Le couple problématique de l’instrumentalisation et de l’autonomie de l’art a été au cœur des enjeux de la modernité artistique. À cet égard, la période 1960-1980 a représenté un basculement. D’une part, dans le sillage du débat postmoderniste, nombre d’artistes et de théoriciens ont promu une conception de l’art comme activité nécessairement investie dans la réalité vécue, sociale, politique. D’autre part, avec la fin de la guerre froide et la globalisation économique, les stratégies traditionnelles d’instrumentalisation politique de l’art nous paraissent, à tort ou à raison, s’être raréfiées.
De ce fait, la question de l’instrumentalisation de l’art semble s’être déplacée au cours des dernières décennies du terrain politique au terrain économique. Pour autant, les pouvoirs publics sont loin d’avoir délaissé l’idée d’un usage politique de l’art, même s’il prend des formes plus neutres idéologiquement qu’auparavant : l’investissement dans l’art et ses institutions s’intègre à des stratégies globales pour améliorer l’aménagement, l’attractivité et la compétitivité économique d’un territoire.
La notion d’instrumentalisation ne doit pas cependant être envisagée seulement sous l’angle de la manipulation et opposée naïvement à la liberté créatrice de l’artiste. D’une part, les acteurs du champ artistique, s’ils contestent régulièrement ces formes d’instrumentalisation, peuvent aussi les accompagner voire les initier. Ainsi, l’intervention dans l’espace public ou la mise en œuvre d’activités aux retombées sociales ou économiques affichées sont pour les musées comme pour les artistes un moyen de légitimer leur existence. D’autre part, la défense d’une pure autonomie de l’art (telle que la concevait le formalisme le plus strict) semble aujourd’hui impossible et de nombreux artistes promeuvent plutôt le principe d’une instrumentalisation critique de l’art. Au-delà de la formule traditionnelle d’« art engagé », des propositions théoriques plus ou moins novatrices en faveur d’un investissement social ou politique de l’artiste ont connu un certain succès au cours des dernières années (esthétique relationnelle, critique institutionnelle, etc.).
Toutes ces pratiques invitent repenser la question des fonctions sociales de l’art et à complexifier l’opposition entre autonomie et instrumentalité, si l’on veut conserver sa valeur heuristique pour l’art contemporain.
PROGRAMME
9h : Accueil des participants
9h15 : Présentation de la journée, par Nicolas Heimendinger (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis) et Gwenn Riou (Aix-Marseille Université)
9h30 : « À l’ombre du bienfaiteur. Analyse du mécénat socialiste », par Maria Tyl (EHESS)
10h : « État des lieux sur la nouvelle historiographie de l’art soviétique », par Juliette Milbach (EHESS / CNRS)
10h30 : Discussion / Pause
11h : « S’approprier la protestation. L’art contestataire russe dans les mains des autorités publiques », par Sasha Pevak (Université Paris 8 Vincennes- Saint-Denis)
11h30 : « La critique parisienne et la légitimation du free jazz afro- américain : vers une politisation des éléments sonores (1959-1965) », par Lucas Le Texier (Université de Bourgogne)
12h : Discussion
12h30-14h : Déjeuner
14h : « L’art participatif, une pratique instrumentalisée ? », par Estelle Zhong Mengual (Sciences Po Paris / ENSA Dijon)
14h30 : « L’élaboration des projets de médiation chorégraphiques entre implication et désengagement des protagonistes », par Alexia Volpin (Université Lumière Lyon 2)
15h : Discussion / Pause
15h30 : « L’art contemporain dans le complexe techno-scienti que », par Emmanuel Ferrand (Sorbonne Universités UPMC IMJ-PRG)
16h : « Learning from Athens, la crise au service de la dOCUMENTA ? », par Kyveli Mavrokordopoulou (Université Panthéon-Sorbonne – Paris 1/ Fondation Onassis)
16h30 : Discussion / Conclusion
le Samedi 25 février 2017
à l’INHA, Salle Giorgio Vasari,
2 rue Vivienne, 75002 Paris (Métro Bourse)
de 9h à 13h et de 14h à 17h
Entrée libre
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