Workshop : « Le dessin visionnaire et ses savoirs : Portraits et visages » (Strasbourg, 19-20 octobre 2023)

Workshop : « Le dessin visionnaire et ses savoirs : Portraits et visages » (Strasbourg, 19-20 octobre 2023)

[English version below]

Workshop organisé dans le cadre du programme Le dessin visionnaire et ses savoirs. À partir de l’étude et de la valorisation du fonds d’archives de Théophile Bra (Institut d’études avancées de Strasbourg – USIAS)

Dessinez sans intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît presque toujours sur le papier des visages. Menant une excessive vie faciale, on est aussi dans une perpétuelle fièvre de visages. (Henri Michaux, « En pensant au phénomène de la peinture », dans Michaux 2001, p. 320.)

Le workshop propose de réfléchir aux transformations du portrait et à la représentation du visage dans la pratique du dessin visionnaire des XIXe et XXe siècles. Rattaché au programme de recherche sur le fonds d’archives écrites et dessinées de Théophile Bra (1797-1863), soutenu par l’Institut d’études avancées de Strasbourg (USIAS), il ambitionne de désenclaver l’approche du dessin visionnaire afin de comprendre sa participation aux mutations épistémologiques et philosophiques de la modernité. Il vise à renouveler les méthodes de l’histoire de l’art par une ouverture à l’histoire des sciences et des savoirs médicaux ou philosophiques sur la psyché, qui favorisera – au-delà de la définition d’une culture visuelle – une réflexion sur leur commune créativité en termes d’images et de processus graphiques.

Le portrait est au cœur du mythe fondateur de l’invention du dessin rapporté par Pline l’Ancien dans l’histoire de Dibutade, qui entoura d’un trait l’ombre portée du visage de son aimé pour en conserver le souvenir. Le tracé du visage met ici en tension l’existence d’un modèle sur le point de s’absenter et l’« effet de présence » du sujet du l’image (Marin 1981, p. 9), la mémoire et la ressemblance. Cette dernière relève toutefois, dans ces prémices de la pratique du portrait, d’un « contact » entre l’ombre et le trait, à la manière d’une empreinte, plus que de l’imitation du visible au fondement du régime qui dominera la mimésis occidentale (Didi-Huberman 2008). Les théoriciens de l’art classique situeront ainsi le portrait sur une ligne de crête entre la reconnaissance du portraituré et son idéalisation, entre le particulier et le général, l’individu et le type (Pommier 1998) ou encore entre « le visage physique et le visage social ou institutionnel » (Goldberg 2010).

Au XIXe siècle, le portrait se démocratise (Halliday 2000) et l’individualité qu’il dépeint accentue l’expression d’une intériorité, tout en étant menacée par la sérialité des reproductions mécaniques. La remise en question de l’idéalisme classique et l’apparition de la photographie (Font-Réaulx 2012, Wicky 2017), puis du film (Aumont 1992), ne conduisent toutefois pas à réduire le portrait à une simple reproduction des traits physiques de l’individu. D’une part, les traditions de l’icône et de l’allégorie ne disparaissent pas du portrait dans la modernité. D’autre part, qualifiée de « siècle des identités », l’époque connaît de nouvelles codifications cherchant à les « fixer, classer, ordonner et hiérarchiser » (Fureix/Jarrige 2015). Le rôle de la physiognomonie de Johann Kaspar Lavater, dont les ouvrages sont largement traduits autour de 1800, se fait longtemps sentir dans les arts et la littérature, fondée qu’elle est sur une norme issue de la théorie classique de l’art qui ouvre aux recherches de l’écart et de la déviance (Guédron 2011 et 2015). Dans le sillage de cette « pseudo-science » (Dumont 1984), la phrénologie, l’anthropométrie (Baridon/Guédron 1999, Renneville 2000, Baridon 2003, Piazza/Ceyhan 2011, Stiénon/Wicky 2013), les figurations de l’hystérie et de la folie (Didi-Huberman 1982, Aboudrar 1999) – relayées aujourd’hui par la morphopsychologie et la reconnaissance faciale, qui connaît ses balbutiements dans les années 1960 (Meyer 2019) – impriment durablement leurs marques sur la pratique du portrait dessiné, tant elles usent elles-mêmes d’une méthode graphique au sein de laquelle, des traits du visage aux expressions, domine l’idéal d’une transparence du visible, d’une grammaire visuelle et d’un déchiffrement sémiotique (Le Breton 2003).

