Le XVIIIe siècle connaît un mouvement inédit de fondation d’écoles de dessin et d’académies d’art dans toutes les régions en France. Le phénomène émerge à partir des années 1740 à Rouen et à Toulouse puis se déploie sur l’ensemble du territoire. Il est le fait de quelques hommes déterminés, qui s’inscrivent à la suite des grands projets colbertiens de modernisation de l’État. Ils agissent dans un jeu de tension entre pouvoirs municipaux et autorité royale, ambitions personnelles et intérêts communautaires, projet pédagogique et visée commerciale. Comment naissent ces institutions et quel rôle y prend l’individu selon son rang, ses activités, son milieu ? Quelles stratégies sont mises en œuvre pour donner un cadre juridique et une légitimité sociale à ces établissements ? Quelles logiques président à leur fondation, ces écoles étant pensées comme des structures-clef de la formation et des échanges artistiques, mais aussi comme des viviers d’artistes, d’artisans et d’entrepreneurs prêts à développer des centres de production en Europe. De quelle manière le « modèle » de l’Académie royale de peinture et de sculpture est-il utilisé ou, à l’inverse, contourné devant les contraintes et les logiques locales ?
Ces journées d’étude, premier volet d’une série consacrée aux réseaux des académies d’art, seront l’occasion de questionner la genèse des institutions à travers le prisme de l’individu. En prenant l’exemple de quelques figures phare – entendues comme les ego et leurs alter engagés dans des liens aux configurations multiples, notamment familiales, amicales, socio-professionnelles – nous interrogerons l’épaisseur et l’efficacité des relations humaines dans la construction et l’organisation des établissements. Dans un aller-retour permanent entre l’individuel et le collectif, il s’agira aussi de réfléchir à la fonction des structures institutionnelles comme régulateur social.
Si le champ d’investigation couvert par nos recherches a été défriché par les ouvrages de Nikolaus Pevsner (Academies of Art, Past and Present en 1940) et de Daniel Roche (Le siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, 1978, 1989), plusieurs travaux ont été conduits depuis une quinzaine d’années par les historiens et les historiens de l’art (Reed Benhamou, Gaëtane Maës, Ulrich Leben, Agnès Lahalle, Christian Michel, Marjorie Guillin, etc.). L’objectif est donc d’accompagner une relecture du mouvement académique à l’appui d’outils d’analyse encore peu usités. Les études de cas seront mises en perspective avec les apports de la sociologie depuis Norbert Elias (Über den Prozeß der Zivilisation. Soziogenetische und psychogenetische Untersuchungen, 1939 ; Die Gesellschaft der Individuen, 1987) jusqu’au publications et programmes récents (Michel Grossetti, 2011 ; Labex « Institutionnalité et Historicité » (« Institutionalität und Geschichtlichkeit ») de l’université de Dresde). Les intervenants s’attacheront à la fois à examiner les sources qui documentent l’ouverture des écoles (correspondances, lettres patentes, etc.) et à déterminer les réseaux sociaux activés.
Issu d’un partenariat scientifique entre le programme de recherche ACA-RES (Les Académies d’art et leurs réseaux dans la France pré-industrielle, soutenu par le Labex Structuration des Mondes Sociaux de l’Université de Toulouse et la MSH-T2 ; https://acares.hyptoheses.org) et le Centre allemand d’histoire de l’art de Paris, cette journée d’étude entend privilégier le dialogue entre spécialistes et jeunes chercheurs.
ACADÉMIES D’ART ET MONDES SOCIAUX (1740-1805)
Fonder les institutions artistiques : l’individu, la communauté et leurs réseaux
Journées d’étude – I
8-9 décembre 2016, Laboratoire FRAMESPA / Centre allemand d’histoire de l’art
Comité d’organisation
Markus Castor, Centre allemand d’histoire de l’art
Anne Perrin-Khelissa, Université Toulouse – Jean Jaurès, Laboratoire FRAMESPA UMR 5136
Émilie Roffidal, CNRS, Laboratoire FRAMESPA UMR 5136.
Programme
Jeudi 8 décembre
17h30 Ouverture
Thomas Kirchner, directeur de Centre allemand d’histoire de l’art Paris
Conférence introductive
Christian Michel, Université de Lausanne, Les relations complexes entre l’Académie royale de peinture et de sculpture et les autres académies du royaume
18h30 Apéritif dinatoire pour les participants
Vendredi 9 décembre
9h00 Accueil par Markus Castor, Anne Perrin Khelissa, Emilie Roffidal
Intervenants de la journée
Aude Gobet, musée du Louvre : L’académie de Rouen / Arianne James-Sarazin : L’école de dessin d’Angers / Gaëtane Maës, université de Lille 3 : Les académies de Lille et Valenciennes / Laëtitia Pierre et Gérard Fabre, musée des beaux-arts de Marseille : L’académie de Marseille / Fabienne Sartre, université Paul-Valéry-Montpellier 3 : L’académie de Toulouse / Elsa Trani, université Paul-Valéry-Montpellier 3 : L’académie de Montpellier / Nelly Vi-Tong, université de Bourgogne : L’académie de Dijon
12h30 Séance de travail 1 : les hommes
Il s’agira de mettre l’accent sur le rôle des individus dans la création des écoles de dessins et des académies artistiques. Nous interrogerons notamment leur origine sociale, leur carrière, leur entregent, etc.
10h20 -10h45 Pause
11h30-12h30 Table-ronde avec l’ensemble des intervenants et les organisateurs
12h30-14h Pause déjeuner
14h-17h Séance de travail 2 : les textes fondateurs
Au cours de cette séance, les textes fondateurs des établissements (lettres patentes, statuts, règlements et d’autres sources) seront examinés pour en questionner les contenus, les objectifs et leurs évolutions.
15h15-15h30 Pause
16h15-17h Table-ronde avec l’ensemble des intervenants et les organisateurs
17h-17h30 Conférence conclusive
Nathalie Heinich, EHESS, Le phénomène académique : une approche sociologique
Centre allemand d’histoire de l’art
45 rue des Petits Champs,
75001 Paris
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