Les recherches sur la genèse et l’interprétation des décors de la Renaissance ont connu un important renouvellement ces vingt dernières années. À l’époque objet d’un investissement singulier tant de la part des artistes que des commanditaires et conseillers, le décor renaissant s’est désormais imposé comme un champ d’étude fécond, propice aux avancées méthodologiques et aux échanges interdisciplinaires. Toute approche théorique du décor implique en particulier la notion de partimento, qui mérite encore bien des approfondissements. Terme appartenant à la langue italienne, lorsqu’il se présente dans les écrits sur l’art il apparaît intrinsèquement relié à d’autres notions clés de la théorie artistique, telles que « composition », « invenzione », « disegno », ou encore « ornement ». Il invite d’une part à enrichir l’idée de la répartition, de l’ordre et de la bienséance, de l’autre à reconsidérer les interactions entre la pensée et la pratique, l’iconographie et sa présentation, tout comme le rapport de l’œuvre d’art à son espace physique et culturel. C’est sur ces aspects que le présent atelier – destiné aux chercheurs débutants et confirmés – propose de mener une réflexion collective de fond, en recherchant les traces d’une théorie du partimento à travers ses répercutions dans les pratiques artistiques, considérées au prisme de leur fonction décorative.
Tel que défini par les Académiciens de la Crusca dès leur premier Vocabolario, le partimento, aussi orthographié spartimento, est avant tout une division, soit le résultat de la séparation de deux éléments distincts au sein d’un même ensemble. Le vocable est utilisé dans la littérature artistique de la Renaissance spécialement sous la plume de Giorgio Vasari, qui en fait l’un des outils de son lexique permettant le mieux d’exprimer ses vues théoriques en matière de décor, toutes techniques, médiums et supports confondus ; en effet, pour l’auteur des Vies le (s)partimento est relatif aussi bien à l’action de composer un décor, agencé avec raison dans chacun de ses éléments, qu’au résultat de ce même agencement, destiné à un jugement esthétique. Ainsi des œuvres aussi différentes que le pavement du Duomo de Sienne, les Portes du Paradis de Ghiberti, la voûte de la Chapelle Sixtine, ou les jardins de Boboli, sont-elles toutes louées, entre autres, pour leur (s)partimento : mot qui se réfère essentiellement au schéma visuel sous-jacent suivant lequel le décor est divisé, distribué et articulé en plusieurs sous-parties ou compartiments. Si le rapport entre cette notion employée par Vasari et l’art de la Renaissance a en partie été étudié, notamment dans le domaine de la peinture à fresque, la recherche sur le partimento ne saurait se limiter à ces occurrences vasariennes, puisque le terme et ses dérivés apparaissent dans bien d’autres textes et sources documentaires, allant d’un dessin annoté par Giuliano da Sangallo aux traités de Vincenzo Danti ou Pellegrino Tibaldi. De là, rechercher les indices d’une théorie du partimento dans les pratiques décoratives aboutit aussi à s’interroger sur l’existence d’une dimension symbolique attribuée au décor à la Renaissance, tout en reflétant les spécificités propres à chaque technique artistique. Par ailleurs, derrière le partimento se manifeste fondamentalement l’expression des concepts d’harmonie, d’eurythmie et d’ordre universel ; et ces lois en apparence tacites qui régissent la conception d’un espace idéal pourraient être appréhendées par le biais d’une analyse comparative des œuvres.
Cet atelier voudrait être l’occasion d’observer la façon dont une notion récurrente de la théorie de l’art à la Renaissance se traduit au sein de la production effective, dans la pluralité des médiums, techniques et supports, ou à l’inverse, d’examiner l’impact des œuvres mêmes dans la construction de la pensée théorique. L’objectif est d’élaborer une nouvelle contribution sur les tensions entre théorie et pratique dans l’organisation spatiale et sémiotique des ensembles décoratifs. Nous invitons les chercheurs spécialistes de la période à proposer des études de cas spécifiques ou des considérations plus générales, afin d’alimenter la réflexion sur l’émergence d’une véritable théorie du décor au seuil de la modernité.
Quelques questions liminaires pourront orienter la réflexion des chercheurs intéressés :
- Le décor comme un espace. Comment le partimento s’adapte-t-il aux spécificités et contraintes particulières de l’espace à décorer – préexistant ou en puissance, voire imaginaire et idéal ? Comment ce dernier se trouve-t-il en conséquence aménagé, transformé, transfiguré ou réinventé ? Quelles relations l’espace décoratif entretient-il avec d’autres espaces ?
- Les modèles et les lois du décor. Quelles lois sont repérables à travers l’analyse de la récurrence de formes et de schémas géométriques ? Les ruptures et innovations constituent-elles une transgression ? Comment est conçue la transposition de solutions ornementales d’un médium et d’un support à un autre ? Comment évolue et se diffuse dans les langues européennes la terminologie employée pour parler de la division, de l’articulation et de la distribution d’un décor de la Renaissance ?
- Matérialité de la frontière. Par quels procédés et matériaux le schéma sous-jacent du décor est-il rendu sensible ? Comment ces matériaux, réels ou simulés, influent-ils sur le concept du décor ?
- Abstraction et figuration dans le décor. Quelles relations le partimento entretient-il avec la figure humaine ? Le corps humain agit-il sur le partimento? Dans un espace décoratif à fonction narrative, comment le partimento entre-t-il en tension avec les concepts d’historia ou de perspective ?
- Harmonie et effet d’ensemble. Quelle valeur expressive ou symbolique a-t-on donnée au partimento? La quête de l’effet d’ensemble est-elle toujours guidée par l’idée d’harmonie ? Comment l’analyse du partimento permet-elle d’appréhender la nouvelle attention accordée au regard du spectateur à la Renaissance ?
Modalités de soumission
Les chercheurs intéressés pourront envoyer un résumé de leur contribution d’environ 300 mots ainsi qu’une brève bio-bibliographie avant le 5/09/ 2019 aux organisateurs du workshop : Nicolas Cordon (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Émilie Passignat (Università degli Studi di Firenze) : nicolas.cordon@univ-paris1.fr ; emilie.passignat@unifi.it.
Les communications pourront être données en italien, anglais et français.
Un hébergement d’une ou deux nuits à la Villa Finaly (Florence, Chancellerie des Universités de Paris), sera offert aux participants ne résidant pas à Florence ou sa région.
Les frais de voyage et de transports à Florence sont à la charge des participants.
Comité de sélection
- Nicolas Cordon, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
- Émilie Passignat, Università degli Studi di Firenze.
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