À la fin du XIXe siècle, l’évolution de la psychiatrie et l’avènement de la psychanalyse freudienne substituent à la méthode analogique de la physiognomonie une relation causale entre la psyché et ses symptômes, mais elle continue de placer l’indice aux fondements de son interprétation (Ginzburg 1980). De même, si le passage des XIXe et XXe siècles voit se multiplier les recherches remettant en question les limites du matérialisme médical autant que le confinement de la psyché dans l’intériorité pour envisager de nouvelles formes d’expansion de l’esprit et de la pensée, elles continuent longtemps de se traduire de manière visuelle, par exemple dans la figuration d’auras et de rayonnements, dans la multiplication et la dissolution des contours, ou encore dans des effets de transparence des visages (Rousseau 2015). Enfin, le XXe siècle est souvent interprété comme une période de crise du sujet et des codes de description et de maîtrise de la « visagéité » (von Matt 1983, Deleuze/Guattari 1980), qui se manifestent parfois visuellement dans la « défiguration » (Grossman 2004), le chaos ou le masque silencieux (Paris 1992).

Comment le dessin visionnaire occidental des XIXe et XXe siècles s’empare-il, participe-t-il ou se démarque-t-il de ce contexte ? Quelles inventions iconographiques et plastiques y renouvellent la tradition du portrait ?

Les résistances à la normalisation et au déchiffrement de la psyché sont nombreuses depuis le début du XIXe siècle et jusqu’au mouvement d’anti-psychiatrie des années 1950-1970. Ils se manifestent dans les arts visuels par une tendance au brouillage des identités, du dandysme au travestissement, dans des processus de tension entre figure signifiante et opacité du visage, subjectivité et masque, référence aux codes institués et ouverture à l’imaginaire (Courtine/Haroche 1994, Belting 2017). Cependant, nombre d’artistes sont eux-mêmes à partir du début du XIXe siècle objets d’études médicales, qui se concentrent sur les phénomènes de la vision et de l’hallucination (Dubois/Gentil 2015, Cheminaud 2018, Jubinville 2020), ainsi que d’auto-observations qui réinventent le paradigme aliéniste de l’œil perçant et scrutateur. L’imaginaire d’une proximité entre génie et folie y participe (Becker 1978, Gros 1997). Les portraits et visages dessinés par les artistes visionnaires en portent-ils la trace ?

Précisons que toute œuvre d’art marquée par une pré-vision de l’avenir peut être qualifiée de visionnaire (Didi-Huberman 2021). Par ailleurs, comme l’écrit Jacques Derrida, « même si le dessin est mimétique, comme on dit, reproductif, figuratif, représentatif, même si le modèle est présentement en face de l’artiste, il faut que le trait procède dans la nuit. Il échappe au champ de la vue » (Derrida 1990, p. 50). Le workshop propose toutefois plutôt d’interroger la manière dont portraits et visages dessinés suggèrent un autre ou un ailleurs du visible faisant irruption dans le monde phénoménal (Henry 1988), que l’invisible le sous-tende, s’y oppose ou s’y entrelace. Nous souhaitons ainsi nous situer dans le prolongement de la réflexion de Jean-François Chevrier sur L’hallucination artistique (Chevrier 2015) en proposant de définir temporairement le dessin visionnaire comme une « expérience et un procédé poétique » (ibid., p. 445, souligné par l’auteur) traduisant une capacité « de voir au-delà des apparences actuelles », qu’elle conduise à une prolifération de détails ou à la dissolution et l’effacement de la figure (ibid., p. 253). L’appellation de « dessin visionnaire », plutôt qu’halluciné, entend toutefois conserver le double mouvement qui marqua l’oeuvre de Théophile Bra : celui d’une résistance à la sécularisation, au rabattement scientifique de l’Être sur le visible ou à une objectivisation de l’invisible, qui le rattache à la tradition mystique (Certeau 1982, Pires-Marques 2010) ; celui d’un désir de voir l’invisible, hanté par une recherche de vérité, qui s’exprime dans des processus de visualisation et de transmission de l’invisible partagés avec d’autres savoirs. Certaines périodes de crise ponctuent cette histoire, dont on retiendra, par exemple, celles fréquemment identifiées par l’histoire de l’art du romantisme, du symbolisme, du surréalisme ou encore de la Beat Generation et du psychédélisme. Succédant aux Visionary Heads de William Blake, les nombreux portraits dessinés de Bra possèdent une dimension d’anachronisme, qui les rapprochent plutôt de ceux de Carl Fredrik Hill, Alfred Kubin, Mikhaïl Vroubel, Joan Miró, André Masson ou Antonin Artaud. Pourtant méconnus aux XIXe et XXe siècles, puisqu’ils ne furent exposés qu’à partir de la fin des années 1990 (Houston 1997, Paris 2007), leurs configurations font penser à la manière dont s’y exprime la voyance, par exemple chez Odilon Redon, Edvard Munch, Marguerite Burnat-Provins ou encore Giorgio de Chirico, Jack Kerouac et Jay DeFeo. Non seulement le surréalisme redécouvre le romantisme, comme le fera la Beat Generation, en particulier Blake, mais se multiplient dans ces mouvements des visages hallucinés et visionnaires, qui semblent, comme à l’époque de Bra, mettre en relation savoirs sur la psyché et création artistique.

