Colloque : « Viollet-le-Duc, enseignant »

Capture d’écran 2014-11-07 à 17.36.13À l’occasion du 200anniversaire de la naissance d’Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), son héritage pédagogique est interrogé. On connaît le pionnier de la conservation décrié puis réhabilité et même célébré, mais que sait-on des supports inattendus utilisés pour transmettre ses savoirs et forger son enseignement en dehors des chemins académiques alors en vigueur.

Architectes, historiens, chercheurs des universités, inspecteurs généraux du patrimoine, enseignants de l’Ecole de Chaillot et des Ecoles nationales supérieures d’architecture ont accepté ensemble, et pour la première fois, d’expertiser l’héritage pédagogique de Viollet-le-Duc, d’analyser ses mécanismes, ses outils et les théories qui le sous-tendent. Leurs interventions attesteront la permanence de cet héritage depuis le 19ème siècle, héritage assumé en premier lieu par des hommes parmi lesquels des disciples par toujours attendus et convenus, puis porté par des institutions (musée de sculpture comparée qui deviendra le musée des Monuments français), et par des supports médiatiques  en tous genres, allant du fameux « Dictionnaire » aux « histoires », sans oublier les GazettesRevues et Journaux.
A travers ce foisonnement illustrant plus que jamais la formule « Voir, c’est savoir », le fil rouge qu’on appellerait aujourd’hui « l’ingénierie pédagogique » est bien présent.
Il raconte, tisse la toile de la transmission des savoirs, de l’histoire de l’enseignement et de la préfiguration de son incroyable essor sous ce qui deviendra la Troisième République, et est le porteur des métiers encore incarnés par les professionnels contributeurs de cette journée.

Programme

Modérateur : Lorenzo Diez, AUCE, professeur associé à l’École de Chaillot

Matinée : l’origine de l’enseignement de Viollet-le-Duc
9h30-9h40 Accueil par Guy AMSELLEM, président de la Cité de l’architecture & du patrimoine
Journée d’études organisée par l’École de Chaillot autour de l’exposition à la Cité en écho Depuis 1980, il n’y a pas eu de grande exposition consacrée à Viollet-le-Duc. Des colloques, mais aucun n’évoque de manière précise la pédagogie de Viollet-le-Duc.

  • 9h40-10h20 :  Jean-Michel LENIAUD, directeur de l’École des Chartes.  Viollet-le-Duc : enseignant et surtout pédagogue 

Viollet-le-Duc aurait voulu diffuser ses idées  par l’enseignement : la transmission du savoir par l’atelier ne lui suffisait pas. Son échec à l’École des beaux-arts et sa tentative plus ou moins réussie à l’École spéciale ne doivent pas dissimuler le succès considérable qu’il a rencontré à l’École gratuite de dessin, au point que l’école des arts décoratifs qui lui a succédé a fourni une suite de disciples plus ou moins inattendus (Hector Guimard par ex.). Mais plus encore qu’à l’enseignement c’est à la pédagogie qu’il a donné toute son attention : le musée de sculpture comparée en est la preuve mais plus encore son activité éditoriale : ses livres et les revues qu’il inspire, sa conception du dessin et de l’illustration en rapport avec le texte en témoignent.

  • 10h20-11h00 : Benjamin MOUTON, ACMH, inspecteur général honoraire des Monuments historiques.  Viollet-le-Duc : un héritage pédagogique bien vivant 

L’impressionnante collecte d’observations rassemblées par Viollet-le-Duc dans  le « dictionnaire » et les « Entretiens », est encore d’une actualité qui se vérifie chaque jour dans la pratique de la conservation du patrimoine. Les détails d’architecture, leur interprétation, leur justification qu’il a brillamment décrits, découlent de l’approche constructive et rationaliste qui a inspiré les premiers « cours du Trocadéro », et qui ont été ensuite systématiquement renforcés jusqu’à l’actuelle école de Chaillot. Il faut y voir là l’incontestable actualité de ce pionnier de la conservation, à la fois par son sens de l’observation critique, et à la fois par la rigueur de la méthodologie appliquée.

