Quatrième congrès du Réseau Asie et Pacifique (CNRS / FMSH) : « Patrimonialisations coloniales : approches transversales »

S’il existe à l’évidence plusieurs systèmes et nations coloniales – en y incluant la Russie et le Japon –, il existe également plusieurs modes de représentation de l’Autre colonisé et de ses cultures anciennes, d’ailleurs fréquemment désignées comme « précoloniales ». Les différentes formes de patrimonialisation de ce passé capturé, marquent de ce fait l’emprise idéologique et normative des systèmes de domination, et ont largement été diffusées par le biais d’instituts, écoles et sociétés savantes telles que, à titre d’exemple, l’Ecole française d’Extrême-Orient, l’Institut français d’Afrique noire ou The Royal Anthropological Institute de Grande-Bretagne. Le terme « patrimoine » lui-même, aujourd’hui en vogue, apparait parfois comme un moyen d’échapper aux hiérarchies implicites de la notion de « culture » et englobe sous une matrice commune des processus de définition, de sélection, de nécessités distinctes selon les contextes idéologiques, politiques et temporels.
Au-delà de ces perceptions uniformisatrices, cet atelier voudrait contribuer à l’analyse des patrimonialisations de la période coloniale (1860-1960) dans un cadre transversal. A partir d’exemples répartis dans plusieurs aires culturelles, mettant à chaque fois en jeu un paradigme de reconnaissance et de différenciation, il s’agira d’analyser les processus d’invention d’un patrimoine et, partant, d’une identité, et de tenter d’en dégager les modalités structurelles, aussi bien dans les pratiques des différents acteurs coloniaux que dans leurs effets , de la création de nouveaux mythes fondateurs aux silences et omissions qui serviront de trame aux réappropriations postcoloniales.
Ce double panel qui réunira 10 chercheurs, poursuivra une réflexion débutée durant la journée d’étude « Le patrimoine dans les Etats post-soviétiques : un culte post-moderne des monuments ? » organisée par l’Observatoire des Etats post-soviétiques, Inalco (début février 2011) et s’inscrira également dans la suite de la journée d’étude « Archéologie(s) coloniale(s) : une approche transversale » (mars 2011).

COORDINATION: ALEXANDRA LOUMPET-GALITZINE ;
galitzine/at/msh-paris/point/fr

ATELIER 52

I. INVENTION DES PATRIMOINES EN CONTEXTE COLONIAL

DISCUTANT : DOMINIQUE POULOT ; Poulot/at/univ-paris1/point/fr

  • « Le dessin, première étape de la patrimonalisation ? l’exemple de la pirogue »  Viviane FAYAUD ; v/point/fayaud/at/msh-paris/point/fr ; Réseau Asie et Pacifique – Imasie ; CNRS-FMSH

Appréhendé par les Occidentaux comme élément majeur du patrimoine polynésien, la pirogue a été l’objet de leur attention dès le XVIIIe siècle. L’Amiral Pâris (180-1893) devient le fondateur de l’ethnographie nautique, suite à la remarquable collection de dessins de pirogues qu’il réalise au cours de ses voyages d’exploration dans le Pacifique. Nombre d’articles et de collections font en Occident la part belle à la pirogue de la SEO à la collection Bouge. Ces oeuvres, qui nourrissent des représentations sociales fondement aujourd’hui d’une identité océanienne revendiquée, se démarquent-elles ou non des contextes coloniaux (discours, philosophie, concepts savants) qui les ont vus naître ?

  • « L’invention du monument historique dans le contexte cosmopolite égyptien (1870-1890) »  Mercédès VOLAIT ; mercedes/point/volait/at/inha/point/fr ; Directrice ; Laboratoire InVisu ; CNRS-INHA

L’invention du monument historique, et l’institutionnalisation de sa protection entre les années 1870 et 1890, intervient en Egypte dans le sillage de « passions privées » et d’activisme préservationniste, sur le modèle français de la Commission des monuments historiques et de l’expertise savante, dans le contexte politique complexe d’une province ottomane passée sous tutelle britannique en 1882 mais dont les Antiquités représenteront durablement un pré carré français tout en impliquant des individualités d’origines nationales variées. Le cas égyptien offre ainsi un cas spécifique de « patrimonialisation coloniale » qui complexifie les relations entre pouvoir colonial et patrimoine.