Plusieurs perspectives de réflexions peuvent d’ores et déjà être proposées. Sans être restrictives, elles permettent de mettre à l’épreuve de la longue durée les caractéristiques de la pratique du portrait dessiné chez Théophile Bra.

Portraits visionnaires, portraits de visionnaires. On pourra s’interroger sur la manière dont les cadres de représentation de la vision mystique, de l’extase et de l’hallucination développés par le regard clinique à partir du XIXe siècle (Foucault 1963) sont partagés par les artistes, qu’il s’agisse de les entériner, d’y résister, ou de s’en émanciper par l’élaboration d’une dimension critique de la pratique du dessin.

Autoportraits et figures du double. On sait la difficulté d’une définition de l’autoportrait, tant tout portrait relève d’une subtile alliance entre identité et altérité (Lascaux/Ouallet 2014). Comment les artistes en jouent-ils dans les mises en scènes de soi permises par la tradition de l’autoportrait et la représentation de leur propre visage ? On pourra notamment s’intéresser à la figure de double. Si cette dernière connaît sur la période un infléchissement du romantisme littéraire au diagnostic médical, notamment au travers de la question des personnalités multiples (Carroy 1993) et de la psychose schizophrénique, les artistes y souscrivent-ils ou s’y opposent-ils ?

– Généalogies imaginaires. L’établissement de généalogies visionnaires par le portrait contribue à créer des effets de résonances historiques ou d’anachronismes temporels, qui témoignent de l’expérience qui les fait naître et les invente. La reconstruction généalogique comporte une composante identitaire, qui repose souvent sur une instrumentalisation de la mémoire plus que sur une démarche scientifique (Ragon 2007). Elle peut également relever d’un renouvellement des relations de parenté, de la tradition de la filiation artistique (Maillet 2011) ou de lignées ancestrales légendaires. Outre l´examen de ces procédés, le traitement conjoint ou différencié des généalogies chez les artistes, les aliénistes et les psychiatres permettra notamment d’aborder la tendance encore peu explorée d’une « médecine rétrospective » (James 1997) identifiant les précédents historiques de l’expérience visionnaire en termes visuels.

Vision et jeux de regards. Les visages portraiturés semblent fréquemment répondre au regard de l’observateur. Depuis la Renaissance, « le sujet du portrait autonome (…) a besoin d’un semblable pour sa réalisation, le spectateur indépendant auquel il s’adresse » (Boehm 1985). Le portrait instaure donc une relation et son « efficacité sémantique” résida longtemps dans une forme de sociabilité (Wrona 2012, p. 26 et 31). Mais le dessin visionnaire donne au regard une portée qui dépasse la question du face à face. « Le visage, écrit Jean-Luc Nancy, fait voir la vision qui reste en lui invisible au sens strict car l’œil n’est pas “lui-même” la vision » (Nancy 2014, p. 34). L’œil peut donc s’y faire tour à tour opaque ou transparent, dirigé vers le regardeur du dessin, vers des motifs visibles ou vers le dehors de l’image. Comment ces jeux de regards s’articulent-ils à l’économie de la page, à ses blancs en réserve, au cadrage de la figure, à des formes non figuratives ou à d’éventuels écrits qui entourent les figures, comme c’est le cas chez Théophile Bra ?