11h00-11h15 Pause

  • 11h15-11h45 : Françoise BERCE, inspecteur général du patrimoine honoraireViollet-le-Duc et l’école des Beaux-arts 

La réforme avortée de l’enseignement de l’École des Beaux-arts en 1863-1864, officiellement proposée par le surintendant Neuwerkerke mais inspirée par Viollet-le-Duc, avait été une des conséquences inattendues du rapport officiel de Mérimée pour l’Exposition Universelle de Londres de 1862, qui faisait état notamment des succès remportés par la politique de formation professionnelle en Grande-Bretagne. La « modernité », s’opposant à la routine, réclamait des réponses adaptées aux besoins de la société, tout en s’appuyant sur un savoir raisonné. Les sept cours préparés par Viollet-le-Duc à l’École des Beaux-arts furent publiés dans la Revue des Etudes littéraires, et réunis par Geneviève Viollet-le-Duc en 1994 sous le titre Esthétique appliquée à l’histoire de l’art, formule contemporaine des  « Arts appliqués à l’Industrie »,  objet de la fondation en mars 1864 de l’Union centrale. Viollet-le-Duc a  consacré une part importante dans les Entretiens (notamment le 14ème) et dans la presse professionnelle, à l’enseignement de l’architecture, revenant sans cesse sur l’usage de la raison à l’écoute du monde contemporain, « de ce que le temps que nous vivons nous jette à pleines mains ». Cependant, c’est sans doute dans son Histoire d’une maison que la formation pratique du futur architecte est le mieux explicitée. 

  • 11h45-12h15 : Marie-Jeanne DUMONT, architecte, historienne de l’architecture, enseignante à l’ENSA Paris-Belleville. Assurer la postérité de Viollet-le-Duc par l’enseignement : le défi d’Anatole de Baudot 

Proche collaborateur de Viollet-le-Duc, chargé de le remplacer dans toutes sortes de circonstances et d’institutions, Anatole de Baudot avait été amené à assumer la responsabilité des destinées professionnelles du mouvement initié par le maître et du groupe de ses disciples. Dans un contexte favorable de diversification des filières de formation et des groupements professionnels, il avait fait de la nouvelle chaire de Chaillot le centre d’une pédagogie de l’architecture opposée à celle des Beaux-Arts, avec son musée de moulages, son atelier de projets, ses concours de recrutement, ses instances professionnelles, ses réseaux et ses publications. Le mouvement « rationaliste » ainsi concrètement structuré perdura jusqu’en 1914, avant de se confondre progressivement avec les intérêts de la seule filière professionnelle qui lui était restée attachée, celle des Architectes en chef des Monuments historiques.
12h15-12h45 : Echanges sur la matinée
Animation : Lorenzo Diez
 
12h45-14h15 : Pause déjeuner

Après-midi : la méthode de Viollet-le-Duc
Modérateur : Lorenzo Diez, AUCE, professeur associé à l’École de Chaillot

  • 14h15-14h45 : Frédéric SEITZ, architecte, professeur à l’Université de technologie de Compiègne. La création de l’École centrale d’architecture en 1865 par Emile Trélat : le rôle et l’influence de Viollet-le-Duc

Créée par Emile Trélat en 1865, l’École centrale d’architecture est l’occasion d’un renouveau de l’enseignement de l’architecture à la fin du 19ème siècle, d’une nouvelle appréhension, par les professionnels de l’architecture, des problématiques du cadre bâti, et d’une évolution profonde de la profession d’architecte. Les réflexions d’Eugène Viollet-le-Duc influencent grandement Emile Trélat et jouent un rôle très important dans le processus de création de cette école.

  • 14h45-15h15 : Jean-François BELHOSTE, historien, directeur d’études à l’EPHE, enseignant à l’École de ChaillotViollet-le-Duc et l’École Centrale des Arts et Manufactures.

Comme Viollet-le-Duc, les ingénieurs du 19ème siècle étaient admiratifs  des constructions  du Moyen-âge. Ils y voyaient l’origine de leur art, un modèle à suivre pour la conception, entre autres, des structures en fonte et fer. C’est particulièrement vrai des ingénieurs sortis de la nouvelle École Centrale des Arts et Manufactures qui se forgea une spécialité dans la  formation d’experts en construction métallique, d’abord destinés aux chemins de fer. Les relations furent plutôt bonnes entre Viollet-le-Duc et ces ingénieurs civils. Elles se concrétisèrent par sa collaboration en 1865  à la fondation par l’un d’entre d’eux, Emile Trélat,  de l’École Centrale (qui devint Spéciale) d’Architecture où il côtoya plusieurs autres centraliens, tels Emile Muller et Henri de Dion qui, tout jeune, avait dirigé en 1855 les délicats  travaux de reprise en sous- œuvre de la cathédrale de Bayeux. C’est Viollet-le-Duc qui  fut encore le principal inspirateur de William Le Baron Jenney, l’« inventeur » du gratte-ciel à Chicago, pour l’élaboration du cours d’histoire de l’architecture qu’il créa en même temps qu’un cours de construction à l’Université du Michigan en 1876. W. Le Baron Jenney était sorti de Centrale en 1856 un an après Gustave Eiffel. Il y avait eu comme condisciple en première année Anatole de Baudot, lequel, rappelons-le, débuta sa carrière d’enseignant comme répétiteur du cours de Théorie de l’architecture d’Emile Trélat à l’École Centrale d’Architecture.

