Journées d’étude : « Art, images et pouvoir à l’époque coloniale et postcoloniale » (Paris, 29 – 30 avril 2013)

Les journées d’étude du Centre de recherche HiCSA– université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Art, images et pouvoir à l’époque coloniale et postcoloniale, sont organisées par  Maureen Murphy (HiCSA) et Sophie Leclercq (Centre d’histoire culturelle de l’Université Versailles St-Quentin)

29 – 30 avril 2013
9h00 – 18h00.

INHA
Galerie Colbert,
salle Vasari

Programme

29 avril 2013
9h30 / Introduction Philippe Dagen, Sophie Leclercq, Maureen Murphy

L’auto représentation des puissances coloniales
Modérateur : Sophie Leclercq

10h00 / Pedro Martinho (Universidade Pedagogica, Maputo, Mozambique)
La cartographie comme recours stratégique du pouvoir portugais à l’ère coloniale
Pendant la colonisation moderne, le Portugal a déployé plusieurs mécanismes dont celui de la stratégie cartographique, envisageant, semble-t-il, de contrarier l’idée de son positionnement subalterne fréquemment lié à son image dès le début de la colonisation. Dans ce contexte, nous envisageons d’analyser l’imaginaire cartographique projeté par le Portugal, dont celui illustré par le slogan « Le Portugal n’est plus un petit pays », lequel a été probablement érigé en tant que stratégie de ce pays visant à réclamer une place parmi les « grands » pays occidentaux.

10h30 / Anissa Yelles (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
Photographes voyageurs et patrimoine romains en Algérie sous Napoléon III : représentations et imaginaires de la ruine
Dès l’invention de Daguerre, la photographie devient un remarquable outil d’exploration du monde, à commencer par les nouvelles colonies. On constate ainsi dès le début des années 1850 une importante présence de photographes français en Algérie. Ces voyageurs d’un genre particulier produisent un riche corpus comprenant essentiellement des représentations à caractère culturel (scènes de genre). Cependant, on observe aussi chez ces « primitifs » de la photographie une attention significative pour le patrimoine romain présent dans diverses régions de la colonie. Dans cette perspective la référence à la thématique de la latinité/romanité est incontournable et inscrit ce corpus dans une symbolique complexe qu’il s’agira d’analyser.

11h00 / Pause

11h30 / Gabrielle Chomentowski (Sciences Po, Paris)
Le cinéma anticolonialiste en URSS dans les années 1920-1930
Objet éducatif, communicationnel autant qu’artistique, le cinéma en URSS a été pensé par les responsables de la propagande du Parti communiste comme un outil au service de la lutte contre l’impérialisme et la xénophobie. Les films étaient appelés d’une part sur le plan de la politique extérieure à mobiliser les peuples pour qu’ils s’émancipent des empires coloniaux et d’autre part sur le plan intérieur à restituer une représentation dite « authentique » des peuples non-russes. À travers l’étude des débats qui ont animé artistes, ethnologues et responsables politiques ainsi que par l’analyse des films du studio de cinéma Vostokkino (Le cinéma de l’Orient), qui fonctionna de 1928 à 1935, nous proposons une réflexion sur les transferts des clichés culturels et sur la nature impérialiste de l’URSS.

12h00 / Rémi Dalisson (Université de Rouen)
L’imaginaire colonial et ses représentations dans la politique festive de Vichy (1940-1944)
Les colonies sont un des fondements de toutes les fêtes vichystes auxquelles elles participent en bonne place. Elles sont aussi objet de cérémonies spécifiques (Semaine d’outre-mer, Quinzaine impériale) car elles sont un inépuisable réservoir de références utiles pour le pouvoir, depuis la « force noire » jusqu’au discours racialiste et infantilisant, en passant par la virilité et l’exploitation. Elles sont un des meilleurs moyens de propagande du régime qui prolonge l’œuvre coloniale républicaine. Il faut s’interroger sur l’image que le régime donna de « l’autre colonial », surtout africain, ses continuités et ruptures et, plus simplement l’art de la mise en scène festive des colonies. Nous en verrons les spécificités, le discours, mais aussi les ambivalences quand l’Empire était l’un des seuls atouts du régime.