Comité scientifique :

Laurent Baridon, professeur d’histoire de l’art contemporain, université Lumière – Lyon 2.

David Le Breton, professeur de sociologie et d’anthropologie, université de Strasbourg.

Boris Roman Gibhardt, conservateur des collections et des études littéraires du Goethe-Nationalmuseum, Klassik-Stiftung Weimar.

Julie Ramos, professeure d’histoire de l’art, université de Strasbourg et Fellows de l’USIAS.

Érika Wicky, European University Institute et chercheuse associée au LARHRA, université Lumière – Lyon 2.

Informations pratiques

Workshop prévu les 19 et 20 octobre 2023 à l’université de Strasbourg.

Les propositions d’interventions, composées d’un titre, d’une présentation de 2500 caractères espaces compris maximum et d’une notice biographique d’environ 1000 caractères espaces compris sont à envoyés avant le 1er mars 2023 à l’adresse suivante : dessin.visionnaire.usias@gmail.com

Langues : français, anglais.

The visionary drawing and its knowledge: portraits and faces

Workshop organised as part of the research programme The visionary drawing and its knowledge. From the study and valorization of the archives of Théophile Bra (University of Strasbourg Institute of Advanced Study – USIAS).

Draw without any particular intention, scribble automatically, and faces will almost always appear on the paper. Leading an excessive facial life, one is also in a perpetual fever of faces. (Henri Michaux,  »En pensant au phénomène de la peinture », in Michaux 2001, p. 320.)

The workshop suggests to reflect on the transformations of the portrait and on the representation of the face in the visionary drawing of the 19th and 20th century. Associated with the research programme on the written and drawn archives of Théophile Bra (1797-1863) and supported by the University of Strasbourg Institute of Advanced Study – USIAS, it aspires to open up the approach to the visionary drawing in order to comprehend its participation in epistemological and philosophical changes of modern times. It seeks to renew the methods of art history by including the history of science and of medical and philosophical knowledge about the psyche, which will encourage – beyond the definition of a visual culture – a reflection on the creativity they have in common in terms of images and graphic processes.

The portrait is at the heart of the founding myth of the invention of the drawing, as told by Pliny the Elder in the story of Dibutade who drew a line around the shadow of her beloved’s face in order to preserve its memory. Here, the drawing of the face creates a tension between the existence of a model about to disappear and the  »effect of presence » of the subject of the image (Marin 1981, p. 9), memory and resemblance. The latter, however, in these early days of portraiture, is a matter of  »contact » between shadow and line, functioning like an imprint, rather than a matter of imitation of the visible having formed the cornerstone of the scheme that would dominate Western mimesis (Didi-Huberman 2008). Classical art theorists would thus locate the portrait on a ridge between the recognition of the portrayed and the idealisation, between the particular and the general, the individual and the type (Pommier 1998) or between  »the face of the body and the social or institutional face » (Goldberg 2010).

In the 19th century, the portrait became more accessible (Halliday 2000) and the individuality that it showed emphasised the expression of interiority although it was at the same time threatened by the seriality of mechanical reproductions. The questioning of classical idealism and the arrival of photography (Font-Réaulx 2012, Wicky 2017) and film (Aumont 1992) did not lead, however, to the rejection of the portrait as a simple reproduction of an individual’s physical features. On the one hand, the traditions of icon and allegory did not disappear from the modern portrait. On the other hand, the period described as the  »century of identities » saw new codes seeking to  »fix, classify, organise and hierarchise » them (Fureix/Jarrige 2015). The role of Johann Kaspar Lavater’s physiognomy, whose works were widely translated around 1800, has been noticeable during a long time in the arts and in literature, based as it was on a norm derived from the classical theory of art giving way to research on difference and deviance (Guédron 2011 and 2015). Following this  »pseudo-science » (Dumont 1984), phrenology, anthropometry (Baridon/Guédron 1999, Renneville 2000, Baridon 2003, Piazza/Ceyhan 2011, Stiénon/Wicky 2013), figurations of hysteria and madness (Didi-Huberman 1982, Aboudrar 1999) – relayed today through morphopsychology and facial recognition that began in the 1960’s (Meyer 2019) – have had a lasting impact on portrait drawing because they make themselves use of a graphic method where, from facial features to expressions, the ideal of a transparency of the visible, of a visual grammar and of a semiotic decoding (Le Breton 2003) is dominant.

