Une tribune dans Le Monde sur la recherche en France.

Un collectif de chercheurs déplore dans une tribune au « Monde » les propos tenus début décembre 2023 par le président de la République qui a jugé que la production scientifique française déclinait du fait d’un trop grand morcellement des organismes de recherche. Pour les auteurs, ce diagnostic est faux et les remèdes annoncés seront catastrophiques.

L’intervention du 7 décembre 2023 du président Emmanuel Macron sur la recherche nous laisse un goût amer. Celui de n’être jamais compris. De constater à nouveau que les responsables politiques cèdent à la facilité intellectuelle plutôt qu’à la réflexion. Le discours du président cache au fond la tentation de tous les gouvernements de se débarrasser des organismes de recherche.

Le raisonnement est simple : la place de la France parmi les grandes nations de recherche aurait reculé. Parmi les causes identifiées, le millefeuille administratif, formule mille fois brandie dès lors qu’on veut affaiblir un service public. Et, pour faire bonne mesure, ajoutons le supposé déficit persistant de transfert de la recherche vers l’innovation. Nous obtenons alors le cocktail souhaité : la recherche va mal, il faut la soigner.

Comment ? La solution à nouveau mise en avant par tous les gouvernements depuis quinze ans est simple : autonomie des universités, réorganisation des organismes de recherche. Le diagnostic est faux, les remèdes catastrophiques. Qui n’auront pour conséquence que de renfermer les universités sur elles-mêmes, projet renforcé par la fermeture de nos portes aux collègues et étudiants étrangers annoncée dans la loi « immigration ».

La question de l’autonomie est le slogan de ceux qui veulent faire l’économie d’une réflexion tout en refusant de faire le bilan des multiples réformes subies ces dernières années. Cette autonomie qui s’est doublée d’un vaste mouvement de fusion des universités, la plupart du temps sans autre ambition que de gagner quelques places au classement de Shangaï.

… Alors, contre tout ce qui se dit en ce moment, nous, chercheuses, chercheurs, sommes de plus en plus nombreux à dire que le principal problème de la recherche en France n’est pas celui d’un pilotage qui serait rendu nécessaire par des questions sur la connaissance du monde auxquelles les chercheurs n’auraient pas pensé.

Il est beaucoup plus simple. De grâce, vous les responsables politiques, cessez de vouloir nous dire ce que nous avons à faire alors qu’au fond vous n’y comprenez pas grand-chose. De grâce, faites-nous confiance, laissez-nous travailler.

Les signataires de cette tribune sont : Anne Abeillé, professeure à l’université Paris Cité ; Sophie Achard, directrice de recherche au CNRS ; Luc Arnal, chargé de recherche à l’Inserm ; Guillaume Becq, ingénieur de recherche au CNRS ; Philippe Blache, directeur de recherche au CNRS ; Thierry Chanelière, directeur de recherche au CNRS ; Jonathan Ginzburg, professeur à l’université Paris Cité ; Georges Lutfalla, directeur de recherche au CNRS ; Benjamin Morillon, directeur de recherche à l’Inserm ; Catherine Pelachaud, directrice de recherche au CNRS ; Christian Retoré, professeur à l’université de Montpellier ; Daniele Schön, directeur de recherche au CNRS.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/12/monsieur-le-president-faites-confiance-aux-chercheuses-et-aux-chercheurs-laissez-nous-travailler_6210480_3232.html

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