Appel à publication: La dispute entre l’Arioste et le Tasse. Les appropriations de deux esthétiques antagonistes au XVIIe siècle en France

esiècle, puis appropriés dans la France du xviie siècle dans le cadre de la fabrication d’un modèle français. Tandis que l’esthétique de l’Arioste met en relation amour, courtoisie et héroïsme civilisé pour promouvoir le plaisir et la civilisation de la société de cour, l’esthétique du Tasse valorise la croyance chrétienne et le héros en armes qui défend sa patrie et sa foi. La mise en scène de la magie qui unit les deux esthétiques met aussi en relief la différence fondamentale entre elles : chez l’Arioste, la magie permet de souligner la capacité du récit (et plus largement de toute pratique esthétique), à charmer le lecteur / spectateur ; le Tasse met au contraire en relief les dangers mortels pour la foi chrétienne en général et le croyant en particulier. L’allégorie, enfin, permet à Arioste de jouer avec les attentes des lecteurs tandis que le Tasse propose de rétablir une lecture allégorique du monde.

Le devenir de ces deux esthétiques antagonistes au xviie siècle en France ne relève pas seulement d’une réception au sens propre du terme, mais aussi d’appropriations diverses. Ces appropriations seront l’objet central du dossier. Elles peuvent être analysées à quatre niveaux :

– La réception, c’est-à-dire l’édition, la traduction (même partielle) et les pratiques de lecture des textes de l’Arioste et du Tasse dans la France du xviie siècle, et l’insertion de ces éditions et traductions dans des contextes polémiques (des rivalités éditoriales entre libraires lyonnais et parisiens au début du siècle à la querelle des anciens et des modernes pour les éditions des années 1680).

– Les différentes adaptations des deux esthétiques, par exemple dans les querelles autour de la poésie épique ou de la comédie. La question de la pertinence des modèles de l’Arioste ou du Tasse s’est ainsi posée pour la poésie épique, la comédie, mais aussi le dialogue ou la satire. Les adaptations des deux modèles sont par conséquent souvent liées à la construction polémique des genres littéraires (querelle sur L’Adone, querelle sur les Suppositi etc.). Mais elles sont aussi en relation avec les tentatives de produire une esthétique nationale, par exemple dans les écrits du père Le Moyne, de Chapelain et d’autres.

– Les transformations des deux esthétiques, qui utilisent l’un ou l’autre des modèles italiens comme référence dans le cadre de l’invention d’une esthétique française présentée comme nouvelle et originale. Il s’agit d’une intégration complète des anciennes esthétiques dans une nouvelle esthétique nationale. Ainsi, les Plaisirs de l’ile enchantée renvoient encore à l’épisode d’Alcine de L’Orlando furioso, mais se présentent surtout comme l’acte fondateur de l’esthétique officielle de la cour de Louis XIV. On pourra considérer aussi les transformations des épopées en romans ou ‘l’invention’ d’une nouvelle comédie par Molière : dans ces différents cas, les modèles du Tasse et de l’Arioste sont de plus en plus effacés.

– Enfin, la « modernisation » des deux esthétiques : pendant la querelle des Anciens et des Modernes ou les débats sur l’opéra (mais peut-être aussi dans d’autres contextes polémiques), l’Arioste et le Tasse sont utilisés comme des valeurs plus que comme des modèles. Les mentionner suffit à se positionner dans un camp ou à porter un jugement, sans que cela aille de pair avec une référence précise. La mention des modèles est détachée de tout contenu.

Les contributions seront publiées dans les Papers en French Seventeenth Century Literature en 2013. Les articles peuvent être écrits en Anglais ou en Français et doivent nous parvenir avant la fin du mois de janvier 2013.

Responsables:

Jörn Steigerwald (Ruhr-Universität Bochum); joern.steigerwald@rub.de

Marine Roussillon (Worcester College, Oxford); marine.roussillon@mod-langs.ox.ac.uk

 

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