At the end of the 19th century, the evolution of psychiatry and the arrival of Freudian psychoanalysis replaced the analogical method of physiognomy with a causal relation between the psyche and its symptoms, but it continued to place the clue at the root of its interpretation (Ginzburg 1980). Similarly, even if the transition from the 19th to the 20th century saw a proliferation of research questioning the limits of medical materialism as well as the limitation of the psyche to interiority in order to consider new forms of expansion of mind and thought, they were still expressed for a long time in a visual manner, for example in the representation of auras and radiances, the multiplication and dissolution of outlines, or even the effects of transparent faces (Rousseau 2015). Finally, the 20th century is often interpreted as a period of crisis of the subject and of conventions of description and of mastering the  »faciality » (von Matt 1983, Deleuze/Guattari 1980), that are sometimes expressed visually through  »disfiguration » (Grossman 2004), chaos or the silent mask (Paris 1992).

How does the Western visionary drawing of the 19th and 20th century approach, participate in or distinguish itself from this context? Which of its iconographical and artistic inventions renew the tradition of portraiture?

There has been a great amount of resistance to the normalisation and decoding of the psyche since the beginning of the 19th century and until the anti-psychiatry movement from the 1950’s to the 1970’s. It is expressed in the visual arts through a tendency to blur identities, from dandyism to disguise, through situations of tension between the signifying figure and the opacity of the face, the subjectivity and the mask, the reference to established codes and the acceptance of the imaginary (Courtine/Haroche 1994, Belting 2017). However, from the beginning of the 19th century onwards, many artists are themselves the target of medical studies focussing on the phenomena of vision and hallucination (Dubois/Gentil 2015, Cheminaud 2018, Jubinville 2020), as well as the subject of self-observations that reinvent the alienist paradigm of the penetrating and scrutinising eye. The assumed proximity between genius and madness contributes to this (Becker 1978, Gros 1997). Do the portraits and faces drawn by visionary artists reveal any traces of such practises?

Let us clarify that any artwork displaying a premonition of the future can be called visionary (Didi-Huberman 2021). Moreover, as Jacques Derrida writes,  »even if the drawing is mimetic, as we say, reproductive, figurative, representative, even if the model is actually in front of the artist, the line must proceed in the night. It escapes the field of sight » (Derrida 1990, p. 50). However, the workshop suggests instead to question the ways in which portraits and drawn faces evoke an Other or an Elsewhere of the visible that invades the phenomenal world (Henry 1988), whether the invisible underlies it, opposes it or is intertwined with it. We thus wish to follow Jean-François Chevrier’s reflections on L’hallucination artistique (Chevrier 2015) by suggesting to define temporarily the visionary drawing as an  »experience and a poetic process » (ibid., p. 445, emphasis in original) conveying a capacity  »to see beyond actual appearances », whether it leads to a proliferation of details or to the dissolution and erasure of the figure (ibid., p. 253). The term « visionary drawing », rather than hallucinatory, is intended to preserve the double movement that marked the work of Théophile Bra: that of a resistance to secularisation, to the scientific reduction of the Being to the visible or to an objectification of the invisible which links him to the mystical tradition (Certeau 1982, Pires-Marques 2010); and that of a desire to see the invisible, haunted by a search for truth expressed in processes of visualisation and transmission of the invisible shared with other fields of knowledge. A number of moments of crisis mark this period, such as those frequently identified by the art history of Romanticism, Symbolism, Surrealism or even the Beat Generation and Psychedelism. Following William Blake’s Visionary Heads, Bra’s numerous drawn portraits display anachronisms and are similar to those of Carl Fredrik Hill, Alfred Kubin, Mikhail Vroubel, Joan Miró, André Masson and Antonin Artaud. Although little known in the 19th and 20th centuries, since they were not exhibited until the end of the 1990s (Houston 1997, Paris 2007), their configurations are reminiscent of the way in which clairvoyance is expressed, for example by Odilon Redon, Edvard Munch, Marguerite Burnat-Provins, Giorgio de Chirico, Jack Kerouac and Jay DeFeo. Not only did Surrealism rediscover Romanticism, as the Beat Generation would later on, especially Blake, but in these movements hallucinatory and visionary faces multiplied, seeming, as in Bra’s time, to link knowledge of the psyche to the artistic creation.

