Cycle Vidéo et après : « Autour de Zapping Zone de Chris Marker. Une étude renouvelée » (Paris, Centre Pompidou, 14 janvier 2022)

Chris Marker, Zapping Zone (Proposals for an Imaginary television) (détail « Glassman ») 1990-1994 © Mnam/Centre Pompidou.

Avec Zapping Zone (Proposals for an imaginary television), en 1990, Chris Marker a sans doute réalisé l’une de ses œuvres les plus expérimentales et un jalon remarquable dans l’histoire de l’art et des médias. Cette installation mêlant vidéo, informatique et photographie dans un assemblage piranésien, croisant images documentaires et écritures abstraites, faisait réponse à l’exposition du Centre Pompidou, « Passages de l’image », qui avait convié une dizaine d’artistes à aborder les relations multiples entre les images : images fixes et images en mouvement, images trouvées et créées, indicialité et picturalité. Tout au long de la modernité, ces frictions et hybridations sont le fait de pratiques artistiques expérimentales mais elles deviennent au tournant des années 1980 une réalité croissante dans le paysage visuel des médias de masse. Marker a brassé dans le chantier de Zapping Zone une recherche tentaculaire, laissant derrière lui plus de 180 disquettes de travail, quantité d’étapes et de versions changeantes d’un projet qu’il voulait toujours en mouvement. L’œuvre, en effet, n’a cessé d’être reconfigurée dans son contenu comme dans sa forme au gré de ses présentations et de l’évolution des préoccupations de son auteur.

Deux années de recherche ont permis une documentation étendue des matériaux et des états successifs de Zapping Zone, éclairée des travaux qui l’ont préparée techniquement et conceptuellement, notamment dans le domaine de la création informatique – Dialector, Lulucat, Constructor et autres investigations développées par Marker en autodidacte du code. Ce projet de recherche en conservation et restauration a abouti, dans les salles du Musée national d’art moderne, à une présentation au plus près de la première version de l’œuvre, accompagnée d’une salle dossier offrant un aperçu, pour autant qu’il soit possible, du laboratoire technique et formel foisonnant que ce chantier de création a cristallisé dans l’œuvre de Marker, avant de laisser place à d’autres imaginaires post-filmiques d’une mémoire partagée : le CD-Rom Immemory (1997), l’île baptisée L’ouvroir (2008) qu’il crée avec Max Moswitzer sur la plateforme virtuelle Second Life, et enfin le site internet qu’il laissera inachevé, Gorgomancy (2007-2013).

Réunissant l’équipe scientifique du projet, cette séance se propose d’exposer les principes et les fruits de cette recherche. Le projet a été mené en collaboration avec le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France avec le soutien de la Fondation des Sciences du Patrimoine.

 

Programme :

Logiciel/catacombes, time-machine de Chris Marker ou le souvenir d’un passage

Par Marcella Lista, historienne de l’art, conservatrice en chef de la collection Nouveaux Médias du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou.

« Catacombes, parce que c’est là, dans des souterrains imaginaires, que nous essayons de tracer les signes auxquels nous attachons notre confiance imprécise en un avenir dont nous ne savons, à vrai dire, rien. » Le premier titre que Marker a donné à Zapping Zone interroge les turbulences d’une mémoire qui pivote, à l’aube du numérique, vers l’insondable matérialité du stockage de masse, la mutabilité et la redistribution infinies des images. Cette œuvre sui generis inscrit dans sa grammaire même l’instabilité des médias contemporains et la préfiguration de sa propre ruine technologique.

 

Chris Marker, bêta-testeur

Par Agnès de Cayeux, plasticienne en arts et cultures numériques associée au département des Arts Plastiques de l’Université Picardie Jules Vernes.

À propos du logiciel HyperStudio, créé en 1988 par Roger Wagner, Chris Marker écrit qu’il est « l’outil de création le plus fantastique qui m’ait été donné depuis que j’ai appris à écrire ». De l’artisan-programmeur à l’ingénieur-inventeur – surnommé Hyperman par Marker – naît une très longue amitié de travail et un dialogue incessant. Marker teste HyperStudio, s’en approprie les capacités, joue à composer et créer. Wagner observe les essais de Marker et affine son logiciel d’une version à l’autre. Zapping Zone (1990), Level Five (1996) et Immemory (1997) en sont les configurations passagères.

 

Au croisement de l’image analogique et de l’image numérique : synthèse vidéo et hybridations dans Zapping Zone

Par Alexandre Michaan, restaurateur du patrimoine et doctorant à l’Université de Saint-Etienne, spécialisé dans la préservation des œuvres vidéo analogiques et numériques.

De 1990 à 1994, Zapping Zone a été pour Chris Marker un terrain d’expérimentation technique pour la manipulation et la mise en scène de l’image vidéo. De l’utilisation de la synthèse vidéo analogique, précédée par Quand le siècle a pris formes (1978) et Sans soleil (1983), à la combinaison de flux vidéo télévisuel en direct et d’images informatiques, Marker s’est emparé peu à peu des nouveaux moyens techniques disponibles pour modifier et affiner certaines des « zones » de son installation durant les quatre premières années de son exposition.

 

Conservation et restauration au prisme de Zapping Zone

Par Cécile Dazord, conservatrice du patrimoine, responsable de l’art contemporain au Département recherche du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (2006-2019).

L’essor des technologies de l’information s’est accompagné d’un raccourcissement constant de la durée de vie des produits qui les constituent et de l’augmentation exponentielle de leur taux de renouvellement. Dans le contexte patrimonial, le régime temporel des œuvres fondé sur la permanence et la pérennité entre en collision avec les phénomènes d’obsolescence technologique. Zapping Zone, dans les collections du Musée national d’art moderne, est immanquablement traversée et affectée par ces forces contradictoires.

 

Intervenants :

– Agnès de Cayeux, plasticienne en arts et cultures numériques associée au département des Arts Plastiques de l’Université Picardie Jules Vernes.

– Cécile Dazord, conservatrice du patrimoine, responsable de l’art contemporain au Département recherche du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (2006-2019).

 – Marcella Lista, historienne de l’art, conservatrice en chef de la collection Nouveaux Médias du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou.

– Alexandre Michaan, restaurateur du patrimoine et doctorant à l’Université de Saint-Etienne, spécialisé dans la préservation des œuvres vidéo analogiques et numériques.

 

Source : https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/GTBXXX5

 

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