  • « Le Comité des antiquités turkestanais (Turkomstaris) et l’élaboration de la stratégie de patrimonialisation en Asie centrale postrévolutionnaire » Svetlana GORSHENINA ;  gorsheni/at/ens/point/fr ; Réseau Asie et Pacifique – Imasie CNRS-FMSH

Cette communication porte sur l’histoire de l’élaboration d’un inventaire du patrimoine, essentiellement islamique, du Turkestan et de la stratégie suivie pour sa préservation dans les années 1920-1930 dans le cadre d’une institution spécialement créée dans ce but, le Comité des antiquités turkestanais (Turkomstaris). L’analyse des discours élaborés sur place et dans la métropole par les administrateurs, orientalistes et artistes ne montrera pas seulement les différences entre ces divers acteurs, mais permettra aussi de distinguer les approches propres au centre et à la périphérie de l’empire soviétique. L’ambiguïté de la situation coloniale au moment de cette patrimonialisation à la soviétique se manifeste dès la création du Comité. Dans sa stratégie, ce dernier s’est en effet attaché à réconcilier plusieurs objectifs opposés comme la lutte lancée par les Soviets contre l’islam, le refus de poursuivre les pratiques tsaristes de préservation des monuments et faire face aux critiques que les Occidentaux pourraient émettre en cas de négligences dans le domaine de la défense du patrimoine islamique. Cet épisode pourrait être également révélateur de la nature, coloniale ou non, du régime soviétique en Asie centrale.

  • « Le Musée missionnaire ethnologique du Latran. De la collecte à la patrimonialisation des cultures africaines et océaniennes » Laurick ZERBINI ; laurick-zerbini/at/hotmail/point/fr ; Maîtresse de conférences en Histoire des Arts africains ; Membre du Laboratoire de Recherche Rhône-Alpes ; LARHRA UMR 5190, Équipe RESEA

Á la clôture de l’Exposition missionnaire vaticane de 1925, Pie XI parle de ce « grand et immense livre » qui apporta tant d’enseignements et de méthodes aux missionnaires comme aux fidèles. Cette page, qui vient de se tourner, doit ouvrir vers un nouveau chapitre qui puisse présenter de manière permanente les leçons et les perspectives de rayonnement offertes par cette Manifestation. La visite de Pie XI au musée du Latran le convainc de prolonger les pages de ce Livre par un musée missionnaire ethnologique qui sera organisé dans ce berceau même de l’action apostolique. Inauguré le 21 décembre 1927, le musée devient, pendant plus de quarante ans, le lieu de référence dans la monstration des cultures outre-mer, un outil pédagogique et éducatif destiné principalement à l’ensemble des catholiques. Mais quels sont ces « bibelots que la générosité de tant d’âmes ont accumulés » ? Nous nous proposons de porter un regard croisé sur les collections africaines et océaniennes. Pour comprendre le discours qui s’élabore sur ces deux aires culturelles, il est nécessaire d’en analyser les conditions de construction, d’examiner le type de classification élaboré par Wilhelm Schmidt et de questionner la mise en scène et la mise en ordre des objets et leurs enjeux au sein du vocable musée « missionnaire ethnologique ».

PATRIMONIALISATIONS COLONIALES – APPROCHES TRANSVERSALES ENJEUX ET METAMORPHOSES

DISCUTANT : JEAN-FRANÇOIS STASZAK ; Jean-Francois/point/Staszak/at/unige/point/ch ; Professeur ; Université de Genève ;

  • « Musées archéologiques en Asie dans la première moitié du XXe siècle » Yoshinori ICHIKAWA ; yoshinori/point/ichikawa/at/laposte/point/net ; Bibliothèque de la Maison du Japon ; Cité Internationale Universitaire de Paris

Selon l’ « Imagined Communities » de Benedict ANDERSON, le musée est une des trois institutions, avec le recensement et la carte, qui « ont été profondément marquées par la façon dont l’Etat colonial imaginait sa domination : la légitimité de son ascendance. »
Ce chercheur américain, spécialiste d’Indonésie, continue : « […] à ceux qu’intéresse l’histoire comparée, l’Asie du Sud-Est offre des avantages particuliers, puisque, outre le Siam qui n’a jamais été colonisé, elle comprend des territoires colonisés par la quasi-totalité des puissances impériales blanches. »
Ma communication concerne les musées archéologiques dans les colonies. J’élargis l’échelle de la comparaison en Asie orientale et particulièrement à deux établissements : le Musée Albert Sarraut à Phnom-Penh en Indochine française et le Musée du gouvernement général de Chosen à Seoul en Corée sous l’occupation japonaise. Cet agrandissement permet d’introduire le musée fondé par le colonisateur jaune. Je cherche à savoir quelles particularités possède chaque institution. Le but de ce travail est de démontrer les points communs et les différences entre ces deux musées pour contribuer à établir les caractéristiques généraux du « musée colonial ».