Several research perspectives can already be suggested. Without being restrictive, they allow to test the characteristics of Théophile Bra’s practise of portrait drawing over a long period of time.

– Visionary portraits, portraits of visionaries. One could examine the ways in which the representational frameworks of mystical vision, rapture and hallucination developed by the clinical gaze from the 19th century onwards (Foucault 1963) are shared by artists, whether it is a question of endorsing or resisting them, or of emancipating themselves from them by developing a critical dimension of the drawing practice.

– Self-portraits and doubles. We know about the difficulty to define self-portraiture, since every portrait is a subtle alliance between identity and otherness (Lascaux/Ouallet 2014). How do artists play with this when they show their self, permitted by the tradition of self-portraiture and the representation of their own face? One could especially look into the double. The latter underwent an evolution from literary romanticism to medical diagnosis, notably through the problem of multiple personalities (Carroy 1993) and schizophrenic psychosis, but did artists agree with it or oppose it?

– Imaginary genealogies. The creation of visionary genealogies through portraiture contributes to the creation of historical echoes or temporal anachronisms which testify to the experience that gives rise to and invents them. Genealogical reconstruction has an identity component, which is often based on an instrumentalisation of memory rather than on a scientific approach (Ragon 2007). It can also be motivated by a renewal of kinship relations, the tradition of artistic filiation (Maillet 2011) or legendary ancestral lineages. In addition to examining these processes, the shared or distinct treatment of genealogies by artists, alienists and psychiatrists will allow us to address the barely explored tendency to a  »retrospective medicine » (James 1997) identifying the historical background of the visionary experience in visual terms.

– Vision and staring games. Portrait faces frequently seem to respond to the gaze of the observer. Since the Renaissance, « the subject of the autonomous portrait (…) needs a counterpart for its realisation, the independent viewer who is addressed » (Boehm 1985). The portrait thus establishes a relationship and its  »semantic efficiency » has long consisted of a form of sociability (Wrona 2012, p. 26 and p. 31). But the visionary drawing gives the gaze a meaning that goes beyond the problem of the face to face. « The face, writes Jean-Luc Nancy, shows the vision remaining invisible in it in the strict sense because the eye is not ‘itself’ the vision » (Nancy 2014, p. 34). The eye can thus at turns become opaque or transparent, be directed towards the viewer of the drawing, towards visible motifs or a point beyond the image. How do these staring games relate to the economy of the page, to its blank spaces, to the framing of the figure, to non-figurative forms or to writings that potentially surround the figures, as is the case with Théophile Bra?

Selection Committee

Laurent Baridon, professor of contemporary art history, University Lumière – Lyon 2.

David Le Breton, professor of sociology and anthropology, University of Strasbourg.

Boris Roman Gibhardt, curator of the collections and literary studies of the Goethe-Nationalmuseum, Klassik-Stiftung Weimar.

Julie Ramos, professor of art history, University of Strasbourg and Fellow of USIAS.

Érika Wicky, European University Institute and associated researcher of LARHRA, University Lumière – Lyon 2.

More details

Workshop scheduled for the 19th and 20th of October 2023 at the University of Strasbourg. Paper proposals consisting of a title, a presentation of no more than 2,500 characters including spaces and a biographical note of approximately 1,000 characters including spaces are to be sent before the 1st of March 2023 to: dessin.visionnaire.usias@gmail.com

Languages: English, French

This workshop is part of a series of scientific events as part of the research programme The visionary drawing and its knowledge.

Références bibliographiques/Bibliography

Aboudrar B.-N. 1999 : Voir les fous, Paris, PUF, coll. « Psychopathologie ».

Aumont J. 1992 : Du visage au cinéma, Paris, Éditions de l’Étoile, coll. « Cahiers du cinéma ».

Baridon L., Guédron M. 1999 : Corps et arts. Physionomies et physiologies des arts visuels, Paris, L’Harmattan, coll. « Histoire des sciences humaines ».