12h30 / Pause

La représentation du pouvoir local : célébration ou domination ?
Modérateur : Laurent Gervereau

14h00 / Sayan Daengklom (Université de Silpakorn, Bangkok)
Posture et pouvoir à la réception impériale
Exposé au salon de 1865, La réception des ambassadeurs siamois par Napoléon III de J.L. Gérôme « piqua vivement la curiosité des visiteurs » selon Théophile Gautier qui y a observé « des poses de batraciens »… L’attitude des ambassadeurs est devenue, sous la plume de beaucoup d’auteurs, sujet de raillerie. Le tableau n’a pas de simple charge commémorative, il représente aussi et inversement la mission symbolique du pouvoir impérial : n’ayant pas voulu rendre l’histoire telle quelle, Gérôme dote le tableau du pouvoir symbolique, soutenu à la fois par la tradition picturale à laquelle il a recours, et – malheureusement – par la posture des dignitaires étrangers. Vu le programme de la propagande impériale généralisée au moyen des beaux-arts, il n’est certainement pas insignifiant que, par la suite, une réplique du même tableau ait été envoyée de la part de l’empereur au roi de Siam. Signe, sans doute, d’un désir d’évoquer le rang de l’occident colonial à travers la propagation d’une scène de soumission.

14h30 / Lucie Moriceau (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense)
Photographies de la Chine Impériale (1865-1891) dans les archives privées du général d’Amade conservées à l’ECPAD
Les fonds privés de soldats photographes amateurs conservés dans les archives de l’ECPAD témoignent de l’engouement des militaires pour le médium et dévoilent comment cet instrument devient l’auxiliaire des nombreuses campagnes jalonnant l’expansion coloniale de la France entre 1880 et le début de la Grande Guerre. La présentation du parcours du général d’Amade, attaché militaire en Chine de 1887 à 1891, sera l’occasion d’interroger les motivations qui sous-tendent la réalisation de reportages amateurs dans ce contexte offensif de la « diplomatie de la canonnière ». Au-delà de la fascination pour la civilisation chinoise et de la permanence des mythes exotiques qu’elles semblent incarner, les photographies du général d’Amade offrent de multiples axes de lecture en dévoilant la diversité des buts poursuivis par l’officier : loisir, espionnage et reportage ethnographique.

15h00 / Pause

15h30 / Sarah Ligner (Institut national du Patrimoine)
Représentations des souverains et notabilités d’Indochine dans la première moitié du XXe siècle
À l’époque coloniale, dans l’Union indochinoise, les représentations du pouvoir local ne sont pas absentes. L’iconographie des notables et souverains – rois du Cambodge ou empereurs d’Annam –, dont l’autorité est extrêmement faible face à l’administration coloniale française, est assumée par des artistes français envoyés en mission dans les colonies, comme les sculpteurs Gustave Hierholtz ou Paul Ducuing. Ces images d’autorités perpétuant la tradition sont ambiguës :  tout en célébrant, elles mettent aussi à l’écart. Que révèlent-elles des liens entre le pouvoir colonial et le pouvoir local ? Il s’agira de poser la question du statut de ces images produites par des artistes, présents dans les expositions coloniales, dont la production mêle travaux personnels et commandes officielles.

Les artistes face à la mémoire coloniale. Une question d’actualité ?

16h00 / Amalia Rama : « Les corps incertains »

16h30 / Société Réaliste : « Borderline »

17h00 / Discussion et conclusion

30 avril 2013  (salle Jullian)

Du « scientifique » au « populaire » : quelles frontières ?
Modérateur : Maureen Murphy

9h30 / Shalini Le Gall (New York University, Paris)
The People of India et la photographie ethnographique
En 1861, le Viceroy de l’Inde, Lord Canning, demandait aux bureaux administratifs de tout le sous-continent de lui envoyer des photographies des différents peuples d’Inde, avec l’intention de les compiler dans un album personnel. Mais ce qui avait commencé comme un simple projet personnel se transforma lentement en un projet plus vaste du gouvernement britannique, consolidant 479 photographies, chacune accompagnée d’un texte. Ce projet en huit volumes, The People of India, fut publié entre 1868 et 1875, et démontre comment la photographie coloniale a pu devenir tour à tour document ethnographique, témoignage politique ou objet artistique.

10h00 / Sofiane Taouchichet (Université Paris X Nanterre)
Entre actualité et romanesque, le Dahomey colonisé dans (ou par) la presse illustrée
Le Journal des voyages, Le Petit journal ou Le Petit parisien sont les principales sources iconographiques populaires pour représenter la colonisation. Si, entre Closer et Le Monde, tout lecteur contemporain connaît les enjeux médiatiques qu’il peut accepter ou refuser, qu’en est-il des titres du XIXe siècle ? Quelle est l’identité de ces périodiques qui servent à présent de sources pour la mise en images de la colonisation ? En retraçant la conquête illustrée du Dahomey dans Le Petit Parisien, nous interrogerons plus amplement le média, et donc son impact, dans la construction du discours sur l’expansion coloniale. L’ambition est de mettre à distance l’émotion et les mémoires contrariées afin de repenser les relations entre l’actualité coloniale avec son support, puis le lecteur.

