Appel à communication : « Pourquoi écrire ? Comment écrire ? Écriture réflexive et critique dans les textes d’artistes »

Pourquoi écrire, pour qui et comment ? Telles sont, parmi d’autres, les questions qui traversent la réflexion que certains artistes ont développée à propos de leurs écrits afin de saisir les enjeux de leur pratique d’écriture, ses spécificités au regard de l’activité artistique qui lui donne sens, ses prérogatives comme ses limites. Cette journée d’étude se propose d’étudier spécifiquement les textes d’artistes qui développent une approche réflexive et critique de l’écrit dans le champ artistique.
Emblématique de ce parti-pris, l’essai de Jeff Wall « Partially Reflective Mirror Writing » principalement consacré aux écrits d’artistes des années soixante, en particulier ceux de Dan Graham, pose ainsi la question du statut des textes et des conditions auxquelles ils doivent satisfaire pour être considérés comme des œuvres. Si l’art conceptuel, entendons par là celui qui conçoit l’art comme une réflexion strictement destinée à proposer une définition de l’art, apparaît comme le terrain privilégié de cette réflexivité de l’écriture, on constate qu’une réflexion critique sur l’écriture, est présente dans l’œuvre écrite d’artistes qui ne se situent pas dans la stricte obédience de cette mouvance artistiques. Des artistes comme Mel Bochner ont joué de ce double registre, en traitant non seulement des enjeux de la pratique d’écriture dans l’art mais aussi en donnant à voir dans différentes configurations les caractéristiques propres au médium de l’écriture qu’est le langage. On observe aussi que dans le contexte actuel de globalisation de l’art, des démarches sous-tendues par des logiques d’action et d’expérimentation se multiplient : en prise avec un monde en perpétuel devenir, l’écriture se revendique comme une praxis politique où il s’agit d’articuler le dire et le faire, de développer des tactiques de résistance, d’expérimenter des formats et des modes de diffusion adaptés aux conditions actuelles de l’art (Andrea Fraser, Martha Rosler, Allan Sekula).
Si l’écriture s’entend comme pratique discursive, elle désigne aussi et peut-être d’abord l’acte graphique en tant qu’il renvoie, par différence avec la parole, à une trace visible sur une surface d’inscription. De ce point de vue, écrire, c’est occuper un espace – la page, le mur etc. – avec des traces signifiantes. Foucault rappelle à cet égard que le XXe siècle « dévoile que le langage est (ou peut-être est devenu) chose d’espace. […] c’est dans l’espace que le langage d’entrée de jeu se déploie, glisse sur lui-même, détermine ses choix, dessine ses figures et ses translations. C’est en lui qu’il se transporte, que son être se « métaphorise »». Certains textes d’artistes, comme ceux de Christian Dotremont, Brion Gysin ou Vito Acconci, qui abordent l’écriture comme une performance restituant le procès de l’écriture, comme un espace où se déploie une série d’opérations, mettent en jeu cette dimension pragmatique ; centrés sur la performativité de l’écriture, ils rendent visible le processus de son élaboration, « la performance de la composition rhétorique » (Dworkin). Qu’elle soit manuscrite, tapuscrite ou numérique, cette écriture donne ainsi à voir le processus de sa mise en œuvre : il s’agit de faire de la page « un champ d’action », d’« user du langage pour couvrir un espace plutôt que découvrir un sens » pour considérer l’écriture dans sa dimension performative.

Différents axes de réflexion pourront être envisagés au cours de cette journée d’étude qui portera sur des textes produits aux XXe et XXIe siècles qui mettent en œuvre l’écriture dans ses dimensions réflexive, critique et performative :

1/ On pourra s’intéresser aux textes autoréférentiels, aux textes qui se développent dans un espace réflexif, qui traitent du statut de l’écrit dans le champ artistique, de ses fonctions et de ses finalités. Quels sont les régimes de discursivité de ces textes ? Quels sont leurs enjeux critiques, épistémologiques, sociaux et politiques ? Dans la mesure où ces textes d’artistes prennent sens au regard des œuvres, le problème du rapport entre lisible et visible figure parmi les questions abordées dans ces écrits qui réfléchissent l’écrit.

2/ La multiplication des instances, des lieux et des supports de diffusion de l’écrit constitue un paramètre important de l’évolution actuelle des pratiques discursives des artistes : attentifs aux contextes, aux conditions de réception d’un art soumis aux lois du marché, ils réfléchissent à des formes d’écriture propres à contrer les modes culturels hégémoniques et à produire des effets sur le monde de l’art.

3/ Si l’écriture est critique, c’est aussi parce qu’elle intègre une réflexion sur son médium qu’est le langage. Il s’agira alors d’analyser comment le langage est abordé du lieu même des arts plastiques, d’étudier comment les artistes traitent de la question du langage. Que nous apprennent les artistes sur le langage à partir de leur point de vue singulier ?

4/ On pourra enfin s’intéresser à la part d’expérimentation présente dans ces textes à lire autant qu’à voir et qui rendent visible le processus de l’écriture. Comment révèlent-ils ces codes que les usages de l’écriture et de la lecture occultent ? Et s’ils les transgressent, que nous montrent-ils du fonctionnement et des conventions de l’écriture ?

Conditions de soumission

  • Les propositions (5000 signes maximum espaces compris) accompagnées d’un titre doivent être envoyées à Laurence Corbel, laurence.corbel@gmail.com
  • avant le 1er juin 2012.

  • La journée d’étude aura lieu à l’université de Rennes 2 le jeudi 27 septembre 2012, à l’Université de Rennes 2, Équipe d’accueil Arts : pratiques et poétiques (EA 3208), département Arts plastiques.
  • Journée d’étude organisée dans le cadre du programme de recherche « Dits et écrits d’artistes : théories et fictions » dirigé par Christophe Viart.
  • Responsabilité scientifique : Laurence Corbe, maîtresse de conférence, Université de Rennes 2

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