Baridon L. 2004 : « Du portrait comme une science : Phrénologie et arts visuels en France au xixe siècle » in C. Bouton, V. Laurand et L. Raïd (dir.) 2005 : La Physiognomonie. Problèmes philosophiques d’une pseudo-science, Paris Kimé.

Becker G. 1978 : The Mad Genius Controversy: A Study in the Sociology of Deviance, Beverly Hills, Sage.

Belting H. 2017 : Faces. Une histoire du visage [2013], Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque illustrée des histoires ».

Boehm G. 1985 : Bildnis und Individuum. Über den Ursprung der Porträtmalerei in der italienischen Renaissance, Munich, Prestel.

Caso J. de, Bigotte A. 1997 : The Drawing Speaks. Théophile Bra: Works 1826-1855, cat. expo. The Menil Collection, Houston, The Menil Collection.

Certeau M. de 1982 : La fable mystique. xviexviie siècle, Paris, Gallimard.

Cheminaud J. 2018 : Les évadés de la médecine. Physiologie de l’art dans la France de la seconde moitié du xixe siècle, Paris, Vrin, coll. « Essais d’art et de philosophie ».

Courtine J.-F., Haroche C. 1994 : Histoire du visage. Exprimer et taire ses émotions, du xvie au début du xixe siècle [1988], Paris, Payot et Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot ».

Deleuze G., Guattari F. 1980 : « Année Zéro – Visagéité », dans Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie, Paris, Les Éditions de Minuit.

Derrida J. 1990 : Mémoires d’aveugle. L’autoportrait et autres ruines, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, coll. « Parti pris ».

Didi-Huberman G. 2014 : Invention de l’hystérie. Charcot et l’Iconographie photographique de la Salpêtrière [1982], Paris, Macula.

Didi-Huberman G. 2016 : La ressemblance par contact. Archéologie, anachronisme et modernité de l’empreinte [2008], Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe ».

Didi-Huberman G. 2021 : Imaginer, recommencer, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Ce qui nous soulève ».

Dubois A.-M., Gentil A. 2015 : Psilocybine : quand la psychiatrie observe la création, les années 60 à Saint-Anne, Paris, Centre d’étude de l’expression.

Dumont M. 1984 : « Le succès mondain d’une fausse science : la physiognomonie de Johann Kaspar Lavater », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 54.

Font-Réaulx D. 2020 : Peinture et photographie. Les enjeux d’une rencontre, 1839-1914 [2012], Paris, Flammarion.

Foucault M. 2017 : Naissance de la clinique [1963], Paris, PUF, coll. « Quadrige ».

Fureix E., Jarrige F. 2020 : « Le siècle des identités », dans E. Fureix et F. Jarrige (dir.), La modernité désenchantée. Relire l’histoire du xixe siècle français [2015], Paris, La Découverte, coll. « La Découverte poche ».

Ginzburg C. 1980 : « Signes, traces, pistes : racines d’un paradigme de l’indice », Le Débat, vol. 6, n° 41.

Goldberg I. 2010 : « Portrait et visage, visage ou portrait », dans F. Flahutez, I. Goldberg et P. Volti (dir.). Visage et portrait, visage ou portrait, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre.

Gros F. 1997 : Création et Folie. Une histoire du jugement psychiatrique, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques ».

Grossman E. 2004 : La défiguration. Artaud, Beckett, Michaux, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe ».

Guédron M. 2011 : La grimace. Cinq siècles d’excès du visage, Paris, Hazan.

Guédron M. 2015 : Visage(s). Sens et représentations en Occident, Paris, Hazan.

Halliday T. 2000 : Facing the Public: Portraiture in the Aftermath of the French Revolution, Manchester, Manchester University Press.

Henry M. 1988 : Voir l’invisible. Sur Kandinsky, Paris, Éditions François Bourin.

James T. 1997 : Vies secondes [1995], Paris Gallimard, coll. « Connaissance de l’inconscient ».

Jubinville G. 2020 : L’art et architecture au temps des premiers aliénistes français, Paris, L’Harmattan, coll. « Psychologiques ».

Lascaux S. et Ouallet Y. 2014 (dir.), Autoportrait et altérité, Mont-Saint-Aignan, PURH.

Marin L. 2012 : Le portrait du roi [1981], Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun ».

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