« S’exposer sous le regard de l’Autre : Enjeux politiques des patrimonialisations dans le royaume bamoun (Ouest Cameroun) sous administration française » Alexandra LOUMPET-GALITZINE ; galitzine/at/msh-paris/point/fr ; Réseau Asie et Pacifique – Imasie ; CNRS-FMSH

Entre 1928 et 1929, deux musées ouvrent dans la capitale du royaume bamoun. Le premier est le fait d’un souverain, Njoya, à la veille de son départ en exil, tentant de légitimer continuité dynastique et droit sur le sol par l’exposition de regalia. Le second réunit des objets de lignages collectés par son principal opposant, Mosé Yeyap, bamoun christianisé et interprète de l’administration coloniale française ; cœur du nouveau quartier dit de l’Artisanat, il deviendra peu après le Musée des Arts et Traditions Bamoun, antenne locale de l’Institut Français d’Afrique Noire de Dakar. Ces créations parallèles soulignent les enjeux essentiellement politiques des représentations de Soi sous le regard de l’Autre autant que l’instrumentalisation de modèles coloniaux de patrimonialisation. Cette communication postule qu’ils ont également valeur paradigmatique des patrimonialisations en situation coloniale, mais aussi de leurs prolongements actuels.

« Le patrimoine colonial de l’Afrique centrale : quel avenir ? Comment revisiter l’art colonial ? » Sabine CORNELIS ; sabine/point/cornelis/at/africamuseum/point/be ; Chef de section Histoire du temps colonial ; Musée Royal de l’Afrique centrale ; Tervuren Belgique

Le Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren, en Belgique, est une institution multidisciplinaire, – à la fois musée et centre de recherches -, sur l’Afrique, plus particulièrement sur l’Afrique centrale. De par son histoire – le Musée fut créé par la [pré]colonisation – le MRAC a été la cible de critiques sur sa façon de gérer et de présenter son patrimoine colonial. Depuis une dizaine d’années, le MRAC se réforme à tous points de vue (gestion du patrimoine, recherche, accès aux données, etc.). De la vision coloniale euro- centrique, et, surtout, belgo centrée pour ce qui est de la façon d’aborder l’histoire de la colonisation, le musée est passé à une recherche interculturelle et multidisciplinaire. Dans le secteur académique, plusieurs voix ont émis le souhait que le MRAC conserve son patrimoine colonial, notamment son patrimoine historique, et en facilite l’accès et la diffusion des connaissances. Un cas d’étude sera mis en exergue, celui de l’art colonial, patrimoine controversé et partagé entre la République démocratique du Congo et la Belgique. Quelle est sa spécificité ? Comment a-t-il circulé et quelle nouvelle identité peut-il obtenir aux XXIe siècle ? Quelles opportunités et quelles entraves son étude présente-t-elle ? Quel avantage comparatif offre-t-il à des études sur les autres patrimoines issus des colonisations européennes ? Au-delà du questionnement, la communication portera également sur quelques exemples précis d’acteurs et explorera quelques contextes intéressant l’Afrique, l’Asie ou les Amériques.

  • « La mémoire comme pratique sociale : Héritage Immatériel et Matériel » Françoise VERGES; vergesf/at/free/point/fr; Présidente du comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage

Dans cette contribution, Françoise Vergès revient sur trois cas de classement au Patrimoine Mondial de l’UNESCO : la montagne du Morne et l’Aapravasi Ghat à l’île Maurice et à La Réunion, le maloya et Cimes et Remparts. Elle analyse comment ces lieux deviennent “patrimoine” et ce qui se construit autour du patrimoine.

  • « Patrimoine naturel en Afrique de l’Ouest : de l’arboretum de l’IFAN au Parc naturel Bangr Weogo (Ouagadougou, Burkina Faso) ». Benoit HAZARD ; bhazard/at/msh-paris/point/fr ; Chargé de mission CNRS « patrimoine africain » FMSH

Cette communication interroge les limites de nos savoirs et fait l’état des formes d’appropriation de la « bibliothèque coloniale » par les sociétés africaines. À partir d’un retour sur la généalogie d’une forêt classée de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso), le parc Bandr weogo, ce papier propose de montrer comment un dispositif de savoir encyclopédique, universaliste et colonial, celui de l’IFAN crée par Théodore Monod et le Museum d’Histoire Naturelle, est progressivement devenu l’emblème d’un patrimoine urbain de la biodiversité locale. La construction d’un corpus de connaissance sur la nature et ses constructions sociales par plusieurs générations de chercheurs burkinabés, dans le cadre du parc Bandr Weogo fournit alors une illustration possible des constructions apaisées du patrimoine.

http://www.reseau-asie.com/colloque/4eme-congres-2011/patrimoine-culturel-enjeux-metamorphoses/patrimonialisations-coloniales-transversale/

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Source : http://calenda.revues.org/nouvelle20601.html

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