Appel à communication : « Modernités pittoresques. Le régionalisme architectural comme processus global (1890-1950) (Paris, 30 novembre – 2 décembre 2016)

KollageAu cours des vingt dernières années, l’historiographie architecturale a abordé le régionalisme comme un mouvement pan-européen des années 1890 à 1950, qui, en miroir du Mouvement international moderne avec son programme rationaliste et cosmopolite, a contribué à renforcer les identités locales à travers des langages architecturaux régionalistes. À l’heure de la modernité tardive, certains États-nations européens comme la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou l’Allemagne sont entrés dans une phase de saturation politique caractérisée par un besoin accru de définition de l’identité culturelle. Le régionalisme architectural a alors émergé comme un ensemble polymorphe de stratégies artistiques, favorisé soit par les régimes centralisateurs pour stabiliser le projet national par une valorisation plus prononcée ̶ mais contrôlée ̶ de ses éléments périphériques, soit par des forces centrifuges visant l’autonomie des provinces (régions). Ainsi, en France, ce mouvement s’est notamment développé à travers une série de projets générateurs d’identité, dont les styles ont été qualifiés de néo-basque, néo-breton…, mais aussi à travers l’architecture balnéaire, où s’est exprimée une forme d’éclectisme régionaliste.

Les récentes tentatives d’écriture d’une « histoire globale de l’architecture » ou de définition d’un canon de « l’architecture mondiale », ont été surtout conçues comme des compilations d’études de cas ordonnées systématiquement autour d’entités géographiques et politiques (Europe vs. extra-européen), mais n’ont pas, jusqu’à présent, transposé le scénario mentionné plus haut à une échelle véritablement globale. Une comparaison des stratégies de stabilisation politique et culturelle, de négociation et/ou de résistance à travers le régionalisme architectural, révèle une analogie structurelle avec le modèle centre-périphérie entre la métropole européenne et ses colonies, de même qu’entre les capitales des colonies et leurs propres provinces. Si les études régionales (area studies) ont identifié des réorientation similaires dans les politiques locales au sein des colonies européennes en Asie et en Afrique au cours de cette même période (1890-1950), avec le passage de l’assimilation culturelle (transfert direct) à l’association (adaptation régionale), l’émergence de styles « néo-vernaculaires » dans ces colonies — « style indochinois » en Indochine française ou le style « néo-mauresque » dans la France nord-africaine, le « Indo-saracenic style » en Inde britannique, ou encore « Indische Stijl » aux Indes orientales néerlandaises — peut être lue comme le pendant extra-européen des « styles régionalistes » dans les États-nations du vieux continent. Cette approche transculturelle subsume les diverses manifestations du régionalisme, à travers les formes et styles architecturaux, sous un seul et même processus global.

De telles approches transnationales, reflétant la situation des états-nations et des empires coloniaux dans la première moitié du xxe siècle, peuvent également constituer une grille d’analyse féconde pour les effets d’interrelations récents entre globalisation et décentralisation (par exemple dans le cas de la France), les notions de local et de global s’imbriquant souvent étroitement dans l’architecture contemporaine.

Conceptualiser l’interrelation globale en histoire de l’architecture

Les études de cas peuvent porter sur les différentes formations de style architectural régionaliste, « vernaculaire », « neo-vernaculaire » dans les États-nations européens ou dans les colonies. Afin de conceptualiser « l’interrelation globale » entre les différentes formes d’expressions régionalistes ̶ au-delà de la stricte division entre occidental et non-occidental, contexte européen et extra-européen, métropole et colonie, colonisateurs et colonisés  ̶ les interventions seront mises en relation directe les unes avec les autres (ex : France vs. Indochine française etc.).

De surcroît, afin de faciliter les échanges sur les analogies structurelles et les liens par-delà ces ligne de partage, les présentations devront dépasser la simple analyse stylistique pour s’inscrire dans les questionnements suivants, relatifs au processus et aux acteurs :

  • Dans quelle configuration concrète de la relation centre-périphérie le projet régionaliste s’insérait-il ?
  • Quels acteurs individuels (architectes, ingénieurs, ethnographes, responsables politiques, etc.) et institutionnels ont participé (ou non) à ce projet ?
  • Sur quelles formes d’expressions et de traditions régionales/vernaculaires les nouveaux projets s’appuyaient-ils, et comment ces langages architecturaux ont-ils été collectés, valorisés, hybridés ou (ré)inventés ̶ avant d’être mis en œuvre ?
  • Les différents projets, acteurs institutionnels et individuels (médiateurs de cultures) ont-ils dépassé, voire redéfini, les lignes de partage entre le national et le régional, la métropole et les colonies, etc. ?
  • Existait-il des plateformes d’échanges de connaissance impliquées dans la construction des l’architectures régionales au-delà de ces lignes de démarcation : revues scientifiques, congrès, expositions et foires, réseaux personnels, etc. ?

Le colloque international se déroulera au Centre allemand d’histoire de l’art Paris, du mercredi 30 novembre au vendredi 2 décembre 2016, en anglais, français et allemand. Il s’agit d’une coopération entre le Cluster of Excellence « Asia and Europe in a Global Context – The Dynamics of Transculturality » de l’Université de Heidelberg (projet Picturesque Modernities, dir. Michael Falser/Global Art History), le Centre allemand d’histoire de l’art Paris (dir. Thomas Kirchner), l’Université de Poitiers (Centre de recherche interdisciplinaire en histoire, histoire de l’art et musicologie/CRIHAM, projet Corpus numériques du patrimoine architectural en région, dir. Nabila Oulebsir), le Centre André Chastel (CNRS/Université Paris-Sorbonne, dir. Alexandre Gady), et l’Association d’histoire de l’architecture (A.H.A., dir. Jean-Baptiste Minnaert/Université Paris-Sorbonne).

Ce projet fait suite au colloque « Picturesque Eye. Framing Regionalist Art Forms in Late Empires (1900-1950) » qui s’est déroulé à Vienne/Autriche en décembre 2015.

Après ce colloque d’une journée et demie, se déroulera un Workshop doctoral d’une demi-journée. Les propositions de communications pour ce Workshop sont également bienvenues.

Les propositions de communications (max. 300 mots, avec une ou deux illustrations) sont à envoyer au plus tard le 15 août 2016 à : falser@asia-europe.uni-heidelberg.de. Elles doivent inclure un titre, un résumé, une courte notice biographique, l’affiliation institutionnelle et les coordonnées de l’auteur. Les résultats de la sélection seront annoncés au mois de septembre 2016.

 

Modernités pittoresques. Le régionalisme architectural comme processus global (1890-1950)

Date : 30 novembre – 2 décembre 2016.
Lieu : Centre allemand d’histoire de l’art, 45, rue des Petits-Champs, 75001, Paris.
Date limite pour soumettre une proposition : 15 août 2016

Colloque international organisé par le Cluster of Excellence « Asia and Europe in a Global Context » de l’université de Heidelberg (Global Art History), en collaboration avec le Centre allemand d’histoire de l’art Paris, le Centre de recherche interdisciplinaire en histoire, histoire de l’art et musicologie de l’université de Poitiers (CRIHAM / Département d’histoire de l’art et archéologie), le Centre André Chastel (CNRS/Université Paris-Sorbonne), et l’Association d’histoire de l’architecture (A.H.A.).

Concept : Michael Falser (Université de Heidelberg)
Site internet du colloque.
http://www.asia-europe.uni-heidelberg.de/en/global_regionalism

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