière, par exemple, de posture adoptée, de temps de travail ou encore de matériaux utilisés ? Quelles transformations apportent, par exemple, l’essor de la peinture en plein air, ou des communautés d’artistes naturistes ?

Une autre piste que nous souhaitons explorer lors de cette rencontre est celle de la culture matérielle des artistes, afin de porter une attention particulière aux objets et accessoires liés aux soins corporels (prothèses, corrections ou protections optiques, postiches, etc.). Il nous importe de comprendre la façon dont ces objets ont pu contribuer à cristalliser une image précise de l’artiste, et d’interroger leur impact sur la pratique, la gestualité ou la technique artistique. Ces objets deviennent-ils eux-mêmes le support de créations autonomes ou de ready-made ? Quelle place occupent-ils dans la mythologie personnelle des artistes ? Comment sont-ils exposés et muséalisés ? Les récentes expositions présentant par exemple les corsets de Frida Kahlo nous offrent d’excellents exemples de la façon dont les soins portés au corps ont pu être présentés comme partie intégrante de la démarche de l’artiste et de son œuvre.

Il s’agira également d’interroger les moments de rupture ou de transition dans la relation des artistes à l’entretien de leur corps, et de faire émerger notamment des enjeux majeurs liés au genre et à ses représentations. Dans quelle mesure les prescriptions adressées aux artistes étaient-elles genrées ? Comment les modes capillaires masculines (barbes, poils, cheveux) ont, par exemple, contribué à fabriquer une iconographie de la virilité artistique ou bien à construire une image d’exceptionnalité historiographique ? Peut-on envisager la question des soins du corps sous l’angle de la vanité ou de la coquetterie, masculine ou féminine ?  Quelles pratiques hygiéniques ont au contraire contribué à brouiller, mettre à mal ou neutraliser les frontières entre les genres ?

À l’occasion de ce colloque, nous souhaitons réunir des communications qui puissent explorer les pistes évoquées, voire en proposer d’autres dans une perspective de dialogue transdisciplinaire avec l’histoire culturelle du corps, ainsi que l’histoire de la santé et de la mode, ou la sociologie.

Les propositions de communication (max 1500 caractères) ainsi qu’une courte biographie (500 caractères), sont à envoyer d’ici le 1er juin à sara.vitacca@univ-fcomte.fr et à erika.wicky@univ-grenoble-alpes.fr

Les réponses seront envoyées vers la moitié du mois de juin. Les frais de transport et d’hébergement seront pris en charge par le comité organisateur.

Organisation scientifique :

Sara Vitacca (MCF, Université de Franche-Comté/Centre Lucien Febvre)
Erika Wicky (CPJ, Université de Grenoble Alpes UFR ARSH/LARHRA)

 

Éléments de bibliographie :

Baridon, Laurent, Guedron, Martial, Corps et arts. Physionomies et physiologies dans les arts visuels, Paris/Montréal, 1999.
 
Cheminaud, Julie, “Une figure physiologique de la singularité : l’artiste dans la deuxième moitié du XIXe siècle”. Kauffmann, Michel, et Rolf Wintermeyer. Figures de la singularité. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 2014. (pp. 169-179)
 
Corbin, Alain, Courtine, Jean-Jacques et Vigarello Georges, dir., Histoire du corps. De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, 2005.
 
Grauby, Françoise, Le Corps de l’artiste. Discours médical et représentations littéraires de l’artiste au xixe siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2001.
 
Hopkins, David, Person, Disa, dir., Contagion, Hygiene, and the European Avant-Garde, Routledge, 2023.
 
Laneyrie-Dagen, Nadeje, Vigarello, Georges, dir. La toilette : naissance de l’intime, cat. Exp. Paris, Musée Marmottan Monet – Académie des Beaux-Arts (12 février – 5 juillet 2015), Paris, Hazan, 2015.
 
Laugée, Thierry, Figures du génie dans l’art français (1802-1855), Paris, PUPS, 2016.
 
Mihaely, Gil, « Pilosité et virilité entre le Premier Empire et la Première Guerre mondiale », Napoleonica. La Revue, vol. 30, n° 3, 2017, pp. 132-154.
 
Nakas, Kassandra, Körper der Kunst, Körper der Medizin Ästhetik und Physiologie im 19. Jahrhundert, Paderborn, Brill, 2023.
 
Vigarello, Georges, Le Sain et le Malsain. Santé et mieux-être depuis le Moyen Âge, Paris Seuil, 1993.
 
Vigarello, Georges, Les Métamorphoses du gras : Histoire de l’obésité du Moyen Âge au XXe siècle, Paris Seuil, 2010.
 
Vigarello, Georges, La Silhouette : Naissance d’un défi, du XVIIIe siècle à nos jours, Paris Seuil, 2012.
 
Vigarello, Georges, Le Propre et le Sale : L’hygiène du corps depuis le Moyen Âge, Paris, Seuil, 2013.

Wegenstein, Bernadette, The Cosmetic Gaze: Body Modification and the Construction of Beauty, Cambridge, Massachussets/London, The MIT Press, 2012.

 

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