Appel à contributions : « Queer as art/Art as queer. Pratiques et méthodologies queer : bilan et perspectives ? » (revue 20/21)

Appel à contributions : « Queer as art/Art as queer. Pratiques et méthodologies queer : bilan et perspectives ? » (revue 20/21)

Appel à contributions pour un prochain numéro de la revue 20/21
Université de Paris Nanterre
Queer as art/Art as queer
« Pratiques et méthodologies queer : bilan et perspectives » ?
dirigé par Thibaut Casagrande, Damien Delille, Fabrice Flahutez et Aurélie Petiot


Depuis une trentaine d’années, les études queer se sont fait une place en tant que savoirs critiques permettant une relecture de certains enjeux dans le domaine de l’art contemporain, de la littérature et de la création au sens large. Les différentes disciplines des sciences humaines et sociales se sont emparées de ces méthodes avant tout venues des États-Unis, afin de faire émerger des spécificités interdisciplinaires dans la continuité des études féministes, gays et lesbiennes, postcoloniales et culturelles. L’université et le grand public ont volontiers accueilli cette pensée heuristique, tout en laissant apparaître des zones de tensions et de crispations, des injonctions d’un nouveau type et des remises en question. Mais qu’en est-il de l’histoire de l’art, des études visuelles et culturelles ? De quelle manière et à quels moments peut-on localiser les études queer dans leur capacité à dépasser les identités et les espaces normatifs de genre, à la frontière entre le masculin et le féminin, l’hétérosexuel et l’homosexuel ?
Queer as art/Art as queer souhaite engager un dialogue transhistorique qui permette de regarder par la lentille queer ce que l’histoire de l’art a oublié de dire, de faire ou d’exprimer. Dans une approche résolument décloisonnée, ce numéro spécial entend interroger l’histoire et la théorie artistique dans un dialogue constant avec la critique queer et les retards dont sa réception fait l’objet en France. Les études de cas pourront porter sur la critique du marché de l’art et des institutions muséales, l’histoire des expositions et des mises en discours, l’étude d’artistes et de communautés artistiques dans leur rapport au genre et à la sexualité, les diverses pratiques qui contestent les assignations et les stéréotypes de genre. Le terme même de « queer » (en anglais, étrange, bizarre) renvoie à une position instable qui vient troubler les structures binaires du canon occidental et masculiniste. C’est donc à travers ses frontières, ses marges et ses impensés que l’histoire de l’art comme discipline pourra être interrogée, dans ses liens à la littérature, la sociologie, l’anthropologie ou encore la sémiologie.

Nous invitons les contributeurs de ce numéro à explorer les axes suivants à partir d’études de cas qui dépassent l’approche monographique ou uniquement théorique :
– Renouvellements méthodologiques : quelles théories queer pour quelles méthodologies ? De quelle manière les études queer changent-elles notre relation à l’objet de la recherche ? Quelles sont les limites ou les possibilités des études queer pour nos disciplines historiques ? Les approches queer peuvent et doivent-elles associer recherche scientifique et activisme ?

– Temporalités historiques : quelle relecture du passé par rapport à quel présent ? Relire les œuvres du passé proche ou lointain au prisme du queer sert-il une actualisation contemporaine, ou permet-il de faire revivre une part de ce lointain historique sous une forme plus intelligible aujourd’hui ? Les approches queer ont-elles une action sur les temporalités de l’historien de l’art, puisqu’elles échappent par nature aux déterminismes disciplinaires ? De quelle manière ces études engagent-elles une désorganisation des grands discours et une perturbation de la chronologie positiviste ? Est-il anachronique d’utiliser le terme « queer » sur les périodes antérieures à l’apparition des théories queer associées aux années 1990 et 2000 ?

– Objets d’études : quels objets pour quelle histoire ? Comment les théories queer permettent-elles d’interroger les processus de fabrication et d’exposition, la matérialité des objets et les formes de l’art, la théorisation des affects et des émotions, le dépassement de l’auctorialité et des hiérarchies entre médiums ? Quelles formes visuelles, textuelles et matérielles, intemporelles ou éphémères, viennent contester les structures binaires ?

– Positions critiques : quels positionnements critiques pour quelles formes d’activisme ? Dans quelle mesure les études queer peuvent-elles rejoindre les stratégies artistiques de dénormalisation et de subversion des identités ? De quelle manière les approches queer s’associent-elles à l’activisme politique lié aux mouvements féministes et LGBT, tout en le dépassant ? La critique queer est-elle toujours opérante et l’a-t-elle déjà été dans le champ de l’art ?