10h30 / Pause

11h00 / Pascale Ratovonony (Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne)
Images de l’humanisme colonial : la réception de « Y’a Bon Banania ! »
chez L.S. Senghor, F. Fanon et H. Télémaque
À sa création en 1914 la publicité « Y’a Bon Banania » se différencie de l’iconographie publicitaire en vigueur depuis le début du XXe siècle en représentant l’Africain comme un soldat, un tirailleur « sénégalais » défenseur du territoire français ; elle constitue donc une forme de valorisation. Elle est néanmoins considérée comme un symbole du colonialisme par les élites africaines et antillaises. Léopold Sédar Senghor, Frantz Fanon et Hervé Télémaque en font ainsi un point d’ancrage de leur pratique politique ou artistique. Il s’agira donc, à travers ces trois exemples, d’étudier le fonctionnement de l’humanisme colonial à l’œuvre dans la création et la réception de telles images, en se demandant notamment dans quelle mesure elles sont prescriptives de pratiques et de visions de soi et de l’autre.

11h30 / Dominique Moustacchi (Archives Françaises du Film du CNC)
Le film de fiction sous le Protectorat au Maroc, 1946-1948 : une démarche identitaire ?
Depuis les années 1920, le « film colonial » est un genre à part entière avec une fonction idéologique affirmée. Après la Seconde Guerre mondiale, les autorités du protectorat au Maroc souhaitent contrôler la production cinématographique afin de développer un cinéma à thématique musulmane dans le but de contrer la concurrence égyptienne mais également la montée des mouvements nationalistes. Une dizaine de fictions seront tournées en double version, française et arabe. Nous tenterons de montrer comment cette démarche n’a finalement pas connu le succès espéré puisque les œuvres ne rencontreront pas les faveurs du public et que cette production en double version s’arrêtera en 1948.

12h00 / Discussion

12h30 / Pause

Transition vers le contemporain post colonial
Modérateur : Maureen Murphy

14h00 / Un artiste face à la mémoire coloniale. Une question d’actualité ? Kader Attia : « De quelle nature, la culture est-elle une réparation ? »
introduit par Philippe Dagen

14h30 / Fanny Drugeon (LABEX Création, Arts, Patrimoines)
Images en mouvements et mouvements coloniaux. Art et idéologie coloniale dans les archives sonores et audiovisuelles en France après 1945
Partant d’archives audiovisuelles principalement conservées à l’Institut national de l’Audiovisuel (INA), notre intervention portera sur la façon dont la présentation et la réception de l’art après la Seconde Guerre mondiale a pu de manière quasi-systématique prendre une tournure coloniale. L’impact de ces images et idées, largement diffusées sur les radios et les écrans est loin d’être négligeable. Certaines œuvres, à travers leurs commentaires, peuvent en effet de façon détournée avoir des échos colonialistes. Deux choix s’offriraient aux artistes des colonies : celui de l’abstraction qui s’impose comme une culture visuelle dominante dans le contexte français de l’après 1945 ; et celui de l’art naïf, conforme aux attentes et stéréotypes coloniaux.  15h00 / Pause

15h30 / Katja Gentric (Université de Bourgogne)
Tshibumba Kanda Matulu, ou comment raconter l’histoire du Zaïre
Tshibumba Kanda Matulu est l’auteur d’une centaine de peintures de petit format représentant l’histoire du Zaïre par des scènes montrant la colonisation Belge du Congo. Le vocabulaire pictural développé par Tshibumba fait appel à la connaissance de ses spectateurs, les choses essentielles ne sont très fréquemment pas montrées. L’inexactitude des données représentées constitue une remise en doute qui ouvre la porte à une réflexion sur la nécessité de réinventer l’histoire toujours pour le présent. Il est possible d’aborder à travers ce travail, qui est apparemment figuratif, une question cruciale posée face à l’art venant d’Afrique : celle de la façon dont de nombreux artistes résistent à l’expression par l’image figurative ou utilisent celle-ci comme un tremplin pour aboutir à autre chose.

16h00 / Nathalie Dietschy (Université de Lausanne)
La photographie post-coloniale de Samoa : à partir de Greg Semu
L’État indépendant de Samoa a connu plusieurs missions européennes au cours de son histoire. Les colonies ont importé la religion chrétienne qui est devenue la confession de la très grande majorité des Samoans. Les photographies à sujets chrétiens de Greg Semu, né en Samoa Occidentale, témoignent du colonialisme culturel chrétien et abordent la problématique de la circulation des modèles iconographiques. L’artiste traite des rapports de force et de déplacement des œuvres, des effets de domination des formules matricielles dans la production photographique actuelle. Symptomatique des phénomènes d’acculturation, l’œuvre de Greg Semu permet d’interroger l’influence des colonies passées dans la production artistique contemporaine et de mieux comprendre la réponse qu’en donne l’artiste, entre tentative de réappropriation de sa culture traditionnelle et adoption des modèles chrétiens imposés.

16h30 / Conclusion et clôture

 

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