Conférence du GRHAM : “Le roi est mort, vive le roi ? : Le corps royal à l’instant de son décès” par Itay Sapir (3 mars 2022, Paris)

Petrus Paulus Rubens, L’Apothéose de Henri IV et la proclamation de la régence de la reine, le 14 mai 1610 (détail), ca. 1621-1625, huile sur toile, 394 x 727 cm, Paris, musée du Louvre.

Conférence du GRHAM : “Le roi est mort, vive le roi ? : Le corps royal à l’instant de son décès” par Itay Sapir (3 mars 2022, Paris)

Type : Conférence.
Date et horaire : 3 mars 2022 à 19h.
Lieu : Paris, Institut National d’Histoire de l’Art, salle Vasari.
Pour tout renseignement : asso.grham@gmail.com

Le paroxysme et la raison d’être du concept des deux corps du roi sont atteints à l’instant où le corps terrestre du souverain disparait pour ne laisser intact que le corps politique, voué à la continuation dynastique. Que le roi ait souffert d’une longue agonie ou qu’il soit mort subitement, que la cause du décès soit une violence extérieure ou la déchéance naturelle du corps, peu importe : c’est à l’instant de la mort que l’unité des deux corps se délie.

La représentation visuelle du moment du décès à la première modernité est un sujet fascinant et peu étudié; dans la peinture, c’est vers 1600, notamment avec Caravage, qu’un nouvel intérêt pour l’instantanéité de la mort émerge, et que des outils picturaux sont développés pour montrer le devenir-cadavre d’un humain et la temporalité si complexe de l’événement/processus. Quand le mort est un roi, les enjeux ne sont que plus cruciaux encore. Comment figurer le corps physique vidé de son pouvoir et de sa vitalité tout en assurant par l’image l’évidence de la pérennité du corps souverain immortel? Comment s’insère l’image de la mort du roi dans la série des représentations du souverain vivant qui la précèdent? Lorsqu’il s’agit d’une mort royale, l’instant de la mort est-il souligné ou plutôt esquivé dans les images, et la charge symbolique prend-elle le pas sur la représentation naturaliste du décès? En quoi les images de la mort du roi se diffèrent-elles des images du décès d’autres personnes, contemporaines des artistes qui les ont représentées ou bien faisant partie d’un passé plus ou moins lointain?

Dans cette communication, après une présentation générale de mes recherches sur les représentations de l’instant de la mort à la première modernité, je m’interrogerai sur l’aspect politique de ce défi artistique, en analysant quelques images visuelles de la mort des rois en France, et ailleurs en Europe, durant le long XVIIe siècle, soit entre l’assassinat d’Henri IV et la mort de Louis XIV. Le regard se posera, entre autres, sur une peinture du cycle pour Marie de Médicis peint par Rubens, sur un tableau anonyme et des gravures représentant l’exécution de Charles 1er d’Angleterre et sur les images peu nombreuses du décès de Louis XIV à Versailles. En effet, il y aura lieu de s’interroger sur la relative rareté de ces images alors que les artistes du XIXe siècle, historiciste et romantique, se délecteront des possibilités dramatiques que leur offraient les rois mourants de l’Ancien Régime.

Itay Sapir est professeur d’histoire de l’art à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), spécialiste de la première modernité (XVe-XVIIe siècles). Il est l’auteur de nombreuses publications sur des artistes tels que Caravage, Adam Elsheimer, Claude Lorrain et Jusepe de Ribera. Parmi ses plus récentes publications, signalons le recueil The Announcement : Annunciations and Beyond co-dirigé avec Alessandro Nova et Hana Gründler (De Gruyter 2020) et les articles “Baroque Science, Experimental Art? Jusepe de Ribera and other Neapolitan Skeptics” dans Berichte zur Wissenschaftsgeschichte (2020) et « Music, Painting, Cosmos, Chaos : Flaying and Playing in Titian’s Marsyas » dans Experiencing Music and Visual Cultures : Threshold, Intermediality, Synchresis (2021). Ancien boursier post-doctoral au Kunsthistorisches Institut de Florence et à la Italian Academy à l’Université Columbia, Itay a été, en 2018-2019, chercheur invité à la Freie Universität de Berlin avec une Fellowship de la Fondation Humboldt. Sa recherche sur les représentations de l’instant de la mort fait partie du projet « Before the “Great Divide”: The Shared Language(s) of Art and Science in the Early Modern Period » financé pour cinq ans par le  Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

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