– Études queer et décoloniales : quelles approches pour quels récits ? Comment considérer à nouveaux frais les pratiques et les discours situés à l’intersection entre la critique des hiérarchies de classe, de race et de genre ? Comment interroger les « multitudes queer » à l’aune des reconfigurations géopolitiques passées et présentes de l’art ?

– Études queer et éco-critique : l’intersection entre études queer et études environnementales déconstruit les rapports binaires à la nature et au genre. Critique de l’anthropocène, elle permet de penser les relations au vivant comme une pluralité de paradoxes. Quelle pertinence pour ces croisements ? Quelles formes artistiques prennent-ils ? Quelles nouvelles méthodologies proposent-ils ?

Queer as art/Art as queer se veut être un lieu où de nombreuses voix différentes puissent se faire entendre sur ces questions dans une dimension transhistorique et transnationale.
Les propositions de contributions individuelles ou collectives (articles, entretiens, débats) pourront être envoyées avant le 21 décembre 2022 sous la forme d’un titre et d’un résumé de 2500 signes (espaces compris), accompagnés d’une présentation du ou des contributeurs (avec bibliographie).

Les contributions attendues pour ce CFP peuvent prendre différentes formes :
— article d’analyse et de mise en perspective ;
— entretien réflexif avec des auteurs et autrices et/ou illustrateurs et illustratrices et/ou éditeurs et éditrices ;
— traduction de textes fondamentaux inédits en français.

Modalités de participation
Les propositions devront être adressées avant le 21 décembre 2022 aux adresses suivantes : flahutez@gmail.com apetiot@parisnanterre.fr

Les propositions seront évaluées ensuite de manière anonyme, en double aveugle (peer review), conformément aux usages de la revue. Les auteurs et autrices seront informées des résultats à la mi-février 2023. Les premières versions des articles complets d’environ 30000 signes seront à rendre le 15 avril 2023 au plus tard. Il sera possible d’illustrer les textes avec jusqu’à 6 images en 300 dpi, légendées et si possible libres de droits. Des navettes sont à prévoir avec les responsables du numéro avant sa soumission finale au comité de la revue et sa parution au printemps 2024.

Bibliographie indicative
Sara Ahmed, Queer Phenomenology: Orientations, Objects, Others, Durham, Duke University Press, 2006.
Isabelle Alfonsi, Pour une esthétique de l’émancipation. Construire les lignées d’un art queer, Paris, B42, 2019.
Marie-Laure Allain Bonilla et al., Constellations subjectives : pour une histoire féministe de l’art, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2020.
Sam Bourcier, Queer zones : la trilogie, Paul B. Preciado (pref.), Paris, Éditions Amsterdam, 2001-2011.
Chris Brickell et Judith Collard (dir.), Queer Objects, New Brunswick, Rutgers University Press, 2019.
Fabio Cleto, Camp: Queer Aesthetics & the Performing Subject: A Reader, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1999
Douglas Crimp, Melancholia and Moralism. Essays on AIDS and Queer Politics, Cambridge et Londres, The MIT Press, 2002.
Davis Whitney, Queer Beauty. Sexuality and Aesthetics from Winckelmann to Freud and Beyond, New York, Columbia University Press, 2010.
Jennifer Doyle, Jonathan Flatley, José E. Muñoz et al., Pop Out : Queer Warhol, Duke University Press, 1996.
Fabienne Dumont, La rébellion du Deuxième Sexe. L’histoire de l’art au crible des théories féministes anglo-américaines (1970-2000), Dijon, Presses du réel, 2011.
Elizabeth Freeman, Time Binds, Queer Temporalities, Queer History, Durham, Duke University Press, 2010.
David J. Getsy (dir.), Queer. Documents of Contemporary Art, Londres/Cambridge, Whitechapel Gallery/The MIT Press, 2016, p. 48-52.
Jack Halberstam, In a Queer Time and Place : Transgender Bodies, Subcultural Lives, New York et Londres, New York University Press, 2005.
Amelia Jones et Erin Silver (dir.), Otherwise: Imagining Queer Feminist Art Histories, Manchester, Manchester University Press, 2016.
Teresa de Lauretis, Théorie queer et cultures populaires : de Foucault à Cronenberg, Marie-Hélène Bourcier (trad. fr. et éd.), Paris, la Dispute, 2007.
Élisabeth Lebovici, « Généalogie Queer », Critique, n° 759-760 : À quoi pense l’art contemporain ? 2010, p. 670-681.
Catherine Lord et Richard Meyer, Art & Queer Culture, Londres, Phaidon Press, 2013.
Renate Lorenz, Art Queer. Une théorie freak (traduit de l’anglais par Marie-Mathilde Bortolotti), Paris, B42-93, 2018.
José Esteban Muñoz, Cruiser l’utopie – L’après et ailleurs de l’advenir queer (traduction de l’anglais par Alice Wambergue), Dijon, les presses du réel, 2021.
Patrick Steorn, « Du queer au musée : réflexions méthodologiques sur la manière d’inclure le queer dans les collections muséales », Culture et Musées, Musées au prisme du genre, no30, p. 31-45.
Frédérique Villemur, « Le dissolvant du queer est-il soluble dans l’air ? », dans Muriel Plana et Frédéric Sounac (dir.), Esthétique(s) queer dans la littérature et les arts. Sexualité et politiques du trouble, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2015, p. 111-118.


