Les conférences de la Ligne générale : Le corps du désir ou le sexe politique

Le corps du désir ou le sexe politique

Par Eric Alliez (professeur à Paris VIII et Kingston University)

Quelque chose d’essentiel se joue à Vienne, sur la fin des années soixante, qui est la part maudite, longtemps occultée, de l’art dit contemporain : l’avènement d’un corps animal (corps souffrant, corps sanglant), qui est le corps même du pouvoir, et pire, du biopouvoir, dont le stade ultime, écrit Foucault, est le nazisme, que l’Autriche n’a jamais su conjurer. Dans ce corps disciplinaire, que l’Etat s’approprie dans ses moindres fonctions, le sexe est par excellence un organe politique : on dira même qu’il n’est que ça. Günter Brus est la figure emblématique de cette coupure actionniste, où le dessin – l’action drawing – se change en machine corporelle à produire du  désir. Voici donc le grand retour du refoulé viennois, dont l’analyse visionnaire mobilise ici les thèmes fondateurs de la culture contemporaine.

Proche de Gilles Deleuze, qui a dirigé sa thèse sur Gabriel Tarde, dont il a montré l’importance, Eric Alliez a mené une carrière internationale qui l’a conduit à enseigner en des lieux très divers, comme Rio de Janeiro (Université fédérale), Vienne (Académie), Karlsruhe (Hoschschule), et l’Angleterre, où il enseigne toujours. Auteur d’écrits multiples, entre art et philosophie, il a publié en 2005 un ouvrage qui a fait date sur La pensée-Matisse, qu’ont suivi L’œil-cerveau (2007), et tout récemment, Défaire l’image  (2013) : cette ambitieuse trilogie, en rupture éclatante avec les poncifs tenaces de la vieille esthétique, est une véritable archéologie de l’art contemporain, où la lecture des œuvres, qu’elle renouvelle puissamment, ne cesse d’en appeler à la réflexion critique, dans un champ volontiers rétif aux débats d’idées.

Lundi 12 mai 2014
18h-20h
Auditorium de la Galerie Colbert
2 rue Vivienne ou 6 rue des Petits-Champs
75002 Paris

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