  • 15h15-15h45 : Patrick PONSOT, ACMHenseignant à l’École de ChaillotConservation ‘versus’ restauration ? Viollet-le-Duc à l’épreuve de la pratique

Il est proposé de confronter le Viollet-le-Duc de papier au chantier : de quelle manière, dans un contexte intellectuel et politique spécifique, celui du 19ème siècle, le grand homme se comporte-t-il « en œuvre » ? Des exemples peuvent être tirés des « restaurations de ses restaurations », mais aussi d’une relecture critique des archives et des correspondances, « histoire de la restauration » en cours de constitution (Viollet-le-Duc en Bourgogne, mais aussi ses contemporains et ses émules, en France et à l’étranger).

15h45-16h00 : Pause

  • 16h00-16h30 : Jean-Paul MIDANT, historien, enseignant à l’École de Chaillot et à l’ENSA Paris-Belleville. Viollet-le-Duc et les outils de diffusion de son enseignement 

Force est de constater, que malgré un premier essai malheureux d’encadrement d’un groupe de jeunes architectes venus le chercher pour se former au métier, Viollet-le-Duc préféra diffuser ses connaissances et ses positions doctrinaires à travers son œuvre construit, ses projets d’architecture inaboutis mais rendus publics, et d’une manière plus large dans ses écrits, que ce soit dans ce qu’on peut appeler aujourd’hui des essais (au rang desquels ses Dictionnaires et ses Entretiens), dans des recueils de modèles gravés, dans des livres de vulgarisation ou bien des articles dans des revues qu’elles soient spécialisées en architecture ou non (la Revue économique et le Journal militaire ou le quotidien Le XIXème siècle). Mais la meilleure école, la plus efficace pour la diffusion de sa pensée chez les jeunes architectes, ou prétendants architectes, que Viollet-le-Duc père eut à animer, fut la revue Gazette des Architectes et du Bâtiment.  On oublie trop souvent cet instrument qu’Eugène Viollet-le-Duc utilisa pour étendre son influence et lutter contre l’enseignement officiel. Surtout on méconnaît son contenu.

  • 16h30-17h00 : Laurent BARIDON, historien de l’art, professeur à l’université de Lyon 2 « Voir c’est savoir », le paradigme scientifique de Viollet-le-Duc 

Souvent présenté comme un autodidacte, Viollet-le-Duc a reçu une éducation complète et originale au sein de son milieu familial. Elle a largement déterminé sa conception du savoir et la façon de le transmettre par l’enseignement. Les Histoires publiées chez Hetzel à la fin de sa vie reflètent ainsi ses intérêts de jeunesse tout en attestant de son adhésion à l’idéologie républicaine du savoir. Il s’agit dès lors de diffuser dans la société une approche de l’art informée par des modèles historiques et scientifiques. Le dessin est l’instrument privilégié de cette compréhension du monde fondée sur des principes positivistes empruntés aux sciences de la Nature Souvent présenté comme un autodidacte, Viollet-le-Duc a reçu une éducation complète et originale au sein de son milieu familial. Elle a largement déterminé sa conception du savoir et la façon de le transmettre par l’enseignement. Les Histoires publiées chez Hetzel à la fin de sa vie reflètent ainsi ses intérêts de jeunesse tout en attestant de son adhésion à l’idéologie républicaine du savoir. Il s’agit dès lors de diffuser dans la société une approche de l’art informée par des modèles historiques et scientifiques. Le dessin est l’instrument privilégié de cette compréhension du monde fondée sur des principes positivistes empruntés aux sciences de la Nature.

17h00-17h30 : Lorenzo DIEZ, Clôture : la nécessaire transmission du savoir.

Coordination scientifique

Catherine Graindorge avec le concours de Lydie Fouilloux

Information : École de Chaillot/ Lydie Fouilloux / 01 58 81 52 96
Cité de l’architecture & du patrimoine
Inscription en ligne sur le site www.citechaillot.frà partir du 3 novembre 2014

Télécharger le programme

Leave a Reply