ENGLISH VERSION
Call for contributions for a forthcoming issue of the journal 20/21
University of Paris Nanterre
Queer as art/Art as queer
« Queer practices and methodologies: assessment and perspectives »
edited by Thibaut Casagrande, Damien Delille, Fabrice Flahutez and Aurélie Petiot

Over the past thirty years, queer studies have established themselves as critical knowledge that allows a re-reading of certain issues in the field of contemporary art, literature, and creation in the broadest sense. The various disciplines of the humanities and social sciences have seized upon these methods, which originated in the United States, to bring out interdisciplinary specificities in the continuity of feminist, gay and lesbian, postcolonial and cultural studies. The university and the general public have welcomed this heuristic thinking, while at the same time revealing areas of tension, new types of injunctions and questioning. But what about art history, visual and cultural studies? In what way and at what moments can we locate queer studies in their capacity to go beyond normative gender identities and spaces, on the liminal space between the masculine and the feminine, the heterosexual and the homosexual?

Queer as art/Art as queer wishes to engage in a transhistorical dialogue that allows us to look through the queer lens at what art history has forgotten to say, do or express. In a resolutely decompartmentalized approach, this special issue intends to interrogate art history and theory in a constant dialogue with queer criticism and the delays of its reception in France. The case studies will focus on the critique of the art market and museum institutions, the history of exhibitions and discourses, the study of artists and artistic communities in their relationship to gender and sexuality, and the various practices that contest gender assignments and stereotypes. The very term « queer » refers to an unstable position that disturbs the binary structures of the Western and masculinist canon. It is therefore through its borders, its margins and its not-thought-of issues that history of art as a discipline will be questioned, in its links to literature, sociology, anthropology or semiology.

We invite the contributors of this issue to explore the following axes from case studies that go beyond the monographic or solely theoretical approach:

– Methodological renewals: which queer theories for which methodologies? How do queer studies change our relationship to the object of research? What are the limits or possibilities of queer studies for our historical disciplines? Can and should queer approaches combine scientific research and activism?

– Historical temporalities: what rereading of the past in relation to what present could it bring? Does rereading works from the near or distant past through a queer lens serve a contemporary actualization, or does it allow us to revive a part of this distant history in a form that is more intelligible today? Do queer approaches have an impact on the temporalities of the art historian since they escape disciplinary determinisms by nature? In what ways do these studies disrupt major discourses and the positivist chronology? Is it anachronistic to use the term « queer » for the periods before the emergence of queer theories associated with the 1990s and 2000s?

– Objects of study: which objects for which history? How do queer theories allow us to question the processes of making and exhibiting, the materiality of objects and the forms of art, the theorization of affects and emotions, the overcoming of auctoriality and hierarchies between mediums? What visual, textual and material forms, timeless or ephemeral, challenge binary structures?

– Critical positions: what critical positions for what forms of activism? To what extent can queer studies join artistic strategies of denormalization and subversion of identities? How do queer approaches relate to and go beyond the political activism of the feminist and LGBT movements? Is queer critique still operative and has it ever been operative in the field of art?

– Queer and decolonial studies: which approaches for which narratives? How can we consider in a new way the practices and discourses situated at the intersection between the critique of class, race and gender hierarchies? How can we interrogate queer multitudes in the light of past and present geopolitical reconfigurations of art?

– Queer studies and eco-criticism: the intersection between queer studies and environmental studies deconstructs binary relations to nature and gender. As a critique of the Anthropocene, it allows us to think of relations to the living as a plurality of paradoxes. What is the relevance of these intersections? What artistic forms do they take? What new methodologies do they propose?

Queer as art/Art as queer aims to be a place where many different voices can be heard on these issues in a transhistorical and transnational dimension.

Proposals for individual or collective contributions (articles, interviews, debates) may be sent before 21 December 2022 in the form of a title and a summary of 2500 signs (including spaces), accompanied by a presentation of the contributor(s) (with bibliography) to: flahutez@gmail.com apetiot@parisnanterre.fr

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