Conférences de la Ligne générale – Le corps de l’image: art et biopouvoir

Première séance du cycle des conférences de la Ligne générale :

Le corps du peuple ou la souffrance des Lumières
par Arlette Farge (directrice de recherche, CNRS/EHESS)

On assure volontiers que le Siècle des Lumières fut celui du bonheur, idée neuve en Europe, écrit Saint-Just, à l’ombre de la guillotine. C’est oublier un peu vite la souffrance du peuple, qui est la part maudite des Lumières. Entre la misère et la faim, les fièvres et les épidémies, les crimes et les accidents, la condition populaire est une condition douloureuse, où la vie n’est que survie.

Cette conférence, étayée d’images très diverses, films inclus, scrutera le phénomène occulté de la violence sociale, qui soumet les pauvres, et notamment les femmes, aux agressions urbaines de toute nature (la rue, l’atelier, l’hôpital, la police) : anthropologie critique du malheur ordinaire, au seuil du biopouvoir, où s’instaure, dit Foucault, le contrôle des corps qui régit nos sociétés tristement disciplinaires.

Depuis sa thèse sur le vol d’aliments dans le Paris du XVIIIe siècle, qui fut son premier livre (elle en a publié une trentaine), Arlette Farge n’a cessé de rendre la parole au peuple des Lumières à travers l’étude méthodique des archives judiciaires, dont elle nous a, la première, montré l’importance. Féministe, elle s’est beaucoup investie dans le Groupe d’histoire des femmes (fondé en 1976), qui est un jalon légendaire dans le développement du féminisme français. Proche de Foucault, elle a publié avec lui un essai fameux sur les lettres de cachet (Le désordre des familles, 1982). Mais c’est l’œuvre tout entière qui s’inscrit dans la mouvance du dernier Foucault, le critique des Lumières et le critique du biopouvoir. Cette conférence, qui participe d’un projet de recherche sur la souffrance populaire, inauguré par La déchirure (2013), est une exceptionnelle occasion de rendre hommage à ces travaux essentiels qui ont puissamment renouvelé notre vision des Lumières.

Lundi 28 avril 2014
18h-20h
Auditorium de la Galerie Colbert
2 rue Vivienne ou 6 rue des Petits-Champs
75002 Paris

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